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Alors que le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Nanterre avait débouté, début juin, la commune de Servian (Hérault) de sa demande visant à obtenir à titre conservatoire l’autorisation de procéder au remboursement anticipé du capital restant en s’affranchissant des clauses du contrat la liant à Dexia qu’elle considérait abusives, le Tribunal de grande Instance de Paris rejetait par ordonnance de référé rendue le 24 novembre 2011 les prétentions de la société The Royal Bank of Scotland et donnait raison à la ville de Saint-Etienne.

Il convient de s’arrêter tant sur la procédure que sur la motivation empruntée.

Sont ici en cause des contrats de "swap"conclus par la commune entre juin 2006 et mars 2007.

Arguant de leur illégalité, la collectivité a assigné au début de l’année 2011 The Royal Bank of Scotland en nullité des contrats.

La commune de Saint-Etienne a concomitamment cessé d’honorer ses échéances de remboursement.

Après une vaine mise en demeure, l’organisme bancaire a saisi le juge des référés dans le cadre de la procédure organisée par l’article 809 alinéa 1 du Code de Procédure Civile  afin d’obtenir, à titre de mesure conservatoire, le paiement des échéances dues par la commune sous astreinte.

Les motifs retenus pour rejeter la demande de la banque sont éclairants :

Le Juge des référés reconnaît certes, s’appuyant sur une jurisprudence constante en la matière, que "La convention faisant la loi entre les parties, le seul fait pour l’une d’entre elles de ne plus respecter ses obligations contractuelles enfreint cette loi", mais pour mieux relever que "pour que cette violation puisse être considérée par le Juge des Référés comme un trouble manifestement illicite encore faut-il que cette convention ne puisse être suspectée d’illicéité".

C’est là qu’il place l’estocade, en mettant en exergue la nature des swaps vendus aux collectivités territoriales qu’il désigne comme "produits spéculatifs à haut risque" dont la légalité est aujourd’hui sérieusement contestable devant le Juge du fond.

Sans préjuger de la position qu’adoptera le dit Juge de fond quand il aura à connaître de la nullité des contrats de swap , sans pouvoir considérer qu’une seule Ordonnance de référé emporte jurisprudence, cette décision encore isolée laisse à croire, contrairement à ce qu’ont pu affirmer certains organismes bancaires grands pourvoyeurs d’instruments financiers à risque, que les contrats signés peuvent être remis en cause et que les actions judiciaires engagées ne relèvent pas de la manœuvre dilatoire.

L’ensemble des praticiens qui accompagnent et conseillent les collectivités territoriales et les établissements publics de santé dans cette démarche courageuse ne peuvent que s’en féliciter.

Il convient malgré tout d’attirer l’attention des personnes publiques sur le fait que chaque dossier requiert une approche singulière adaptée au cas d’espèce en usant, éventuellement  en sus de l’assignation en  nullité du contrat ou en recherche de responsabilité, des moyens aussi variés que la consignation du capital restant dû, le séquestre judiciaire ou la suspension du versement des échéances.

Il nous appartient d’établir la stratégie judiciaire la plus adéquate et conforme aux intérêts des personnes publiques que nous défendons. Il ne peut s’agir d’un contentieux sériel.

1 – Swap (de l’anglais to swap : échanger) ou « échange financier » : Produit dérivé financier. Il s’agit d’un contrat d’échange de flux financiers entre deux parties, qui sont généralement des banques ou des institutions financières ( Rapport de la Cour des Comptes, gestion de la dette publique locale, juillet 2011)
En l’espèce, il s’agit d’ "opération au terme de laquelle une banque s’engage à prendre en charge les taux d’intérêts dûs par son client à une autre banque, le client s’engageant à payer des intérêts calculés sur la base d’un nouveau taux".
2 –  "Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite."

3 – Juge du fond qui pourrait adopter une position sanctionnant in fine la collectivité ce qui pourrait entraîner des conséquences financières non négligeables.



Stéphanie BARRE-HOUDART