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L’enjeu sanitaire est de taille : en effet, près de 100 000 décès d’ici 2050 pourraient avoir été provoqués par une exposition à l’amiante. L’article 11 du projet de loi relatif à la santé est-il à la hauteur de cet enjeu?

 

Le cadre juridique français, en matière de protection contre le risque amiante, comprend un volet « protection des travailleurs » prévu dans le code du travail et un volet « protection de la population » relevant du code de la santé publique ».

S’agissant de ce dernier, les articles L.1334-12-1 à L. 1334-17 du Code de la santé publique posent une obligation générale en matière de surveillance du risque amiante pour tous les immeubles bâtis, publics ou privés, dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997. Les propriétaires, ou à défaut les exploitants, doivent y faire rechercher la présence d’amiante et, le cas échéant, établir un diagnostic de l’état de conservation de l’amiante dans les matériaux et produits repérés. En fonction de l’état de conservation des matériaux et produits, les propriétaires peuvent être amenés à faire réaliser des mesures d’empoussièrement dans l’air et, si les mesures dépassent le seuil d’empoussièrement actuellement fixé à 5 fibres par litre, faire réaliser des travaux de confinement ou de retrait de l’amiante.

 

C’est une actualisation de ces articles que prévoit le projet de loi ; trois mesures sont proposées.

 

En premier lieu, les obligations déclaratives des organismes réalisant les repérages et les opérations de contrôle sont  étendues. En effet, ces derniers doivent communiquer, non plus seulement au Préfet, mais également aux ministres chargés de la santé et de la construction les informations nécessaires à l’observation de l’état du parc immobilier. De plus, les informations à communiquer s’étendent à celles relatives à la gestion des risques (article L. 1334-14 du Code de la santé publique).

 

Serait-ce une première avancée contre le manque de pilotage au niveau national relevé dans le rapport d’information du Sénat de juillet 2014 ? En effet, il relève que quasiment tous les ministères sont concernés, de près ou de loin, par les enjeux du désamiantage…

 

En deuxième lieu, les pouvoirs du Préfet sont renforcés en cas de non-respect de la réglementation relative à la présence d’amiante dans les immeubles. Ainsi, le Préfet pourra désormais non plus “prescrire”, mais “mettre en demeure” le propriétaire, ou à défaut l’exploitant, de mettre en œuvre les mesures propres à évaluer et à faire cesser l’exposition dans un délai qu’il fixe. Faute d’exécution par la personne responsable, il y procède d’office aux frais de celle-ci en cas d’urgence et de danger grave pour la santé (articles L. 1334-15 et L. 1334-16-2 du même code).

 

En dernier lieu, un régime de sanction est mis en place. En effet, en cas de non-respect de ladite mise en demeure, le Préfet pourra également, en cas d’urgence et de danger grave pour la santé, suspendre l’accès et l’exercice de toute activité dans les locaux concernés et prendre toutes mesures pour limiter l’accès aux locaux dans l’attente de leur mise en conformité (article L. 1334-16-1 du même code).

 

Ces mesures seront-elles suffisantes pour remédier aux constatations du Sénat et du Haut Conseil de la Santé Publique ? En effet, ce dernier relève dans son rapport de juin 2014 que les textes réglementaires actuels ne sont pas appliqués correctement. Le Sénat qualifie ainsi la qualité du repérage et du diagnostic effectués de “talon d’Achille de la réglementation”. Cette absence d’application de la réglementation actuelle a même pour conséquence, selon le HCSP, de rendre illusoire l’abaissement du seuil de déclenchement des travaux, alors que l’Anses a recommandé depuis 2009 l’abaissement de ce taux à 0,5 fibres par litre !

 

Quoi qu’il en soit, les mesures envisagées sont loin d’être à la hauteur des recommandations du HCSP ! Où est passée l’exigence de la réalisation d’un examen visuel après travaux de retrait des matériaux ou produits contenant de l’amiante ? Ne faut-il pas mettre en place une base de données centralisant l’ensemble des résultats de repérage consultable par toutes les parties intéressées sur l’exemple de la centralisation des diagnostics énergétiques mise en place par l’Ademe ? De même, ne faut-il  pas imposer de déclarer préalablement les dates de réalisation des prélèvements afin de rendre possible des contrôles inopinés ?

 

Affaire à suivre…