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L’Autorité de la concurrence, nouveaux habits du Conseil National de la Concurrence, a récemment condamné plusieurs entreprises pour des ententes dans le cadre de marchés publics hospitaliers.

La première décision du 26 janvier 2010 concerne des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des tables d’opération. Dans cette affaire, deux sociétés avaient répondu de fin décembre 2000 à décembre 2002 à de nombreux appels d’offres d’établissements de santé en présentant des soumissions séparées apparemment concurrentes alors que ces deux entreprises, rachetées par le même groupe suédois, n’avaient pas de réelle autonomie commerciale et surtout, que les offres de l’une étaient traitées par des cadres de l’autre.
Après avoir relevé que le montant des appels d’offres concernés par ces pratiques s’est élevé à plus de 6 millions d’euros, l’Autorité de la concurrence juge que les pratiques relevées ont faussé le jeu de la concurrence sur le marché des tables d’opération, en donnant aux acheteurs publics une appréciation erronée de l’état de cette concurrence et que la stratégie menée par le groupe Getinge ont inévitablement conduit à une augmentation des prix pour les établissements de santé. En conséquence, elle inflige à chacune des deux sociétés une sanction pécuniaire d’un montant de 750 000 euros.

La seconde décision du 19 février 2010 concerne des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des transports sanitaires dans le département des Deux-Sèvres . Dans cette affaire, plusieurs entreprises de transports s’étaient entendu en vue de la mise en place d’un forfait nuit/week-end/jour fériés sans sortie à l’occasion d’un marché lancé en 2006 par le centre hospitalier Nord-Deux-Sèvres.
L’Autorité de la concurrence indique : « Ainsi que le rappelle régulièrement l’Autorité de la concurrence dans sa pratique décisionnelle (voir notamment les décisions n° 09-D-03 du 21 janvier 2009 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport scolaire ou n° 08-D-15 du 2 juillet 2008 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la rénovation de chaufferies), les ententes commises à l’occasion d’appels d’offres sont d’une nature particulièrement grave puisqu’elles limitent l’intensité de la pression concurrentielle à laquelle auraient été soumises les entreprises si elles s’étaient déterminées de manière indépendante. L’entente a porté préjudice à une personne publique, à savoir l’hôpital Nord-Deux-Sèvres, chargée d’une mission d’intérêt général et, de jurisprudence constante, la tromperie de l’acheteur public porte une atteinte grave à l’ordre public économique ».
On rappellera que les personnes publiques victimes de telles ententes peuvent également obtenir l’indemnisation, devant les juridictions administratives, des conséquences dommageables du dol dont elles ont été victimes à l’occasion de la passation de marchés publics dans de telles conditions.
Ainsi, le Conseil d’Etat, a eu l’occasion de se prononcer dans ce sens dans plusieurs décisions remarquées ayant trait au dol dont avait été victime la Société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) à l’occasion de la passation du marché de travaux ayant pour objet la construction de sections de lignes de train à grande vitesse (T.G.V.).
La première décision est celle du 19 décembre 2007, N° 268918 publié au recueil Lebon, par laquelle il a rejeté une requête tendant à l’annulation de l’arrêt du 22 avril 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté la requête tendant à l’annulation du jugement du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a déclarée solidairement responsables plusieurs sociétés des conséquences dommageables du dol dont avait été victime la Société nationale des chemins de fer français (S.N.C.F.) à l’occasion de la passation du marché ayant pour objet le lot 43-C des travaux d’interconnexion entre la ligne de train à grande vitesse (T.G.V.) Nord et les réseaux Sud-Est et Atlantique.

La seconde est l’arrêt du 19 mars 2008 (N° 269134, Inédit au recueil Lebon), par lequel il a rejeté les requêtes de plusieurs entreprises qui demandaient l’annulation de l’arrêt du 22 avril 2004 par lequel la cour administrative d’appel de Paris avait rejeté leur recours contre le jugement du 17 décembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris les avait déclarées solidairement responsables des conséquences dommageables du dol dont avait été victime la S.N.C.F. à l’occasion de la passation du marché de travaux ayant pour objet la construction de la section 21 de la ligne de train à grande vitesse (T.G.V.) Rhône-Alpes.
Dans les deux cas, il a considéré que le litige avait pour objet l’engagement de la responsabilité de sociétés en raison d’agissements dolosifs susceptibles d’avoir conduit une personne publique à contracter avec elles à des conditions de prix désavantageuses et tendait à la réparation d’un préjudice né des stipulations du contrat lui-même et résultant de la différence éventuelle entre les termes du marché de travaux publics effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l’être dans des conditions normales. Un tel litige relevait donc de la compétence des juridictions administratives, alors même qu’il mettait en cause une méconnaissance par les sociétés de leur obligation de respecter les règles de la concurrence et non une faute contractuelle.
Il a également considéré que la CAA avait suffisamment motivé son arrêt, au regard des moyens soulevés devant elle par les sociétés requérantes, en se référant, après avoir exposé les faits, aux constatations du Conseil de la concurrence pour caractériser la faute et en qualifiant, au vu de l’instruction, de dolosif le comportement des entreprises.
Il a rappelé que les actions en nullité devant le juge du contrat et en responsabilité quasi-délictuelle auxquelles peut donner lieu un dol viciant le consentement d’une partie à entrer dans des liens contractuels sont indépendantes l’une de l’autre et qu’il appartient à la partie qui en a subi les effets de choisir de s’engager dans l’une ou l’autre des deux actions, ou dans les deux. Au cas d’espèce, la S.N.C.F. avait opté pour une action visant non à la constatation de la nullité du contrat mais à l’octroi d’une indemnité réparant son préjudice. En conséquence, elle a placé le litige, ainsi qu’elle en avait la possibilité, sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle des entreprises mises en cause qui a conduit le juge administratif à examiner les fautes commises au regard des règles du doit de la concurrence.
Il a estimé qu’en retenant que ni l’expérience de maître d’ouvrage de la S.N.C.F., ni l’exigence d’une vigilance normale, ni la signature du décompte général et définitif, à une date à laquelle le dol n’avait pas encore été établi dans toute son ampleur, ne faisaient obstacle à ce que puisse être constaté, en l’espèce, l’effet dolosif des manoeuvres dirigées contre l’entreprise publique, la cour, qui a souverainement apprécié les faits soumis à son examen, n’a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique.
Une juste indemnisation est donc envisageable !