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Nous avons et ce, à de multiples reprises, évoqué le coût exorbitant, pour les collectivités territoriales et les hôpitaux,  des emprunts toxiques.

Nous avons décrit le piège qui s’était refermé sur eux : des envolées de taux d’intérêt exorbitantes (sans perspective de ralentissement ni à court ni à moyen terme) et corrélativement des indemnités de remboursement anticipées telles qu’aucune sortie ne peut être assumée.

Face à l’attitude unanime des banques pourvoyeuses de ces instruments refusant de reconnaître leur part de responsabilité dans ce marasme de telle sorte que leurs propositions d’aménagement se résument à geler pour un ou deux coupons les taux d’intérêt (sous réserve pour la collectivité d’en payer le prix), beaucoup ont décidé de saisir les tribunaux.

Cependant la raréfaction des liquidités disponibles conduit désormais nombre de responsables politiques et autorités de tutelle à rejeter toute initiative contentieuse pour éviter ainsi de froisser les quelques banques qui accepteraient encore  de prêter aux collectivités publiques.

Ils espèrent ainsi  aboutir par la négociation.

Est-ce la voix de la raison?

On peut en douter.

Rappelons d’abord que les collectivités territoriales et les hôpitaux ne sont pas confrontés à une petite dérive passagère de leurs contrats de prêt : ils se retrouvent dans une situation dans laquelle la charge de leurs intérêts pour les 15 ou 20 années à venir sont multipliés par 10, et atteint 5 ou 6 fois le montant du capital emprunté…

En regard de l’état des finances publiques, on comprend quelles conséquences irrémédiables sur l’existence même des structures une telle charge fait peser.

De surcroît, les banques n’ont aucun intérêt à faire spontanément un geste puisqu’en raison de la structuration des produits, elles perdraient nécessairement de l’argent (ce qu’ont parfaitement démontré les différents travaux parlementaires).

D’ici peu, il est probable que les Juges des comptes s’interrogeront sur l’action qu’aura entrepris chaque décideur public pour contrer les effets désastreux de ces contrats à une époque où les mécanismes sont parfaitement compris et qu’un argumentaire juridique solide se dessine pour légitimer une action judiciaire.

Il ne peut donc s’agir d’engager une négociation entre gens de bonne compagnie mais d’être capable d’une démonstration de force.

Opposer négociation et contentieux est une erreur stratégique majeure.

Comme on prépare la guerre pour assurer la paix, pour aboutir à une transaction équilibrée avec les banques, il est impératif de disposer d’"éléments de pression".

Une bonne approche commençant par l’exacte connaissance des produits, la mise en place de tableaux de bord s’impose.

On doit y trouver en particulier au-delà des spécificités de chacun des contrats de prêt :

–        la valorisation actualisée très régulièrement des produits en fonction des cours des marchés, le fameux "mark-to-market", qui se distingue de la valorisation au coût historique ( prix à la valeur d’achat).
–        Les dates de prescription des actions judiciaires applicables au contrat.

Une analyse financière couplée à une analyse juridique doit alors établir les cartes dont dispose l’emprunteur pour contrer les effets des produits toxiques.

Seulement alors et en connaissance de cause, on peut entrer dans la voie de la discussion qui doit s’engager dans le cadre d’un accord de négociation dûment signé fixant un terme (cohérent avec les délais de prescription) au-delà duquel les tribunaux sont saisis.

N’oublions pas qu’il peut toujours être envisagé en cas d’urgence de délivrer une assignation pour préserver les délais quitte à renoncer à l’action judiciaire si un accord est trouvé.

Seule la parfaite maîtrise de l’ensemble de ces paramètres offrira aux collectivités publiques un fauteuil à la table des négociations.

A défaut il ne s’agit que de reporter à plus tard le règlement d’une situation dont on espère sortir par la grâce des marchés…Or chaque mois qui passe ôtant aux emprunteurs publics des voies de droit par l’effet des prescriptions, le coût de cette procrastination sera dévastateur.