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La Cour d’Appel de Paris a rendu le 9 juin 2016 un arrêt très instructif sur les ristournes prohibées par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique (CSP)[1] sauf exceptions prévues par la loi.

Hors les cas de coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de groupements hospitaliers de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6 du CSP, la loi impose que les examens de biologie médicale soient facturés au tarif des actes de biologie médicale.

De fait, des laboratoires concourant à un appel d’offres ne devraient pouvoir se distinguer de leurs concurrents à raison du prix proposé selon les règles applicables dans une économie de marché (Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de préciser que « le critère du prix des prestations prévues par la nomenclature des actes de biologie médicale est dépourvu de toute pertinence pour départager les offres »[2]).

La SA O… qui exploite des établissements sanitaires et médico-sociaux avait lancé en mars 2014 un appel d’offre privé auprès de laboratoires de biologie médicale afin d’assurer les analyses de ses patients et résidents.

Il était spécifié dans le cahier des charges qu’en contrepartie de la mise à disposition par la SA O… et les établissements intéressés de ressources techniques, de personnels, de consommables, de locaux, le laboratoire devait s’engager à verser mensuellement une redevance dont le montant devait être fixé d’un commun accord entre la SA O… et le lauréat.

Alléguant une violation des dispositions précitées dans leur rédaction applicable au litige,[3] considérant en effet que l’appel d’offre exigeait en réalité le bénéfice d’une ristourne, plusieurs syndicats de biologistes privés ont saisi le Juge des référés.

Celui-ci leur donnait raison par ordonnance du 10 juillet 2014 en relevant l’existence d’un trouble manifestement illicite et enjoignait la SA O… de ne pas signer avec des laboratoires de conventions qui porteraient mention d’un taux de redevance qui ne serait pas la contrepartie de services rendus précisément définis.

La SA O… faisait appel. Elle plaidait que la redevance proposée ne pouvait s’assimiler à une ristourne : la redevance était déterminée en accord avec les pétitionnaires, calculée en contrepartie de services réels et identifiables et choisis librement par les laboratoires, et sa fixation était totalement indépendante de la tarification réglementée des actes.

Mais la Cour relève qu’en réalité, et en regard des pièces produites, il s’agit pour les laboratoires de s’engager sur un montant de redevance in abstracto sur un pourcentage du chiffre d’affaires.

« Que si la SA O… soutient l’existence d’un lien entre la redevance sollicitée dans ses mails et les services et prestations rendus par ses établissements au motif que cette redevance correspondrait à celle prévue à l’article 11 du Cahier de Charges,
les échanges précités entre l’appelante et les laboratoires commissionnaires ne l’établissent pas mais révèlent au contraire suite à sa demande des propositions basées sur le chiffre d’affaire qui serait réalisé par les laboratoires auprès des établissements de la société O… laissant ainsi la possibilité pour cette dernière de marchander le pourcentage de redevance proposé
;

Qu’il s’ensuit qu’en demandant aux laboratoires de biologie
de lui proposer à l’avance un pourcentage de redevance à lui rétrocéder, alors même que les prestations et services n’ont pas encore été rendus et que seul l’établissement concerné est en mesure de communiquer le coût de ces services permettant aux parties de fixer le montant de la redevance
,
la SA O…a manifestement sollicité une ristourne
prohibée par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique alors que la facturation des examens de biologie médicale n’est susceptible de donner lieu à aucune forme de remise, sauf exceptions prévues dans le code de la santé publique, de la part des entités en assurant l’exécution ; »

Une lecture a contrario de cet arrêt nous amène à conclure que dès lors que la redevance exigée est établie en regard des coûts des services
effectivement rendus
par l’établissement et qu’il ne présente aucun caractère forfaitaire, ni n’est lié au chiffre d’affaires, alors elle ne s’apparenterait pas à une ristourne et n’entrerait pas dans le champ d’interdiction de l’article L. 6211-21.

Mais des solutions permettent aussi d’échapper à la prohibition des ristournes : il faut alors sortir de la logique de la prestation de service et créer les conditions d’une coopération en matière de biologie médicale avec un autre établissement de santé…Le coût in fine de l’acte pourra alors être très inférieur au prix réglementé…

[1] « Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de groupements hospitaliers de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale. » [2] CE, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 07 mai 2013, n°364833. [3] « Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale. »

Stéphanie BARRE-HOUDART est associée et responsable du pôle droit économique et financier et co-responsable du pôle organisation sanitaire et médico-social.

Elle s’est engagée depuis plusieurs années auprès des opérateurs du monde public local et du secteur sanitaire et de la recherche pour les conseiller et les assister dans leurs problématiques contractuelles et financières et en particulier :

- contrats d’exercice, de recherche,

- tarification à l’activité,

- recouvrement de créances,

- restructuration de la dette, financements désintermédiés,

- emprunts toxiques

Elle intervient à ce titre devant les juridictions financières, civiles et administratives.

Elle est par ailleurs régulièrement sollicitée pour la sécurisation juridique d’opérations complexes (fusion, coopération publique & privée) et de nombreux acteurs majeurs du secteur sanitaire font régulièrement appel à ses services pour la mise en œuvre de leurs projets (Ministères, Agences Régionales de Santé, financeurs, Etablissements de santé, de la recherche, Opérateurs privés à dimension internationale,…).