Scroll Top
Partager l'article



*




D’abord ne pas céder.

 

Et pas seulement à la panique.

 

Il faut le temps nécessaire pour que la situation se décante un peu sur les marchés et que vous puissiez prendre toute la mesure de ce qui s’est passé la semaine dernière par rapport au budget que vous venez de voter ou que vous vous apprêtiez à voter.

Vos frais financiers vont en effet s’accroitre du fait de la hausse du taux des emprunts indexés sur l’Euro/CHF et sur l’USD/CHF, et cet accroissement peut être substantiel car le taux de ces emprunts va doubler ou tripler.

Il va bien falloir tenir compte de cette hausse dans vos budgets, et des arbitrages douloureux peuvent s’avérer nécessaires.

Il est essentiel que les Directions financières des emprunteurs concernés examinent froidement les conséquences de l’abandon du cours plancher sur le service de la dette, sur leurs encours « réels » puisque les indemnités de remboursement anticipé de ces emprunts (les « IRA ») ont également beaucoup augmenté, et pour ceux qui avaient provisionné les hausses des taux d’intérêts, sur les niveaux des provisions existantes. 

Ensuite, si vous avez engagé des poursuites judiciaires contre les banques qui vous ont vendu ces produits et si, comme c’est probable grâce au lent cours de la justice, vous n’avez encore obtenu aucune décision, favorable ou non, surtout ne faites rien qui puisse affaiblir vos arguments et continuez le combat !

Au point où vous en êtes désormais, ces instances sont sinon le seul, du moins un des très rares motifs que vous avez encore d’espérer vous sortir du mauvais pas dans lequel vous êtes.

Sans doute  les montants de dommages –intérêts que vous avez réclamés vont-ils pouvoir être révisés, car vos préjudices se sont d’un jour à l’autre considérablement aggravés.

Soyez prudents aussi si vous avez engagé des négociations en même temps que des actions en justice pour pouvoir le cas échéant bénéficier d’une aide du fonds de soutien. Rien dans vos échanges avec les banques concernées ne doit pouvoir être réutilisé contre vous et affaiblir votre position. 

Voyez aussi avec vos conseils comment négocier et bien rédiger le projet d’accord, si un accord reste financièrement possible. Vous trouverez dans la suite de cet article quelques petites suggestions.

Souvenez-vous enfin que la loi dite de « validation » des clauses d’intérêt de ces prêts n’a pas automatiquement mis fin aux instances engagées sur le terrain du TEG : la loi elle-même est contestable, et tant au plan national qu’au plan européen il y a des arguments solides pour en écarter l’application. 

Evidemment, personne ne peut vous dire que cela « marchera ». Mais on peut en revanche vous garantir que si vous n’avez rien fait pour remettre en cause ces opérations et rechercher la responsabilité des banques prêteuse, vous n’avez rien de mieux à attendre de ces dernières qu’un étalement de la facture ou une dilution de celle-ci dans les conditions financières de vos autres emprunts (ou les deux) ce qui va en surmultiplier le coût, lequel est devenu encore plus exorbitant du fait de la hausse du franc suisse.

Si vous n’avez rien fait sur le plan judiciaire, pensez-y sérieusement avant de vous heurter à des prescriptions qu’on ne manquera pas de vous opposer.

En particulier, pour tous ceux qui ont négocié sous la pression des circonstances des gels de coupons en 2009, 2010 ou 2011, il y a souvent encore quelque chose à faire devant les tribunaux.

Et si vous hésitez toujours, souvenez-vous des bons conseils de « retenue » et de « laisser du temps au temps » et de « privilégier la négociation » qui vous ont été donnés, et regardez donc objectivement où vous en êtes aujourd’hui grâce à eux : le temps jouait contre vous, et vous avez beaucoup perdu.

Si vous avez déposé un dossier au fonds de soutien ou si vous vous apprêtez à le faire, la mauvaise nouvelle c’est que l’IRA estimée de vos emprunts indexés sur la parité Euro/CHF (mais aussi USD/CHF) est susceptible d’augmenter de 90 à 150%.

Ce qui met évidemment par terre ce que vous envisagiez pouvoir faire avec l’aide du fonds de soutien.

Pour les prêts indexés sur la parité Euro/CHF, la hausse du franc suisse invalide les équations économiques des « transactions » envisagées avec les banques, et les aides qu’on pouvait attendre du fonds ont cessé d’être insuffisantes. Elles sont devenues anecdotiques.

La bonne nouvelle c’est que le Gouvernement pense à vous. 

M. ECKERT, Secrétaire d’Etat au Budget,  a déclaré le 16 janvier à l’agence Reuters que : « Conscient de l’impact significatif de ces évolutions sur les finances locales dès les prochaines semaines, le gouvernement a décidé de faire le point sur les conditions d’accompagnement des collectivités par le fonds de soutien » et que « Cette analyse permettra de mesurer pleinement les conditions nécessaires pour que le fonds de soutien puisse continuer à remplir les objectifs qui lui ont été fixés, à savoir permettre aux organismes concernés de sortir de leurs emprunts sensibles à des conditions financières acceptables et supportables ».

Formons le vœu qu’au terme de cette analyse, le franc suisse ne sera pas à 0,80 pour un Euro car il faudrait sinon la recommencer…

Gageons néanmoins que le dispositif dit du fonds de soutien (comme la corde soutient le pendu) voudra bien être recentré sur les crédits dits « hors charte » et en particulier sur ceux indexés sur la parité Euro/CHF.

Il n’était pas judicieux de disperser des moyens, en toute hypothèse insuffisants, sur un grand nombre d’objectifs, et l’inclusion dans le champ du dispositif des emprunts toxiques cotés 3E, 4 E ou 5 E et de toutes les collectivités territoriales quelle que soit leur taille n’aurait été justifiée que si le fonds avait été abondé à la hauteur de l’ensemble des besoins, ce qui n’était pas le cas.

On peut d’ailleurs souligner la clairvoyance dont ont fait preuve les personnes qui ont défini les conditions d’intervention du dispositif récemment créé pour venir en aide aux hôpitaux. Ce dispositif étant très peu doté (100 millions d’Euros), il a été centré sur les crédits dont les taux d’intérêt sont indexés sur un ou plusieurs taux de change (au premier rang desquels l’EUR/CHF) et sur les emprunteurs dont la surface financière est la plus modeste (total des produits < 100 millions d’Euros). 

C’est évidemment ce qu’il aurait fallu faire depuis le départ pour les collectivités territoriales, si on avait réellement voulu aider les emprunteurs.

Mais il est vrai qu’on a d’abord voulu venir au secours des banques et en particulier de la SFIL et que cette dernière avait plutôt intérêt à décontaminer ses encours les plus importants en volumes, c’est-à-dire ceux des grandes collectivités territoriales, qui sont pourtant celles dont les capacités de négociation vis-à-vis des banques et les marges financières sont les plus importantes (too big to fall).

Les déclarations de M. Eckert donnent également à penser que le mécanisme du fonds de soutien pourrait évoluer pour mieux tenir compte de la situation et qu’il ne faut donc pas se hâter de conclure un accord avec les banques dans le cadre actuel de l’intervention du fonds de soutien si cet accord ne peut être rédigé de façon équilibrée et compatible avec vos capacités financières.

Vous devez en effet être extrêmement vigilant dans la négociation de cet accord pour ne pas en devenir la « variable d’ajustement ». Il y a en effet fort à parier que dans les projets d’accords proposés par exemple par la SFIL c’est ce que vous allez être : l’aide du fonds ne dépassera jamais un certain montant, le très hypothétique effort de la banque pour assumer une fraction de l’IRA non plus, et par conséquent si cette IRA augmente c’est vous qui allez payer la différence.

C’est évidemment choquant car vous êtes ainsi seul à subir l’aléa du marché. Et c’est extrêmement périlleux dans les circonstances du moment.

Il faut donc plafonner le montant maximal de votre effort financier et soit la banque fera un effort supplémentaire, soit la négociation échouera (ou l’accord capotera). Mais en toute hypothèse le résultat final sera moins dommageable qu’un accord qui vous engagerait de nouveau au-delà de vos capacités, mais qui ne serait plus susceptible d’aucune remise en cause judiciaire.

Sans compter « en plus » que si vous ne faites pas attention à bien négocier ces accords, vous ne saurez probablement jamais si l’IRA qui va vous être facturée l’est à « prix coûtant » pour la banque.  On vous dira que cet IRA est calculée de « façon dérogatoire », mais sans vous dire comment, et rien dans l’accord n’empêchera cette dernière de vous demander 100 en ne payant que 90 à sa ou ses contreparties de marché[i]

Dans l’immédiat ne hâtez donc rien dans vos négociations car tant le gouvernement que les banques concernées, et au premier chef Dexia Crédit Local et la SFIL, doivent analyser la situation pour revoir le dispositif qu’ils avaient conçu et on peut toujours espérer que celui-ci finisse par s’améliorer car l’actuel n’est satisfaisant pour personne sauf pour les banques.

Ce sera peut-être l’occasion de se rendre compte qu’un tel problème ne se règle qu’en acceptant de « prendre sa perte » une bonne fois pour toute plutôt qu’en étalant sa solution dans le temps ce qui  risque de l’aggraver au point de la rendre totalement insupportable.

Après tout, c’est bien ce que vient de faire la Banque Nationale Suisse qui consciente d’avoir atteint ses limites a préféré se couper un bras plutôt que de risquer son existence.

Rappelez-vous enfin qu’en dernière extrémité, il reste aux emprunteurs concernés qui sont des personnes publiques une arme de destruction massive dont l’efficacité est garantie s’ils se mettent d’accord pour tous l’employer en même temps : cesser de payer.

Si les emprunteurs concernés sont tous défaillants, si les fonds manquent partout, aucune des tutelles concernées n’aura les moyens financiers et humains de les contraindre tous en même temps à reprendre leurs paiements ni de refaire à leur place leurs budgets pour dégager les ressources qui seraient nécessaires à la reprise de leurs paiements, à supposer que ces ressources existent. Et les banques les plus concernées sont en elles-mêmes trop fragiles pour supporter longtemps l’interruption des remboursements de leurs prêts.

Une vraie négociation pourra alors s’engager, car un autre rapport de forces aura été créé. Peut-être eût il fallu commencer par là.

 


[i] Vous n’allez d’ailleurs pas savoir non plus si la « liquidité supplémentaire » dont vous allez avoir besoin pour préfinancer l’aide du fonds et payer une partie de l’IRA sera également prêtée à prix coûtant pour la banque, ce qui serait pourtant le minimum à espérer vu la situation actuelle des finances publiques…