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Fonction publique: l’article 5 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires s’applique avant la titularisation et si le presque fonctionnaire a été condamné pénalement, la circonstance que ladite condamnation est par la suite effacée du bulletin judiciaire n°2 n’emporte pas nécessairement une seconde chance de devenir fonctionnaire.

Par un arrêt en date du 18 octobre 2011 rendu sous le numéro n°11LY00986, la Cour administrative d’appel de Lyon a rappelé que les conditions posées par l’article 5 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires s’appliquaient avant la titularisation de l’agent.

"Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées que les jeunes gens recrutés sur des emplois vacants des corps de catégorie C par un contrat de droit public dénommé parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d’Etat, qui ont la qualité d’agent de l’Etat lorsqu’ils sont recrutés sur des emplois de l’Etat, ont vocation à être titularisés dans le corps correspondant à l’emploi occupé ; qu’il appartient, dès lors, à l’autorité administrative de vérifier qu’ils remplissent les conditions pour cette titularisation, et en particulier la condition fixée par les dispositions précitées de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983, sans attendre le moment de leur titularisation, nonobstant les circonstances, d’une part, qu’ils n’ont pas encore la qualité de fonctionnaire à la date de cette vérification et, d’autre part, que l’un des objectifs de ce dispositif est de permettre l’intégration de personnes en situation de fragilité sociale, en raison de leur faible niveau scolaire ; que, par suite, contrairement à ce que soutient Mlle A, il appartenait au recteur de l’académie de Clermont-Ferrand de s’assurer que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire n’étaient pas incompatibles avec l’exercice de ses fonctions ;"

L’élément intéressant de cette jurisprudence concerne les circonstances de fait.

La requérante, après avoir eu notification d’un refus de l’autorité administrative employeur, a saisi le Tribunal de Grande Instance de Moulins aux fins de voir prononcer la suppression au bulletin n°2 de son casier judiciaire de la mention de sa condamnation pour violence en réunion sans incapacité source de rejet de sa demande d’intégration dans la fonction publique.

Après avoir obtenu gain de cause du juge judiciaire, Mademoiselle X saisi l’autorité administrative employeur pour qu’elle revienne sur sa décision initiale motivée par le non respect de la condition visée à l’article 5.3° de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 précitée.

"Mlle A, qui a ensuite obtenu du Tribunal de grande instance de Moulins, par une décision du 13 février 2008, l’exclusion de la condamnation en cause du bulletin n° 2 du casier judiciaire, a sollicité, notamment par une lettre du 14 septembre 2009, du recteur de ladite académie, que soit réexaminée sa demande ; qu’elle fait appel du jugement du 10 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet par le recteur de l’académie de Clermont-Ferrand de cette demande ;"

A réception de cette demande de réexamen, l’autorité administrative employeur répond par un silence et donc par une décision implicite de rejet.

La question se posait donc de savoir si l’administration pouvait rejeter la demande de Mademoiselle X alors que le juge judiciaire avait effacé du bulletin n°2 du casier judiciaire de l’intéressée sa condamnation pénale à un mois d’emprisonnement avec sursis.

La Cour administrative d’appel de Lyon confirme le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui avait rejeté la requête de Mademoiselle X en ces termes:

"Considérant, en second lieu, qu’à supposer même que la décision implicite en litige doive être regardée comme motivée par les circonstances, évoquées dans la décision initiale, des difficultés rencontrées par l’administration pour obtenir le bon extrait de casier judiciaire, compte tenu de l’identité mentionnée par Mlle A dans sa fiche de candidature, et de la production par cette dernière d’un extrait de bulletin n° 3 du casier judiciaire, et par le fait que l’intéressée n’avait jamais évoqué l’antécédent judiciaire mentionné sur le bulletin n° 2, il ressort des pièces du dossier que l’administration aurait pris la même décision si elle ne s’était fondée que sur le motif tiré de l’incompatibilité des mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire avec l’exercice de ses fonctions ;"

La circonstance que le bulletin n°2 soit expurgé de la condamnation pour violence de Mademoiselle X n’emporte pas une compatibilité nouvelle avec les fonctions au sens de l’article 5 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 précitée.

En d’autres termes, si l’administration a connaissance d’une condamnation pénale au bulletin n°2 du casier judiciaire de l’impétrant, la circonstance que ce dernier sollicite du juge judiciaire et obtienne de ce dernier que soit expurgé de son bulletin n°2 toute condamnation pénale est sans influence sur la mise en œuvre de l’article 5 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 précitée.

Dès lors que l’administration employeur a connaissance d’une condamnation pénale qui apparaît comme incompatible avec les fonctions du futur fonctionnaire, elle est fondée à opposer un rejet à la candidature quant bien même elle a fait l’objet par la suite d’un retrait du bulletin n°2 du casier judiciaire.

Il s’agit ici de la confirmation de la jurisprudence du Conseil d’Etat déjà ancienne du 26 février 1988 rendue sous le numéro 70772.

Il demeure la question de l’amnistie.

La loi portant amnistie interdit-elle à l’autorité administrative employeur de mettre d’appliquer l’article 5. °3 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ?

Le Conseil d’Etat a répondu par la négative dans un arrêt du 28 juillet 1995 rendu sous le numéro 85734:

"Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Sous réserve des dispositions de l’article 5-bis, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : 1° S’il ne possède la nationalité française ; 2° S’il ne jouit de ses droits civiques ; 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions ; 4° S’il ne se trouve en position régulière au regard du code du service national ; 5° S’il ne remplit les conditions d’aptitude physique exigées pour l’exercice de la fonction" ; que, si ces dispositions ont implicitement abrogé celles de l’article 16 de l’ordonnance du 4 février 1959 relatives à la condition de moralité requise pour avoir la qualité de fonctionnaire, elles n’ont pas eu pour objet d’interdire à l’administration d’apprécier si un candidat à un concours présente les garanties nécessaires à l’exercice des fonctions auxquelles il postule ; que, dès lors, en refusant, en application de l’article 5-2° du décret du 24 janvier 1968, d’agréer la candidature de M. X… en estimant que celui-ci ne présentait pas de telles garanties, le délégué régional au recrutement et à la formation de la police ne s’est pas fondé sur des dispositions qui auraient perdu toute base légale depuis l’abrogation de l’ordonnance précitée ;
…/….
Considérant, d’autre part, que pour refuser d’agréer la candidature de M. X… au concours de commissaire de police, l’administration s’est fondée sur des faits, qui ne sont pas matériellement inexacts, qui avaient signalé l’intéressé à l’attention des services de police en 1978, notamment l’utilisation de chèques dans des conditions irrégulières dont elle a pu légalement estimer qu’il n’étaient pas compatibles avec les garanties exigées dans l’emploi de commissaire de police ;
Considérant, enfin, que l’autorité administrative pouvait tenir compte de faits qui auraient été amnistiés ou qui n’auraient fait l’objet d’aucune condamnation pénale pour refuser d’agréer la candidature de M. X… ;"

Cette dernière décision est néanmoins à considérer avec circonspection et prudence au regard des fonctions auxquelles se destinait le requérant, …commissaire de Police.