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Monsieur Gilles CARREZ, Président de la Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, a présenté un amendement n°39 à l’Article 11 ter –Encadrement des conditions d’emprunt des collectivités territoriales et de leurs groupements – dans le cadre de l’examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi n° 838 de séparation et de régulation des activités bancaires (deuxième lecture).
 
Le texte de cet amendement paraitraît presque inoffensif, surtout aux Béotiens : “IV – Les dispositions de l’article L. 313-2 du code de la consommation ne s’appliquent pas aux écrits transmis par télécope ou par voie électronique.
Le premier alinéa du présent IV s’appliquent aux contrats de crédit existant au 6 juin 2013, à l’exception de ceux pour lesquels une instance a été introduite afin d’en contester la validité, et aux contrats de crédits conclus à compter de cette date“.
 
Par ailleurs, l’exposé sommaire commence plutôt bien : “L’article 11 ter a trait à la question des prêts dits “toxiques” contractés par les collectivités territoriales. Il interdit la souscription de tels prêts à l’avenir mais n’apporte aucune réponse au stock d’emprunts de cette nature. Le présent amendement propose de régler une partie des problèmes posés par ce stock d’emprunts toxiques par la voie de la validation du jugement du tribnal de Nanterre du 6 février 2013“.
 
Vous vous dites que la suite va apporter une solution satisfaisante aux collectivités locales et aux établissements publics qui se sont fait piéger par une mécanique parfaitement huilée et des discours allèchants, même si vous ne voyez pas bien le lien entre les emprunts toxiques et le code de la consommation. Et même si le jugement du tribunal de Nanterre ne doit surtout pas être interprété comme une planche de salut pour tous les emprunteurs floués !
 
Eh bien non ! On n’est pas dans le monde ouaté de Oui-Oui ou des Bisounours ! Tout le monde n’est pas beau, tout le monde il est pas gentil !
 
Heureusement que la suite de l’exposé sommaire – naïveté, provocation ou cynisme ? – apporte toute les clés ! Il fallait donc tourner la page et ne pas aller à la buvette après avoir survolé en diagonale le texte de l’amendement…
 
En effet, s’il convient de faire valider par le législateur le jugement de première instance du juge civil, comme l’écrit le Député-Président, c’est pour éviter que “l’application du taux légal [en cas de contentieux] à un encours potentiellement extrêmement important de prêts pourrait conduire à une destabilisation de l’ensemble du système financier du fait des provisions – donc des pertes – que devraient passer les établissements de crédits français“.
 
Il poursuit en indiquant, sans aucun voile : “D’autre part, s’agissant plus particulièrement des prêts aux ciollectivités locales, le jugement de Nanterre pourrait avoir des conséquences massives sur les finances publiques, probablement supérieures à 10 milliards d’euros sur les années à venir. L’Etat serait contraint d’intervenir financièrement pour éponger les pertes que devraient constater la société de financement local (SFIL), dont il est actionnaire à 75% et qui a repris les actifis de Dexia Municipal Agency. Cette intervention serait d’autant plus nécessaire que la Caisse des dépôts est créancière de la SFIL pour des montants substantiels et poourrait être mise en danger en cas de faillite de cette société“.
 
L’objectif est donc clair : protéger les banques et l’Etat en supprimant la possibilité, en particulier pour les collectivités territoriales et les établissements publics (qui sont les plus touchés par les emprunts toxiques), d’invoquer en toutes circonstances – et pour tout le stock de prêts toxiques n’ayant pas encore fait l’objet de contentieux  au 6 juin 2013 – l’article L. 313-2 du code de la consommation qui prévoit que « le taux effectif global […] doit être mentionné dans tout écrit constatant un prêt.». En effet, la mention du TEG est une condition de validité de la stipulation d’intérêts et toute omission ou toute erreur affectant son calcul est sanctionnée par la nullité du taux conventionnel ce qui emporte  …l’application du taux d’intérêt légal pour l’entière durée du contrat. Des broutilles contre du 18, 25, 30 % ou plus, la quête du TEG (surtout de son absence dans les documents contractuels) vaut donc la chandelle !
 
Mais pourquoi, me direz-vous, exclure son application aux seuls écrits transmis par télécopie ou par voie électronique ?
 
D’une part, parce qu’on ne pouvait pas décemment l’exclure de manière générale comme l’aurait indiscutablement conclu mon bon maître M. de Lapalisse.
 
D’autre part, parce que  dans de très nombreux « prêts structurés» ou “toxiques”, le contrat est formé lors de l’échange de télécopies ou de couriels de « confirmation» entre la banque et l’emprunteur. Or, il a pu être très souvent constaté que ces télécopies ou courriels ne comportaient pas la mention du TEG. D’autres documents contractuels comportaient également des TEG faux. Dès lors, la voie était toute traçée pour obtenir assez aisément la substitution de taux en utilisant ce moyen, ce qui d’ailleurs est devenu une routine pour certains (d’autant plus que cela a alimenté et continue d’alimenter les revues professionnelles …comme les échanges sur Internet).
 
Heureusement (pour les emprunteurs) que cet amendement scélérat a été rejeté ! (Pour l’instant…)
 
Heureusement surtout qu’un examen approfondi des contrats, des échanges et des circonstances de chaque espèce permet de débusquer des moyens moins mécaniques et plus intéressants y compris sur le plan intellectuel !
 
Et là, il en faudra de l’imagination au législateur, même téléguidé par le lobby bancaire ou piloté par Bercy, pour valider par une disposition législative générale, nécessairement conforme à notre droit, la totalité des contrats suspects…