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La commission “marché intérieur” du Parlement européen s’est prononcée, mercredi dernier, en faveur d’un délai unique de 30 jours, pour le paiement des factures aux entreprises. Cette décision fait suite des préconisations du projet de rapport de Barbara Weiler sur la refonte de la directive du Parlement européen et du Conseil, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. L’objectif est de revoir la directive européenne de 2004 afin d’éviter aux entreprises déjà fragilisées par la crise d’être pénalisées par des paiements tardifs.
Ce délai de 30 jours s’appliquerait aussi bien dans les transactions commerciales entre opérateurs ou autorités publiques et entreprises privées que dans les transactions inter-entreprises (business to business). Dans ces deux cas, cette période pourrait cependant être étendue jusqu’à 60 jours. Dans les transactions entre entreprises, le délai supplémentaire devrait être défini dans le contrat et pourrait même aller au-delà de la limite de 60 jours à condition que cette extension ne provoque pas “des dommages injustifiés” à l’une des parties.
La règle serait plus stricte pour les pouvoirs publics : le dépassement de la limite de 30 jours nécessiterait une justification particulière et le délai maximal de 60 jours serait infranchissable.
Cependant, une certaine souplesse serait prévue pour les établissements publics de santé et les établissements médico-sociaux publics qui auraient d’office 60 jours pour payer leurs factures à un contractant privé. Cette exception s’expliquerait par la spécificité de ces établissements, tels que les hôpitaux publics, financés dans une large mesure par des remboursements via un système de sécurité sociale.
Tant mieux pour ces établissements. Cependant, on comprend mal ce qui objectivement justifie un tel traitement différencié. En effet pourquoi imposer en définitive aux fournisseurs de ces seuls établissements de contribuer pour une plus grande part à la constitution de la trésorerie de ces derniers alors que ces cocontractants doivent eux-mêmes assurer leur propre trésorerie en recourant parfois à l’emprunt dans les conditions actuelles que l’on sait. Pourquoi faire supporter à ces fournisseurs le risque de trésorerie liés au poids des déficits de gestion comme des délais de paiement des caisses d’assurance maladie ?
Pourquoi, par ailleurs, une différence entre établissements publics et établissements privés alors que les règles de financement s’uniformisent ? Il y a certainement une explication mais qui pour l’instant m’échappe.
Mais surtout, tous les fournisseurs des collectivités publiques savent que l’arsenal juridique en la matière, qu’il s’agisse des délais de paiement ou des intérêts moratoires, est une vaste fumisterie qui permet aux pouvoirs publics de se donner bonne conscience à peu de frais.
Qui a vu une personne publique respecter systématiquement et scrupuleusement les délais de paiement qui lui étaient imposés par les textes ? Qui a vu une personne publique régler sponte sua les intérêts moratoires alors qu’il s’agit de dispositions d’ordre public auxquelles il ne peut être dérogé (CE, 17 octobre 2003, ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c / Syndicat intercommunal d’assainissement le Beausset, la Cadière, le Castellet, Lebon, p. 411) ?
Certes, on est dans un état de droit qui permet de faire valoir ses droits devant les juridictions. Mais qui a vu un fournisseur réclamer en justice les intérêts moratoires qui lui étaient dus au titre de seuls retards de paiement d’un contrat public ? La jurisprudence en la matière, quasiment vierge(quelques exceptions : CAA Marseille, 7 février 2005, N° 00MA01136 ; CE, 12 novembre 2001, N° 222159 Publié au recueil Lebon), donne une bonne idée de la crainte des fournisseurs des personnes publiques de se voir écartés des contrats publics. Alors il ne faut pas s’étonner de voir dans les bilans des PME des créances supérieurs à 200 ou 300 jours voire beaucoup plus sur des personnes publiques. Et il ne faut pas s’étonner de leur fragilité financière.
Et que dit le comptable public qui devrait, dans de telles circonstances, s’inquiéter que les intérêts moratoires ne soient pas mandatés avec le principal ? Et que dit le juge des comptes ? Et que disent les « tutelles » ? Alliance objective !

Alors il ne faut pas s’étonner d’un renchérissement des contrats publics qui imposent aux fournisseurs de jouer le rôle que les banquiers ne jouent pas parce que les acheteurs publics estiment que le crédit fournisseur est moins cher que le crédit bancaire.