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La prochaine loi de santé devrait de nouveau renforcer les coopérations entre les offreurs de soins afin d’améliorer leurs performances. Le discours est louable et l’intérêt incontestable. Cependant, tous ceux qui tentent de mettre en place de telles coopérations, se heurtent journellement aux incohérences des textes ou de leurs interprétations doctrinales ou jurisprudentielles et cela est particulièrement vrai en matière de biologie médicale…

Quelques exemples en vrac :

1 – Les contrats de coopération
Un courrier adressé sous la signature du Directeur Général de l’Offre de Soins le 4 octobre 2013 au Président du Conseil central de la section G de l’Ordre national des pharmaciens (disponible sur le site de la FHF) affirme que les contrats de coopération ne peuvent être conclus qu’entre laboratoires de biologie médicale (LBM) privés.Les éléments de doctrine ministériels figurant sur le site du ministère, pour leur part, laissent entendre que le contrat de coopération n’existe que lorsque deux LBM s’accordent pour se partager la réalisation de la phase analytique de certains examens pratiqués peu souvent. Or, que disent les textes ? Selon l’article L. 6212-6 du CSP : “Un contrat de coopération est un contrat signé entre plusieurs laboratoires de biologie médicale, situés sur un même territoire de santé ou sur des territoires de santé limitrophes, en vue de la mutualisation de moyens pour la réalisation d’examens de biologie médicale déterminés”. Une telle rédaction ne répond-elle qu’à l’hypothèse envisagée par l’Administration ? Par ailleurs, un laboratoire de biologie médicale étant selon la définition qui en est donnée par l’article L. 6212-1 du même code, toute “structure au sein de laquelle sont effectués les examens de biologie médicale”, l’administration peut-elle dès lors en tirer les conclusions rappelées supra ?

2 – Les transmissions entre laboratoires

Les transmissions entre laboratoires sont encadrées dans leur volume par l’alinéa 2 de l’article L 6211-19 : “Ces transmissions ne peuvent excéder, pour une année civile, un pourcentage fixé par voie réglementaire et compris entre 10 et 20 % du nombre total d’examens de biologie médicale réalisés par le laboratoire.”L’article 6 du décret n°2011-1268 du 10 octobre 2011 fixant les règles permettant d’apprécier l’activité d’un laboratoire de biologie médicale et le pourcentage maximum d’échantillons biologiques pouvant être transmis entre laboratoires de biologie médicale, pris en application des articles L. 6211-19, L. 6222-2, L. 6222-3 et L. 6223-4 du CSP, est venu préciser que “le nombre d’examens de biologie médicale réalisés à partir d’échantillons transmis par un laboratoire de biologie médicale en application de l’article L.6211-19 du code de la santé publique ne peut excéder 15% du nombre total des examens de biologie médicale réalisés en totalité ou en partie par le laboratoire transmetteur.” 

Une telle disposition est parfaitement comprehensible en ce qui concerne les laboratoires privés. En effet, tout dépassement d’un tel seuil constitue un signal sur la capacité du laboratoire à faire face à ses missions. Mais pourquoi diantre avoir étendu cette mécanique infernale aux laboratoires des établissements de santé ? Cette règle interdit de manière absurde et contreproductive aux laboratoires de ces établissements de se spécialiser dans une logique de coopération entre établissements et de recherche d’optimisation de leur fonctionnement, y compris dans le cadre des CHT qui devrait être renforcé dans la prochaine loi.

3 – Les ristournes

L’article 58 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, n°2011-1906 du 21 décembre 2011 avait abrogé l’article 8 IV de l’ordonnance n°2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale interdisant les ristournes[i]. Depuis la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale, l’article L. 6211-21 du code de la santé publique[ii] permet de déroger à l’obligation de facturer au tarif de la nomenclature en vigueur pour les actes de biologie médicale uniquement dans deux hypothèses :

–          Lorsque les examens biologiques sont réalisés dans le cadre d’une coopération entre établissements de santé,

–          Lorsque les examens biologiques sont réalisés dans le cadre d’un contrat de coopération visé à l’article L. 6212-6 du code de la santé publique.

Ces dispositions dérogatoires sont obligatoirement d’interprétation stricte.

Mais que signifie le premier membre de phrase de l’article L. 6211-21 du code de la santé publique « Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions » ?

Une simple convention de mise en commun de moyens entre deux établissements de santé permet-elle de bénéficier de cette disposition ? Ou faut-il obligatoirement que la coopération passe par la constitution d’un laboratoire commun et donc par celle d’un GCS ?

4 – La mise en oeuvre pratique des coopérations

Ce n’est pas tout d’affirmer dans la loi que le groupement de coopération sanitaire peut être gestionnaire d’un laboratoire de biologie médicale. Ce n’est pas tout non plus de fournir des guides en la matière …dès lors que l’on évite de se pencher sur toutes les questions cruciales de mise en oeuvre de tels projet telles que le devenir des “autorisations” des membres, l’organisation des compétences des biologistes des établissements membres, l’organisation mutualisée de leur activité en cas de laboratoire multi-sites au regard de l’article L. 6222-6, l’incidence éventuelle de ce nouveau mode de fonctionnement sur l’inscription des biologiste médicaux aux ordres professionnels, les règles et modalités de facturation en particulier des “externes”, l’utilisation de la carte CPS, l’application du droit du travail, l’incidence de la coopération sur les accréditations déjà accordées ou en cours, etc..

Un peu de cohérence entre les textes et les politiques publiques serait la bienvenue. Un peu de clarté également…

Mais il y a beaucoup plus grave ! Il y a une bombe sur laquelle nous tentons régulièrement d’appeler l’attention, et qui, en éclatant, risque de remettre en cause l’essentiel des coopérations public/privé. Les pouvois publics sont sur ce sujet étonnament silencieux. Mais peut-être ne l’ont-ils pas vu ? Peut-on le croire ? En tout état de cause, dans cette période de concurrence exacerbée, l’on ne pourra vraisemblablement pas longtemps s’en sortir avec des pirouettes.

Nous y reviendrons prochainement.

 



[i]Les ristournes mentionnées à l’article L. 6211-6 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente ordonnance, consenties par des laboratoires de biologie médicale dans le cadre de contrats de collaboration, ou d’accords ou de conventions passés avec des établissements de santé publics ou privés avant la publication de ladite ordonnance, cessent d’être versées au plus tard le 1er novembre 2013.”

[ii] « Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale. »