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Par un arrêt du 10 mars 2016 (N° de pourvoi : 14-29613), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a déclaré irrecevable le recours formé par un médecin anesthésiste-réanimateur à l’encontre d’un indu notifié par la Caisse de sécurité sociale à la suite d’un contrôle de son activité.

Au cas d’espèce, le médecin a fait l’objet d’un contrôle des actes facturés au cours des années 2005 et 2006.

La Caisse a relevé des anomalies dans la tarification et la facturation de ses actes et lui a notifié un indu.

Conformément à l’article R. 142-1 du Code de la sécurité sociale, ce dernier a saisi la Commission des Recours Amiables (CRA) dans le délai de deux mois suivant la date de notification de l’indu.

En appel, tout en qualifiant cette contestation de recours gracieux, la Cour d’appel constate « qu’il n’avait contesté ni le principe ni le montant  des sommes réclamées par la Caisse ». Elle se fonde sur la différence entre les moyens invoqués par le médecin dans le cadre de la saisine de la CRA et ceux invoqués dans le cadre de sa requête devant le TASS.

Il ressort en effet que sa contestation CRA comportait l’exposé de sa situation financière et les difficultés financières qu’engendrerait le recouvrement de cet indu.

La Cour d’Appel en a alors déduit que cette contestation, bien que portée devant la CRA (recours préalable obligatoire en matière de contestation d’indu), s’analyse en une demande de remise de dette et que, par voie de conséquence, le requête introduite devant le TASS est irrecevable.

Cet arrêt, semble-t-il resté inaperçu, devrait intéresser les établissements et professionnels de santé à plus d’un titre.

Les professionnels et établissements de santé s’exposent en effet à une requalification de leur contestation en demande de remise de dette, quand bien même elle aurait été portée devant la CRA, dès lors qu’elle serait motivée uniquement au regard de la précarité de la situation financière du contestataire.

L’article L. 256-4 du code de la sécurité sociale permet en effet aux assurés sociaux en situation de précarité de solliciter des organismes de la sécurité sociale une remise de dette. Ces dispositions sont pleinement applicables aux indus des professionnels et établissements de santé (à l’exception de ceux recouvrés par voie de contrainte). Cette requalification est lourde de conséquences sur le plan procédural puisque les juges admettent de manière constante que le TASS ne dispose pas du pouvoir d’accorder ou refuser une remise de dette[1].

Cet arrêt, qui peut paraître particulièrement strict dans un premier temps, se veut pragmatique en ce qu’il rappelle la nécessité de motiver précisément les contestations gracieuses formulées auprès des CRA.

Dans ce type de contentieux, les juges attachent en effet une vigilance particulière aux justifications apportées par les établissements et professionnels de santé lorsqu’ils entendent contester un indu notifié à l’issu d’un contrôle d’activité.

En matière de contestation d’indu, la saisine de la CRA constitue un recours administratif obligatoire et préalable à la saisine du TASS. Par ailleurs, et si aucun formalisme particulier n’est requis par les textes, l’établissement se doit, en pratique, de préciser les raisons de droit et de fait qui justifient la contestation de l’indu notifié.

Il est indéniable que le dossier médical constitue un élément de preuve indispensable pour le juge afin d’apprécier le caractère justifié de la facturation des actes ou séjours. A défaut, l’assurance maladie est  fondée à considérer que les facturations ne sont pas justifiées.

Les contestataires doivent donc s’attacher à élaborer un argumentaire médical circonstancié et étayé, en corrélation avec les éléments présents  dans les dossiers patients pour chaque séjour ou acte dont la facturation est contestée par les caisses.

S’il est vrai que les CRA confirment de manière quasi-systématique le rejet des contestations gracieuses, il est cependant important de noter que l’élaboration d’un argumentaire médical dès la saisine CRA permet d’optimiser les chances de succès à ce stade et, par suite, devant le TASS.

Par ailleurs, dans la perspective d’une procédure contentieuse, il est clair que l’assurance maladie n’hésitera pas à soulever l’irrecevabilité dès lors que l’établissement évoque ses difficultés financières, malgré les justifications médicales de nature à établir le bien fondé des facturations[2].

Par voie de conséquence, et au regard de la présente solution, si les juges venaient à considérer qu’il s’agit d’une demande de remise de dette, l’établissement s’expose :

– à une irrecevabilité de la requête dans la mesure où elle n’a pas été soumise préalablement à la CRA conformément à l’article R142-1 du CSS. Cela signifie que la contestation sera écartée sans examen au fond du dossier.

– au rejet de sa requête comme étant introduite devant une juridiction incompétente (l’incompétence du TASS pour connaître des remises de dettes constituent un moyen d’ordre public pouvant être relevé d’office par le juge le jour de l’audience, s’agissant d’une procédure orale).

A l’heure où les contrôles d’activité se multiplient à l’encontre de l’ensemble des acteurs de santé, nous ne saurions trop recommander aux « victimes » de l’assurance maladie d’être particulièrement vigilants sur les justifications apportées dès la saisine de la CRA.



[1] Civ. 2ème 20 mai 2012 n°11-11.278

[2] Face à l’insuffisance des éléments présents dans les dossiers patients, sachez que les médecins contrôleurs ne peuvent opposer un refus de facturation dès lors que l’établissement est en mesure de justifier par tout moyen du caractère justifié des factures (On peut citer, à titre d’exemples, les avis de l’ATIH, les recommandations de bonnes pratiques de l’HAS ou de sociétés savantes). En ce sens, Cour de cassation de la deuxième chambre civile, 8 novembre 2012 (n°11-28501).