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ANALYSE

 Le projet de loi « de modernisation de notre système de santé » adopté en première lecture le 14 avril 2015 par l’Assemblée Nationale confie au GCS de moyens une nouvelle mission : l’exploitation sur un site unique d’autorisations d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds détenus par un ou plusieurs de ses membres.

 Cette mesure introduite par le nouvel article 27 bis du projet de loi, offre de larges perspectives aux coopérations en construction ou effectives qui visent l’exploitation commune d’activité.

 En l’état du droit, l’exploitation commune d’autorisation d’équipement matériel lourd est possible et relativement aisée : convention de co-utilisation où l’un des signataires dispose de l’autorisation et ouvre des vacations à un tiers, GCS titulaire d’autorisation d’équipement matériel lourd tout en restant GCS de moyens ou autre Groupement. Mais ces options ne répondent pas toujours aux attentes des partenaires en terme de circuit de facturation (en particulier les forfaits techniques), de mutualisation de moyens matériels et humains ou encore d’attribution de l’autorisation (nombreux sont en effet les établissements de santé qui disposant en propre de l’autorisation considérée, privilégient la voie de la convention afin de ne pas « perdre » leur autorisation alors qu’une véritable exploitation commune est souhaitée). L’adoption de l’article 27 bis introduirait une option intermédiaire à même de satisfaire l’ensemble des partenaires sous réserve d’apporter quelques précisions règlementaires.

 Mais l’intérêt de cette disposition concerne surtout les coopérations relatives aux autorisations d’activités de soins : seule la voie du GCS érigé en établissement de santé[1] est à ce jour juridiquement envisageable ce qui n’était pas sans soulever un certain nombre de difficultés (nature publique/privée, gouvernance, intervention des personnels…etc.) tirées de la lourdeur de ce dispositif. Avec l’article 27 bis, le GCS revisité n’est pas titulaire d’autorisation d’activité de soins en propre et partant ne revêt pas la qualité d’établissement de santé et n’est pas soumis aux droits et obligations applicables à ceux-là. Les difficultés rencontrées avec le GCS érigé en établissement de santé pourraient être écartées avec l’adoption de l’article 27 bis sous réserve de quelques aménagements.

 On soulignera que, de manière judicieuse, le projet de loi ne supprime pas pour autant le GCS érigé en établissement de santé qui demeure un outil adapté dans certains cas comme la reprise d’activités et/ou de fonds de commerce d’un établissement de santé (exemple : GCS Territorial Ardenne Nord)).

 Le mécanisme décrit par l’article 27 bis prévoit :

  – Un GCS « exploitant » d’autorisation détenue par un ou plusieurs de ses membres

 Le GCS de moyens de l’article 27 bis exploite les autorisations détenues par l’un et/ou l’autre de ses membres.

 L’objectif est, selon le rapport de la Commission des affaires sociales du 20 mars 2015[2], de permettre une co-exploitation d’une ou plusieurs autorisation(s) entre plusieurs établissements de santé (voire professionnels de santé pour les équipements matériels lourds) au sein d’un GCS de moyens qu’ils auront constitués ensemble. Un tel dispositif a donc vocation à conserver le caractère syndical du groupement quelle que soit sa nature, de droit public ou de droit privé. Il permet d’apaiser la crainte d’une appropriation publique ou privée de l’activité.

 Cependant, le texte de l’article 27 bis tel que rédigé dans la dernière version du projet de loi peut créer une incertitude quant à la notion de « co-exploitation » en particulier dans l’hypothèse où seul un des membres est titulaire de l’autorisation considérée.

 En effet, la notion d’exploitation est intrinsèquement liée à la titularité de l’autorisation : c’est celui qui dispose de l’autorisation qui exploite, facture l’activité et perçoit les financements, engage sa responsabilité des patients.

 En l’espèce, le recours à l’article 27 bis du projet de loi suppose que l’un des membres soit (ou devienne) titulaire de l’autorisation et la mette à disposition du GCS.

 Si un GCS repose sur la logique du mandat (il agit toujours au nom et pour le compte de ses membres), il serait nécessaire de confirmer que le GCS de l’article 27 bis peut exploiter pour le compte de ses membres les autorisations détenues par un ou plusieurs d’entre eux et que la non titularité de(s) l’autorisation(s) par l’un des membres est sans incidence.

 Afin d’apporter des garanties optimales, les Agences Régionales de Santé devront prévoir des mentions particulières dans les décisions délivrant les autorisations.

 

– L’exploitation d’autorisations cantonnée à un site unique

 En l’état, l’article 27 bis du projet de loi cantonne l’exploitation des autorisations d’activités de soins par un GCS de moyens sur un site unique.

 Le site unique constitue une contrainte lourde voire bloquante pour les établissements de santé à l’heure où l’organisation territoriale des activités devient prégnante. Que se passera-t-il si deux établissements autorisés chacun en chirurgie souhaitent organiser une co-exploitation en chirurgie ? Devront-ils constitués deux GCS article 27 bis pour permettre la réalisation de cette activité sur les deux sites ?

 Nous préconisons une suppression de la condition du « site unique ».

 – Un régime de responsabilité fixé dans la convention constitutive du GCS

 L’article 27 bis du projet de loi renvoie à la convention constitutive du GCS le soin de fixer « la répartition des responsabilités en matière d’admission des patients, de responsabilité à leur égard et d’archivage des données médicales les concernant ». 

 Relèvent donc de la liberté contractuelle (sous réserve des principes constitutionnels et législatifs applicables) les règles de répartition des responsabilités à l’égard des patients,comme cellesen matière d’admission et d’archivage des données médicales.

 En revanche, le texte ne prévoit en l’état aucune dérogation à l’article L. 6122-3 et en particulier à son dernier alinéa aux termes duquel « Quelle que soit la forme de gestion ou d’exploitation adoptée par la personne titulaire de l’autorisation, celle-ci en demeure le seul responsable, notamment au regard des obligations relatives à l’organisation et à la sécurité des soins ».

 En conséquence, seul le membre titulaire de l’autorisation reste responsable vis-à-vis de l’Agence Régionale de Santé du respect des obligations attachées à l’exploitation de ladite autorisation (notamment conditions d’implantation et conditions techniques de fonctionnement). 

 Compte-tenu de l’objet du dispositif, nous préconisons d’indiquer que la convention constitutive du GCS pourra prévoir que le GCS est responsable du respect des obligations relatives à l’organisation et à la sécurité des soins par dérogation aux dispositions de l’article L. 6122-3 du code de la santé publique.

 

PROPOSITION DE REDACTION

 

Article 27 bis :

« Après le 3° de l’article L. 6133-1 du code de la santé publique, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Exploiter des autorisations détenues par un ou plusieurs de ses membres, conformément aux articles L. 6122-22 et suivants. Dans ce cas, la convention constitutive du groupement fixe la répartition des responsabilités en matière d’admission des patients, de responsabilité à leur égard et d’archivage des données médicales les concernant. La convention constitutive du groupement peut prévoir que par dérogation à l’article L 6122-3 du code de la santé publique, le groupement est responsable du respect des obligations relatives à l’organisation et à la sécurité des soins. Par dérogation aux articles L6122-4 du présent code et L162-21 du code de la sécurité sociale, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser le groupement à facturer les soins délivrés aux patients pour le compte de ses membres, dans les conditions prévues à l’article L6133-8 du présent code”

 


[1] Article L. 6133-7 du code de la santé publique : « Lorsqu’il est titulaire d’une ou plusieurs autorisations d’activités de soins, le groupement de coopération sanitaire est un établissement de santé avec les droits et obligations afférents. Le groupement de coopération sanitaire de droit privé est érigé en établissement de santé privé et le groupement de coopération sanitaire de droit public est érigé en établissement public de santé, par décision du directeur général de l’agence régionale de santé. »

 

[2] «  vise à permettre aux groupements de coopération sanitaire de moyens d’exploiter en commun une autorisation d’activité de soins ou d’équipements matériels lourds dont l’un des membres demeure titulaire » (page 557 du rapport)