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Le banquier qui vous a vendu cet (ou ces) emprunt(s) indexé(s) sur la parité EUR/CHF ne va pas spontanément proposer une solution miracle qui vous permettrait de ne pas supporter les surcoûts ou, en cas de remboursement anticipé,  les pertes, occasionnés par ces emprunts.

Car il n'en a pas.

Ceux qui ont jusqu'à présent cherché à négocier « à l'amiable » la sortie de ces emprunts, et ceux qui cherchent encore, se sont déjà rendus compte du coût de la dégradation de leurs conditions d'emprunt et pour certains d'entre eux du coût de la procrastination…

Comme le montrent ces quelques exemples, tous tirés d'authentiques dossiers de prêts indexés sur la parité EUR/CHF :  

·        Pour un emprunt dont le capital restant dû est de 3.912.457,52 €, le coût du remboursement anticipé est de 5.216.000€  en février  2011, 5.589.918 € en avril 2011  et de 7.780.706,89 € en juillet 2011,

·        Pour un emprunt dont le capital restant dû est de 3.816.000 €, le coût du remboursement anticipé est passé de 5.675.010,38 € en mars 2011, à 7.493.056,38 € en juillet 2011, et à 7.824.526,49 € en mars 2012,

·        Pour un emprunt dont le capital restant dû est de 9.563.751 € le coût du remboursement anticipé est de 28.598.008 € en juillet 2012, soit plus de 2,6 fois le capital restant dû

·        Pour deux emprunts dont le capital total restant dû est de 25.580.300,01 € le coût du remboursement anticipé est passé de 14.004.059,63 € en décembre 2009 à 46.666.541,76 €  en septembre 2012 et ce, bien que l'encours de ces emprunts ait diminué (il est désormais de 22.180.750,02 €, et l'indemnité est donc égale à plus de deux fois ce capital).

Le montant des indemnités de remboursement anticipé reflète l'évolution des taux d'intérêt et des dérivés incorporés dans ces prêts structurés soit, en d'autres termes, la valeur sous-jacente de la structure.

L'indemnité de remboursement anticipé n'est donc que le reflet du « mark-to-market » (C’est-à-dire le prix à payer sur le marché pour résilier par anticipation les dérivés incorporés dans le prêt.) des positions qu'il faut racheter pour annuler l'opération.

Lorsque l'évolution des taux et des parités monétaires implique que les anticipations des opérateurs de marché évaluent comme très peu probable le fait qu'un emprunt indexé sur la parité Euro – Franc Suisse et payant un intérêt annuel de 15% voit son taux baisser significativement, et, au contraire, comme assez probable que ce taux puisse encore monter, il ne faut pas s'étonner que le rachat d'un tel engagement  coûte très cher à celui qui l'a pris !

Les valeurs très élevées données ci-dessus à titre d'exemples ne font qu'illustrer ce phénomène que l'on peut résumer comme suit : plus l'emprunt structuré est coûteux, et plus le rembourser par anticipation coûte cher…

En l'espèce, pour parler comme un financier, « le niveau actuel du change Euro / Chf, les anticipations de taux forwards et le niveau de la volatilité sur les marchés sont très négatifs pour prétendre sortir à ce jour des contrats d'emprunt de ce type dans des conditions acceptables. »

Lorsque le désastre menace, il est tentant de recourir à des expédients temporaires.

Le plus usité d'entre eux consiste à repousser la boule de neige de l'emprunt toxique : « on s'arrange » avec son banquier pour geler sur un an (rarement deux désormais les conditions de marché sont trop mauvaises) le prochain coupon à un taux certes élevé mais encore supportable.

Et ensuite ? Ensuite, on verra bien !  Sauf qu'ensuite, le retour à la parité au dessus de laquelle le taux redeviendrait fixe ou à tout le moins supportable est chimérique (voir ci-dessus).

Si bien que le problème n'est pas réglé, mais repoussé, et potentiellement aggravé, car le « mark to market » de l'emprunt (le coût du remboursement anticipé) risque encore de se détériorer au détriment de l'emprunteur.

Sans compter que le « gel temporaire des coupons » se négocie actuellement à des conditions de taux de plus en plus défavorables.  

Ce qui confirme qu'il y a plus sinistre qu'un jeune pessimiste : un vieil optimiste.    

Sinon, votre banquier vous proposera de « sécuriser définitivement votre emprunt » ce qui signifie le  rembourser par anticipation, soit en autofinançant son indemnité de remboursement anticipé, soit en vous prêtant de quoi la payer.




Mais vous allez alors vous rendre compte que :

·        Si l'indemnité de remboursement anticipé est incluse dans le capital du prêt de refinancement, son montant est tel que votre endettement total et donc vos frais financiers s'en trouvent fortement alourdis (voir les exemples ci-dessus : un encours de prêt de 22.180.750,02 € peut ainsi se transformer en un encours de 68.847.291,78 €).

·        Si, ce qui est une variante, l'indemnité de remboursement anticipé est payée sous la forme d'une hausse du taux du prêt de refinancement, vous allez – forcément – payer un taux très élevé (de l'ordre de 17 à 21 % actuellement).

Ces « solutions » peuvent se combiner. Mais elles aboutissent toutes à la même conséquence : sous une forme ou sous une autre l'emprunteur supporte la totalité du surcoût de l'emprunt toxique qui lui a été vendu par sa banque.

Donc il n'y aura pas de miracle.

Sauf peut-être pour votre banque, qui peut avoir intérêt à lancer et prolonger indéfiniment des négociations amiables qui peuvent la mettre à l'abri d'une remise en cause de ses agissements.

Par exemple en multipliant des propositions successives que la banque sait par avance inacceptables.

Le client a l'impression que la banque fait ses meilleurs efforts pour le sortir du mauvais pas dans lequel il se trouve. En réalité la banque à le regard fixé sur la ligne bleue, non pas des Vosges, mais de la prescription des recours en nullité ou en responsabilité que pourrait vouloir intenter l'emprunteur.

Le TEG indiqué au contrat est faux ? C'est assez fréquent.

Cinq ans après la conclusion du contrat il devient le plus souvent impossible de le mettre en cause, et de demander que le taux légal soit substitué au taux contractuel.

Le consentement de l'emprunteur a été surpris par des manœuvres dolosives ? A compter du moment où l'emprunteur a pu s'en rendre compte, l'action en nullité se prescrit aussi par cinq ans

On voit tout l'intérêt qu'il peut y avoir à faire traîner le plus possible des pourparlers.

Certaines banques peuvent être encore plus habiles : elles proposent à l'emprunteur de modifier leur contrat pour geler le coupon suivant. Ce qui peut se faire via un simple avenant.

Mais il est bien plus astucieux de le faire sous la forme d'un nouveau contrat de prêt, prétendument de refinancement. Lequel fera table rase du passé peu reluisant des informations tronquées et omises sur le fondement desquelles l'ancien contrat avait été conclu.

Ce nouveau contrat rafraîchira et renouvellera opportunément la relation contractuelle parce ce que cette fois-ci il sera évidemment conclu après avoir convenablement informé l'emprunteur de la nature et des conséquences de ses actes. Le passé sera passé, enterré,  et le nouveau contrat de prêt ne sera plus tellement susceptible d'être remis en cause.

L'oblitération d'un passé douteux peut même, raffinement suprême, se faire sous la forme d'un tour de passe-passe consistant à refinancer non seulement l'emprunt toxique mais aussi un ou plusieurs autres emprunts. Le ou les nouveaux crédits de refinancement sont alors regroupés en un lot dont les éléments sont indissociables et viennent rembourser une fraction de chacun de ces emprunts.


Pour la banque qui agit ainsi, c'est l'occasion de dégager des marges supplémentaires (il arrive que des emprunts peu risqués mais peu rentables puissent ainsi être remplacés par d'autres plus risqués et/ou plus rentables « en plus » de la « sécurisation » de l'emprunt toxique….), tout en brisant  la succession en ligne directe ancien emprunt – nouvel emprunt.

Prétendre remettre en cause les nouveaux emprunts en conséquence directe de la remise en cause de l'ancien devient alors très difficile. Parce que ces nouveaux emprunts ont servi à refinancer plusieurs opérations distinctes, et qu'ils ne s'inscrivent donc pas dans la continuité directe de l'emprunt toxique qui pourrait être contesté.

Emprunteurs ne vous laissez pas endormir !  La nouvelle sincérité de commande de votre banquier, les avertissements dont il est désormais si généreux, ses multiples efforts pour « trouver une solution », sa grande « créativité » financière et contractuelle n'ont qu'un but : lui éviter de payer à votre place la facture de son emprunt toxique.

Manlius

A suivre : 3 –  Ne vous battez pas seuls !