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Ces manœuvres dilatoires ou de diversion ne sont pas facilement détectables.

Pas plus que ne l'étaient les risques liés à la souscription de tels emprunts, dès lors que les banques n'en présentaient que les avantages immédiats et jamais les inconvénients, pourtant bien réels.

Si les emprunteurs avaient su qu'ils contractaient des produits dérivés, et s'ils pariaient sur le taux de change EUR/CHF en connaissance de cause, c’est-à-dire en étant conscients, ou en étant dûment informés et mis en garde par leurs banques,  du caractère extrêmement risqué de ce pari et du caractère extrêmement spéculatif d'opérations pouvant mettre à leur charge des taux d'intérêts supérieurs à 15 % et des indemnités de remboursement anticipé égales à plusieurs fois les capitaux empruntés, nul doute que ce pari perdu devrait être assumé par ces emprunteurs imprudents.

Mais il est évident qu'au moment où ces emprunts ont été souscrits, cette connaissance et cette information faisaient défaut chez les emprunteurs concernés par ces opérations.

La preuve en est que les entreprises privées qui avaient les moyens de se payer les services de spécialistes – et l'obligation de provisionner les pertes potentielles enregistrées sur leurs opérations financières… – n'ont pas contracté de tels emprunts. Leurs banques n'ont d'ailleurs même pas cherché à leur en vendre, car elles savaient que des propositions d'emprunts comportant de telles structures de rémunération les décrédibiliseraient aux yeux de leurs interlocuteurs.

Est-il juste dans ces conditions que les emprunteurs qui ont souscrit des emprunts indexés sur la parité EUR/CHF soient les seuls à payer la facture de la sous-information et,  dans de nombreux cas, de la désinformation délibérée, dont ils sont aujourd'hui les  victimes ?

·        Les banques qui n'ont pas correctement rempli leurs obligations d'informations (et elles en avaient ! – Cf. les art. L 533-11 et suivants du code monétaire et financier) ni de mise en garde de leurs clients (et elles en avaient aussi ! – Cf. notamment  Civ. 1ère,12 juillet 2005, n°03-10.921; Civ. 1ère,13 février 2007, n°04-17.287 ; Com., 20 juin 2006,n°04-14.114; Ass.Plén., 2 mars 2007, n°06-15.267; Chambre Mixte 29 juin 2007 n° 06-11.673;  Civ 1ère, 18 septembre 2008, n°07-17.270.),

·        les banques qui n'ont pas agi en prêteurs responsables en incitant leurs clients à souscrire des emprunts aussi toxiques, parce que ces opérations leur assuraient de façon opaque des marges plus élevées que celles qu'elles pouvaient obtenir de façon transparente,

doivent assumer les conséquences dommageables de leurs actes fautifs, en réparant les préjudices qu'elles ont causés.

Le feront-elles dans le cadre d'une négociation purement commerciale dont le rapport de force sous-jacent ne serait que la poursuite des relations commerciales entre les parties?

Il est permis d'en douter : l'enjeu de la poursuite d'une relation commerciale profitable pour chacune des parties peut justifier qu'une partie réduise sa marge, voire qu'elle assume immédiatement une perte susceptible d'être compensée par des gains ultérieurs que l'autre partie accepte implicitement de concéder, parce qu'elle a aussi intérêt au maintien de cette relation commerciale.

Cependant, cet enjeu est absolument insuffisant pour qu'une banque accepte d'assumer des pertes qui se chiffrent en millions d'Euros et qui ne pourront jamais être compensées par la poursuite des relations commerciales avec son client.

Et ceci est d'autant plus vrai si cette banque est en liquidation et n'envisage donc aucun maintien d'activité avec qui que ce soit. Dans ce cas, le seul but de cette banque est de réduire au minimum ses pertes, au besoin en tentant d'échapper aux responsabilités qui sont les siennes.

Faut-il rappeler qu'une négociation c'est d'abord un rapport de forces ?

Et que tant que la banque ne sera pas exposée au risque de devoir payer beaucoup plus cher que ce que lui coûterait un accord mettant à sa charge une partie des pertes, il n'y aura pas de rapport de forces.

Faut-il aussi rappeler que, vis-à-vis des banques, des emprunteurs publics sont paradoxalement défavorisés par rapport à des emprunteurs privés  pour créer un tel rapport de forces?

Ces derniers peuvent en effet toujours jouer de la dissuasion du faible au fort : « si vous n'acceptez pas de réduire ma dette, je déposerai mon bilan et votre perte sera bien supérieure à celle qu'aurait supposée un abandon partiel de votre créance ». Ceci est impossible pour un emprunteur public. Et les banques le savent,  et en jouent.  

Et donc : ne vous battez pas seuls !

Parce qu'il n'y aura pas de négociation permettant d'aboutir à une transaction, c’est-à-dire à une prise en charge par la banque d'au moins une partie du coût de l'emprunt toxique, sans menace crédible et effective d'une action en justice pouvant aboutir à une condamnation bien plus lourde que les conséquences d'un tel accord.

Qu'on le veuille ou non, que cela plaise ou non : c'est ainsi : la saisine d'un avocat, et dans la plupart des cas, la saisine des tribunaux sont les seuls moyens effectifs dont vous disposez pour faire efficacement valoir vos droits et tenter d'obtenir une réparation au moins partielle de vos dommages.

Seul un avocat peut conduire avec l'avocat de la banque une négociation confidentielle dans le cours de laquelle, l'une comme l'autre des parties peut reconnaître des torts et proposer des concessions, sans risquer, en cas d'échec des négociations, que cette reconnaissance de responsabilité ou ces concessions lui soient opposées ultérieurement dans un litige.

Une négociation en direct n'est pas un cadre adéquat à la recherche d'une solution transactionnelle car elle fige les positions respectives des parties.

Elle est d'autant moins un cadre adéquat qu'elle peut donner lieu de la part de la partie la plus rouée, ou la mieux conseillée, à des manœuvres dilatoires ou de diversion pleine d'arrière pensées, comme celles-ci-dessus décrites, et que le temps joue contre vous et en faveur de la banque puisque celle-ci sera la bénéficiaire de la prescription.

Pour un profane de telles manœuvres peuvent passer inaperçues, en particulier lorsqu'elles se présentent sous la forme de propositions contractuelles complexes: un avocat peut vous aider à les décrypter et sa présence à vos côtés peut aussi dissuader la banque de chercher à vous abuser.  Un avocat pourra aussi vous conseiller d'assigner ne serait-ce que pour préserver vos droits puisqu'une assignation interrompt la prescription. Et vous pourrez utilement faire travailler ensemble cet avocat et le conseiller financier compétent, expérimenté, et indépendant que vous aurez par ailleurs chargé d'évaluer votre situation et les propositions de la banque sur le plan financier.

Le succès n'est pas certain ?  Oui ! Mais les seules batailles perdues d'avance sont celles qu'on ne livre pas.

Cela va être long ?  Oui ! Mais moins que les 10 voire 15 années de taux à au moins 15 % qui fort probablement vous attendent.

Cela va être coûteux ? Non ! Par rapport au surcoût d'emprunt que vous allez supporter à coup sûr si vous ne faites rien,  les frais d'avocat et de justice sont anecdotiques.

Voyez donc ces coûts comme une option sur marché : au pire vous paierez quelques dizaines de milliers d'Euros, et au mieux vous pouvez économiser plusieurs millions. Et rappelez-vous : l'option que constituait votre emprunt toxique vous rapportait au mieux quelques centaines de milliers d'Euros, et vous exposait au pire à une perte illimitée.  De ces deux options, laquelle est la meilleure ?

Ne vous battez pas seuls ! Ces négociations sont complexes et pleines de chausse trappes, et elles portent sur des millions d'Euros et des produits bancaires sophistiqués.

Faites vous conseiller par un conseil financier compétent, expérimenté et indépendant, et faites le travailler avec votre avocat dès le début des négociations pour convaincre votre interlocuteur que vous saisirez la justice si ces négociations n'aboutissent pas, et que cela risque de lui coûter beaucoup plus cher.  

Votre emprunt toxique vous l'a montré : une banque n'est pas un « partenaire ». C'est un fournisseur comme un autre, et comme tout fournisseur il lui arrive de livrer des produits défectueux ou inadapté aux besoins de son client. Allez-vous ne rien faire parce que c'est une banque ?

Demandez-vous plutôt si vous hésitez à faire réparer des malfaçons en engageant la responsabilité des entreprises de travaux au motif que « cela ne se fait pas ». Ou si vous craignez qu'aucune autre entreprise de travaux ne vienne peindre un mur ou réparer une installation de chauffage au motif qu'un litige vous a opposé à une autre entreprise de bâtiment.

Pourquoi raisonner autrement quand il s'agit d'une banque ?

Le professionnel fautif doit réparer les dommages que ses fautes vous ont causés, et il n'y a rien d'autre à faire que de s'adresser à la justice, s'il s'y refuse et conteste de mauvaise foi le bien fondé de votre demande.  

Consultez, agissez, et surtout ne vous battez pas seuls ! Sauf à finir esclaves de vos dettes.

MANLIUS