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En l’état du Décret n°2014-444 du 29 avril 2014 relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales et à certains établissements publics ayant souscrit des contrats de prêt ou des contrats financiers à risque,  il est laissé aux bénéficiaires la possibilité de renoncer à procéder au remboursement anticipé du prêt et de recourir à l’aide pour couvrir une part de la charge d’intérêts sous réserve des conditions suivantes :

« I. ― Par dérogation à l’article 4 et pour une durée limitée à trois ans à compter du dépôt de la demande dans les conditions prévues au I de l’article 2, l’aide, calculée ainsi qu’il est dit à l’article 4, peut être versée au titre des contrats éligibles n’ayant pas fait l’objet d’un remboursement anticipé, lorsque le taux d’intérêt exigible est supérieur au taux de l’usure, défini conformément à l’article L. 313-5 du code monétaire et financier, en vigueur à la date de signature des contrats éligibles.
Dans ce cas, le montant annuel d’aide ne peut pas être supérieur à la différence entre la charge d’intérêts exigible au titre du contrat et la charge d’intérêts telle qu’elle serait calculée en appliquant au capital restant dû le taux de l’usure en vigueur à la date de signature du contrat de prêt éligible.
Ce montant est calculé tous les ans et ne peut pas dépasser le montant d’aide alloué la première année du versement de l’aide.
II. – A l’expiration du délai de trois ans mentionné au I, la collectivité ou l’établissement public bénéficiant d’une aide en application du I peut obtenir, dans des conditions déterminées par le Comité national de suivi et d’orientation mentionné à l’article 10, et pour une durée de trois ans renouvelable jusqu’au terme du contrat considéré, la poursuite du versement de cette aide.
III. – La collectivité ou l’établissement public bénéficiaire d’une aide attribuée en application des dispositions du présent article peut décider, à tout moment et au plus tard le dernier jour de l’année au cours de laquelle il bénéficie de cette aide, de rembourser par anticipation le contrat concerné afin de bénéficier d’une aide calculée et versée conformément à l’article 4. Les montants déjà perçus en application du présent article sont alors déduits de l’aide octroyée en application de l’article 4. 
» ( article 6).

Un communiqué de presse du 9 février 2016 a relaté une décision prise par le Comité National de Suivi et d’Orientation (CNOS) aux termes de laquelle : « Il a été décidé à l’unanimité que, à l’exception des prêts indexés sur la parité EUR/CHF, dont la désensibilisation à court terme est impérative, les autres catégories de prêts à risque éligibles au fonds de soutien pourront s’inscrire dans le dispositif suivant :

–       Possibilité de conserver le Prêt au-delà de 3 ans sans perdre le bénéfice de l’aide et le maintien de la possibilité de mobiliser celle-ci pour compenser les intérêts dégradés (c’est-à-dire au-delà du taux de l’usure) payés sur une échéance.

–       Obligation d’une demande expresse du bénéficiaire chaque 3 ans en cas de souhait de renouvellement du bénéfice de ce régime

–       Applicabilité jusqu’à 2028 ( échéance du fonds de soutien) au plus tard. »

Il était précisé que cette « disposition » serait incorporée aux textes réglementaires régissant l’activité du fonds de soutien dans les toutes prochaines semaines.

In fine, le Décret modificatif du Décret 2014-444 n’est toujours pas publié.

En l’état nombre de questions méritent d’être posées alors même que les perturbations sur les marchés ont pu rendre très complexes les opérations de résiliation et ont engagé les emprunteurs et les Banques ( de plus ou moins bonne grâce) à privilégier le dispositif dit dérogatoire. Reste évidemment sans réponse la question des produits indexés sur la parité EUR/CHF qui a priori ne peuvent bénéficier de ce dispositif au-delà de la période initiale de trois ans. Or il a pu arriver que l’opération de débouclage ne puisse se réaliser, les conditions posées au Protocole signé avec les Banques ne pouvant être respectées.

Un observateur averti ne peut manquer de s’interroger sur les garanties que lui apporte le choix de la voie dérogatoire en l’état des textes.

Deux trois questions pertinentes méritent d’être posées :

(i)             Peut-on considérer que le renouvellement du dispositif dérogatoire jusqu’au terme du contrat, une fois la première période de trois ans écoulée, est un droit acquis dont pourra se prévaloir l’emprunteur dès lors que l’instance compétente approuve tous les trois ans le maintien dudit dispositif ? En d’autres termes, peut-on s’assurer que le renouvellement triennal ne sera pas conditionné par une autorisation de l’Etat ?

(ii)            Si le dispositif dérogatoire n’était pas renouvelé pour quelle que raison que ce soit, pour bénéficier du solde du montant de l’aide initialement notifié,  l’emprunteur serait—t-il tenu de procéder au remboursement anticipé du prêt litigieux à l’expiration de la période de trois ans au terme de laquelle le dispositif dérogatoire devrait prendre fin, ou pourrait-elle procéder au remboursement à la date qui lui semblerait la plus opportune sous réserve que l’opération intervienne avant le 31 décembre 2028 ?

(iii)           Si le dispositif dérogatoire n’était pas renouvelé pour quelle que raison que ce soit, et que l’emprunteur ne procédait pas au remboursement anticipé et maintenait le contrat en l’état, le bénéficiaire serait-il tenu au remboursement des aides d’ores et déjà perçues ?

(iv)          En l’état le Décret prévoit que le montant annuel d’aide ne puisse pas dépasser le montant d’aide alloué la première année du versement de l’aide.

Une telle restriction porteuse de risques pour l’emprunteur qui pourrait se retrouver ( si le montant d’aide de la première année est faible en raison d’une différence mineure entre le taux contractuel et le taux d’usure) à assumer seule pour l’avenir une charge d’intérêts excédentaires très élevée alors même qu’il ne serait pas en capacité de procéder à la résiliation anticipée est semble-t-il amenée à être supprimée dans le projet de Décret modificatif en préparation.

Décret qui nous l’espérons apportera une réponse favorable aux emprunteurs pour chacune des questions posées supra.

Enfin, à quelles conditions les dispositions du nouveau Décret s’appliqueront aux conventions signées entre l’Etat et le bénéficiaire de l’aide ?

Il est toujours surprenant de constater dans un Etat de droit qu’on puisse contraindre des acteurs économiques à s’engager sur la foi de textes réglementaires à l’état d’ébauche.

Ceci étant, on ne perd pas les bonnes habitudes : ce sont toujours les collectivités et les établissements publics qui supportent le risque.

 

 

 

Stéphanie BARRE-HOUDART est associée et responsable du pôle droit économique et financier et co-responsable du pôle organisation sanitaire et médico-social.

Elle s’est engagée depuis plusieurs années auprès des opérateurs du monde public local et du secteur sanitaire et de la recherche pour les conseiller et les assister dans leurs problématiques contractuelles et financières et en particulier :

- contrats d’exercice, de recherche,

- tarification à l’activité,

- recouvrement de créances,

- restructuration de la dette, financements désintermédiés,

- emprunts toxiques

Elle intervient à ce titre devant les juridictions financières, civiles et administratives.

Elle est par ailleurs régulièrement sollicitée pour la sécurisation juridique d’opérations complexes (fusion, coopération publique & privée) et de nombreux acteurs majeurs du secteur sanitaire font régulièrement appel à ses services pour la mise en œuvre de leurs projets (Ministères, Agences Régionales de Santé, financeurs, Etablissements de santé, de la recherche, Opérateurs privés à dimension internationale,…).