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Le GHT, qu’est-ce que c’est ?

Le groupement hospitalier de territoire (GHT) tel qu’il résulte du projet de loi « pour l’amélioration de notre système de santé » déposé au sénat regroupe des établissements publics sanitaires et médico-sociaux à l’exclusion des établissements privés.

L’objet du GHT est de « permettreaux établissements de mettre en œuvre une stratégie de prise en charge commune et graduée du patient, dans le but d’assurer une égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité. Il assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions ou par des transferts d’activités entre établissements. » Y est élaboré « un projet médical partagé garantissant une offre de proximité ainsi que l’accès à une offre de référence et de recours ». (Projet d’article L.6132-1 II CSP)

Cette rationalisation du secteur public hospitalier fait écho à celle de la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (« MAPTAM ») qui vise àrenforcer la rationalisation de l’intercommunalité par l’élargissement du champ des compétences obligatoires des communautés de communes et d’agglomération en laissant aux communes les compétences qui relèvent de la plus grande proximité.

Le GHT est une entité dont la nature juridique n’est pas expressément fixée mais qui n’est pas dotée de la personnalité juridique.

Cette entité n’a donc ni d’autonomie juridique ni d’autonomie financière.

 

La convention constitutive du GHT, qui devra être approuvée par l’ARS, devra déterminer[1] notamment les points suivants qui sont susceptibles d’avoir un impact social :

 

– Les délégations d’activités administratives, logistiques, techniques et médico-techniques

– Les transferts d’activités de soins ou d’équipements de matériels lourds entre établissements parties au GHT

– Les modalités de constitution des équipes médicales communes et des pôles inter établissements

– La désignation de l’établissement support chargé d’assurer pour le compte des autres établissements parties au groupement les fonctions et les activités déléguées

– Les modalités d’articulation entre les CME et la mise en place d’instances communes.

Le schéma d’un groupement sans personnalité juridique avec un établissement « support » représente quels impacts pour les ressources humaines des établissements du GHT ?

 

Le projet d’article L. 6132-4 I et II du code de la santé publique prévoit deux modalités de transmission de compétences à l’établissement support.

 « – I. – L’établissement support désigné par la convention constitutive assure les fonctions suivantes pour le compte des établissements parties au groupement :

« 1° La stratégie, l’optimisation et la gestion commune d’un système d’information hospitalier convergent, en particulier la mise en place d’un dossier patient permettant une prise en charge coordonnée des patients au sein des établissements parties au groupement. Les informations concernant une personne prise en charge par un établissement public de santé partie à un groupement peuvent être partagées, dans les conditions prévues à l’article L. 1110-4. L’établissement support met en œuvre, dans le cadre de la gestion du système d’information, les mesures techniques de nature à assurer le respect des obligations prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment à son article 34 ;

« 1° bis (nouveau) La gestion d’un département de l’information médicale de territoire. Par dérogation à l’article L. 6113-7, les praticiens transmettent les données médicales nominatives nécessaires à l’analyse de l’activité au médecin responsable de l’information médicale du groupement ;

« 2° La fonction achats ;

« 3° La coordination des instituts et des écoles de formation paramédicale du groupement et des plans de formation continue et de développement professionnel continu des personnels des établissements du groupement.

« II. – L’établissement support du groupement hospitalier de territoire peut gérer pour le compte des établissements parties au groupement des activités administratives, logistiques, techniques et médico-techniques.

« III (nouveau). – Les centres hospitaliers universitaires mentionnés au second alinéa de l’article L. 6141-2 coordonnent, au bénéfice des établissements parties aux groupements hospitaliers de territoire auxquels ils sont associés :

« 1° Les missions d’enseignement de formation initiale des professionnels médicaux ;

« 2° Les missions de recherche, dans le respect de l’article L. 6142-1 ;

« 3° Les missions de gestion de la démographie médicale ;

« 4° Les missions de référence et de recours.

 

 I/ Un dispositif de délégation de compétences à l’établissement support prenant pour partie les attributs d’un transfert de compétences

La fonction publique hospitalière jusqu’alors ne connaissait pas de dispositif de délégation de compétences.

Le projet de loi organise des délégations de compétences. Dès lors qu’il sera constitué, l’établissement support, agissant pour le compte des établissements membres, se verra déléguer notamment dans le champ social :

– de manière obligatoire les fonctions de gestion d’un département d’information médicale et de coordination des instituts et des écoles de formation paramédicale du groupement et des plans de formation continue et de développement professionnel continu des personnels des établissements du groupement ;

– de manière facultative par prévision dans la convention constitutive des « activités administratives, logistiques…etc. »

La délégation de compétences est en règle générale prévue pour faciliter l’organisation interne des services d’une entité et optimiser l’exercice du pouvoir de direction. Elle doit en outre pouvoir être librement révoquée par le délégant.

Or, s’agissant des « fonctions déléguées, » le projet de loi prévoit qu’elles sont d’office transmises à l’établissement support. L’autorité délégante, en l’occurrence les directeurs des établissements parties, n’ont pas la possibilité de refuser ou de retirer cette délégation.

En cela, le projet de loi organise bien plus qu’une délégation de compétence, un transfert de compétences à l’établissement support.

Il est prévu qu’un décret d’application déterminera les conditions de délégations des fonctions[2].

Le projet de loi n’apporte pas néanmoins de définition précise sur la distinction des notions de « fonctions » et « d’activités » et gagnerait à les définir pour éviter toute confusion des conventions constitutives qui seront amenées à les délimiter.

Plus encore, aucun décret d’application n’est prévu pour préciser les conditions de délégation des activités. Il est donc laissé toute liberté aux établissements parties au GHT pour déterminer le cadre et les modalités de délégation des activités.

La notion notamment d’ « activités administratives » n’est pas expressément délimitée dans la loi. Cette notion ne correspond à aucune notion juridique préétablie.

Cette notion renvoie-t-elle à celle de services administratifs composés d’agents publics hospitaliers exerçant dans le domaine de compétences administratives ou peut-elle renvoyer aux activités de l’administration qui notamment en matière sociale ont trait à la gestion de la retraite, de l’avancement, des conditions de travail… etc.

En l’absence de cadre réglementaire, rien n’interdit donc de penser que la définition de cette notion pourrait être donc librement déterminée par voie conventionnelle.

 

 II/ Une dépossession corrélative des pouvoirs de direction des directeurs des établissements parties au GHT au profit du directeur de l’établissement « support 

 

Le projet de loi prévoit ensuite de modifier les dispositions relatives aux attributions des directeurs d’établissements parties au GHT :

Le projet d’article L.6143-7 modifié du code de la santé publique disposerait :

« Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l’établissement. Il représente l’établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l’établissement.

Le directeur est compétent pour régler les affaires de l’établissement autres que celles énumérées aux 1° à 15° et autres que celles qui relèvent de la compétence du conseil de surveillance énumérées à l’article L. 6143-1. Il participe aux séances du conseil de surveillance. Il exécute ses délibérations.

Le directeur dispose d’un pouvoir de nomination dans l’établissement. Il propose au directeur général du Centre national de gestion la nomination des directeurs adjoints et des directeurs des soins. La commission administrative paritaire compétente émet un avis sur ces propositions. Sur proposition du chef de pôle ou, à défaut, du responsable de la structure interne, et après avis du président de la commission médicale d’établissement, il propose au directeur général du Centre national de gestion la nomination et la mise en recherche d’affectation des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques mentionnés au 1° de l’article L. 6152-1 dans les conditions fixées par voie réglementaire. L’avis du président de la commission médicale d’établissement est communiqué au directeur général du Centre national de gestion.

Le directeur exerce son autorité sur l’ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s’imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l’administration des soins et de l’indépendance professionnelle du praticien dans l’exercice de son art.

Le directeur est ordonnateur des dépenses et des recettes de l’établissement.  Il a le pouvoir de transiger. Il peut déléguer sa signature, dans des conditions déterminées par décret.

« Par dérogation, le directeur de l’établissement support du groupement exerce ces compétences pour l’ensemble des activités mentionnées aux I à III de l’article L. 6132-4. » ;

Après concertation avec le directoire, le directeur :

1° […] 15° […]

Les conditions d’application du présent article, relatives aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel, sont fixées par décret. »

 

Ainsi, il résulte de cette modification portée par le projet de loi que le directeur de l’établissement support exercerait toutes les compétences et les attributions de direction visées à l’article L.6143-7 du code de la santé publique pour les fonctions et activités transférées et déléguées[3] par une ou plusieurs établissements parties au GHT.

 

Il s’agit d’une véritable création d’un directeur hospitalier de territoire, suppléant pour partie les directeurs d’hôpitaux sur les fonctions « transférées » et sur des activités « déléguées » selon les stipulations de la convention constitutive.

La création de nouvelles compétences de ressort territorial emportera des modifications statutaires du corps des directeurs d’hôpitaux (décret n°2005-921 du 2 août 2005).

Le dispositif se distingue nettement de celui de la direction commune.

Alors que dans la direction commune, un même directeur assure l’intégralité des attributions de directeur sur ou moins deux établissements publics de santé sans que ces fonctions ne recouvrent par principe une dimension de stratégie territoriale, dans le cadre de « l’établissement support » du GHT, le directeur de cet établissement n’assurera pas de direction commune mais des compétences d’envergure territoriale qui s’ajouteront à ses compétences classiques de directeur d’établissement.

On se retrouve donc dans une situation inédite.

Le projet de loi organise un transfert partiel d’autorité investie du pouvoir de nomination entre deux directeurs mais :

–  sans transfert d’activité

–   sans transfert de personnel associé

–   sans mise à disposition

–    sans détachement

Nous serions donc en présence de fonctionnaires et d’agents contractuels qui demeureraient dans les effectifs d’un établissement dont le directeur serait dépossédé de l’ensemble de ses prérogatives sur les activités déléguées au profit du directeur de l’établissement support.

Au delà de la réforme statutaire du corps des directeurs, cette organisation pose des difficultés juridiques et complexifie la gestion des ressources humaines.

Une dichotomie doit être opérée entre la situation de transfert de compétences et celle de délégation de compétences pour apprécier les impacts sociaux.

 

  1. Le transfert de compétences

 

Le transfert de compétence résulte de l’article L.6132-4 I du CSP en projet comme relevé plus haut.

Les fonctions pouvant être transférées des établissements parties au GHT à l’établissement support posent certaines questions quant à leurs répercussions sociales.

En premier lieu, le point 1° bis de l’article L.6132-4 récemment inséré prévoit que la gestion d’un département de l’information médicale de territoire sera assurée par l’établissement support. Un médecin responsable de l’information médicale du groupement sera chargé de recevoir les transmissions des données médicales nominatives recueillies par les médecins des établissements membres.

Par dérogation au dispositif actuel[4] d’organisation de l’analyse de l’activité médicale hospitalière, les praticiens ne transmettront plus les données médicales au médecin responsable de l’information médicale de chaque établissement parties au GHT mais au médecin responsable de l’information médicale de territoire.[5]

Si le projet de loi n’apporte pas expressément de précisions sur l’établissement employeur de ce responsable de territoire, tout porte à croire qu’il s’agira de l’établissement support et que le responsable de l’information médicale de territoire sera celui de l’établissement support.

Les métiers de responsables des établissements membres seront donc supprimés et les médecins responsables devront donc être reclassés.

Le projet de loi est silencieux sur ce point.

Le décret d’application devra apporter des précisions sur cet aspect de gestion des ressources humaines médicales.

Il devra également préciser la répartition de participation financière des établissements parties au GHT au coût salarial de ce recrutement.

Ce responsable étant chargé de fonctions transversales sur le territoire, la question de son rattachement aux instances représentatives du personnel (CME) se pose. Sera-t-il électeur et éligible dans l’établissement support ?

En second lieu, le point 3° de l’article L.6132-4 I prévoit qu’un transfert de compétences s’opère d’office des établissements membres vers l’établissement support pour assurer des fonctions de coordination des IFSI du GHT et des plans de formation tout au long de la vie professionnelle et de DPC. (Article L.6132-4 CSP en projet)

Dans cette hypothèse, les établissements membres conserveront la compétence d’établissement des plans de formation après consultation des instances représentatives du personnel hospitalier et médical dans l’établissement (CTE, CME).

 

Cependant, préalablement, le rôle de coordination de l’établissement support aura pour effet

– d’une part de mutualiser les démarches de marchés publics, trouver, évaluer et sélectionner des formateurs internes et externes pour intervenir au sein du GHT.

– d’autre part d’homogénéiser les plans de formation dans le GHT sur la base d’axes de formation prioritaires au regard des enjeux du territoire et donc d’homogénéiser les politiques de GRH dans le GHT.

 

Si la loi donne un rôle de coordonnateur, est-ce pour autant que le directeur de l’établissement support pourra imposer sa politique de GRH en matière de formation aux autres établissements membres. Rien n’est moins sûr. La loi n’a pas prévu en effet de contraindre les établissements membres à suivre les règles de coordination fixées par l’établissement support.

Il reste à savoir qu’elles seront les précisions réglementaires (art. L.6132-7 5° CSP).

En tout état de cause, les représentants du personnel prennent une part active dans la définition des plans de formation.

Aussi, le rôle de coordination sans mise en place d’une instance consultative propre à garantir un dialogue social à ce niveau avec les partenaires sociaux s’exposerait à des difficultés de fonctionnement.

 

2 – Les délégations de compétences sur les activités administratives

Deux hypothèses doivent être distinguées selon la définition donnée à la notion d’activités évoquées plus haut

a) La délégation de compétences au directeur de l’établissement support sur les services des établissements membres

Dans ce cas de figure lorsque la convention constitutive du GHT prévoit que l’établissement support gérerait pour le compte des établissements parties au GHT des activités administratives, logistiques …etc., le projet de loi pose que le directeur de l’établissement support pourrait alors être seul titulaire du pouvoir de nomination à l’égard du personnel de ces derniers, à l’exclusion du directeur des établissements membres du GHT.

Le pouvoir disciplinaire[6], la gestion de la carrière[7] allant du recrutement[8], l’évaluation[9], la notation à la cessation de fonctions relèveraient du directeur de l’établissement support pour des fonctionnaires qui en l’état du projet de loi n’y seraient ni mis à disposition ni détachés ni transférés à l’établissement support.

Comment le directeur d’un établissement peut-il exercer son pouvoir de direction sur du personnel qui n’est pas nommé ou recruté dans son établissement mais dans un autre établissement ?

Ce schéma apparaît s’exposer à des difficultés juridiques et de gestion.

Le principe dans la fonction publique est que le personnel est soumis à l’autorité de l’employeur public qui l’a nommé.[10]

 Cependant dans le cadre du dispositif de l’article L.6132-4 CSP du projet de loi, le fait d’investir le directeur de l’établissement support du pouvoir de direction des établissements membres fait sortir le groupement de toute logique de coopération.

 Les seules dispositions de l’article L. 6132_4 CSP président parfaitement à une logique de coopération : l’établissement support du GHT peut être chargé par convention constitutive de gérer pour le compte des établissements membres les activités administratives …etc. 

En revanche, l’article L.6132-7 8° CSP anéantit toute logique de coopération puisqu’il remet en cause le mécanisme de la mise à disposition qui suppose que le directeur de l’établissement d’origine conserve le pouvoir de direction.

Article 48 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986

« Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa, en cas de transfert ou de regroupement d’activités impliquant plusieurs établissements mentionnés à l’article 2, les fonctionnaires et agents concernés sont de plein droit mis à disposition du ou des établissements assurant la poursuite de ces activités, sur décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Une convention est alors signée entre l’administration d’origine et l’organisme d’accueil. »

Lorsque le fonctionnaire est mis à disposition statutaire, l’administration d’origine conserve :

le pouvoir disciplinaire en application de l’article 9 du décret n°88-976 du 13 octobre 1988 :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination au sein de l’établissement d’origine exerce le pouvoir disciplinaire à l’encontre du fonctionnaire mis à disposition, le cas échéant sur saisine du ou de l’un des organismes d’accueil. »

le pouvoir de contrôle avec la mise en œuvre de la notation et de l’évaluation en application de l’article 10 du décret n°88-976 du 13 octobre 1988 ou encore de l’avancement :

« Un rapport sur la manière de servir du fonctionnaire mis à disposition est établi par le responsable sous l’autorité duquel il est placé au sein de chaque organisme d’accueil. Ce rapport est transmis au fonctionnaire qui peut y porter ses observations, et à l’établissement d’origine ou à l’autorité qui exerce à son égard le pouvoir de notation ou d’évaluation. »

 

Dès lors que l’établissement support détient l’autorité de nomination, il n’est plus possible de mettre à disposition les personnels relevant de l’activité déléguée puisqu’en réalité l’activité n’est plus seulement déléguée mais transférée à l’établissement support.

Dès lors ce sont les mécanismes du transfert d’activité qui devraient être mis en œuvre.

Les agents contractuels se verraient donc appliquer les dispositions sur le transfert d’activité prévues à l’article 14 ter de la loi n°84-634 du 13 juillet 1983. Leurs contrats seraient donc transférés à l’établissement support qui deviendrait leur nouvel employeur.

Les fonctionnaires hospitaliers quant à eux se verraient appliquer les dispositions de la démission-mutation (art.32 de la loi n°86-33) et intègreraient l’établissement support.

Plus encore, outre l’impossibilité ainsi posée de mettre à disposition dite statutaire des personnels liés à l’activité transférée (art.L.6132-1 CSP), les dispositions législatives du projet n’organisent pas la possibilité de mise à disposition fonctionnelle comme cela est prévu dans le cadre des groupements de coopération sanitaire et pour cause il n’y a plus de coopération mais transfert de compétences vers un seul des établissements du GHT : l’établissement support.

 

Si l’article L.6132-2 II (nouveau) 4° prévoit que la convention constitutive du GHT détermine « les modalités de constitution des équipes médicales communes et le cas échéant des pôles inter établissements » s’apparentant aux prestations croisées de personnels médicaux de GCS à l’instar de l’article L.6133-1 3° CSP en vigueur, l’article L.6132-7 8° du projet apparait y faire obstacle juridiquement.

Le transfert des pouvoirs de direction des directeurs des établissements parties au GHT au directeur de l’établissement support empêche toute mise à disposition fonctionnelle dont l’objet est de constituer une contribution en nature aux charges de fonctionnement du groupement.

La constitution d’ « équipes médicales communes » de territoire est impropre dans la mesure où les équipes médicales ne seront pas communes mais rattachés à l’établissement support désigné au sein du GHT.

Ces praticiens hospitaliers de territoire exerceront des fonctions faisant émerger un nouveau métier. Des modifications statutaires devront en découler.

La question se pose de la position fonctionnelle de ces praticiens.

Auront-ils une autorité fonctionnelle sur les praticiens des établissements parties au GHT ?

Quelle sera l’articulation de leur fonction avec celles des chefs de pôle des établissements parties au GHT ?

Outre les questions d’ordre individuel, se posent des questions d’ordre collectif sur le plan de la compétence des instances représentatives du personnel.

Des questions existent qu’on retienne l’hypothèse d’une mise à disposition ou d’un transfert d’activité.

 

Dans l’hypothèse même d’une mise à disposition fonctionnelle ou d’une mise à disposition d’office (art.48 de la loi n°86-33 précité) qui s’avère impossible en l’état, le projet de loi omet d’organiser les règles de représentativité dans le GHT et de consultation des instances représentatives du personnel et semble à l’instar des GCS laisser aux établissements parties au GHT le soin de les organiser[11].

Or, cela est d’autant plus paradoxal que les parlementaires étant conscients des difficultés de dialogue social dans les GCS ont prévu d’organiser dans le projet de loi les règles de consultation des instances représentatives du personnel, certes maladroitement, de nombreux risques juridiques ayant été d’ores et déjà relevés (confer article blog Houdart : « A quand le dialogue social dans les GCS de droit public ? »).

Dans l’hypothèse où serait considéré le risque d’un transfert d’activité, tout porte à croire que le CTE, les CAP et le CHSCT de l’établissement support seraient alors compétents pour se prononcer sur la situation des personnels des activités transférées.

Au-delà du risque juridique du dispositif en l’état du projet de loi, des difficultés de gestion RH sont prévisibles.

En l’état actuel de l’organisation hospitalière, deux niveaux de gestion des ressources humaines coexistent : un niveau local correspondant au périmètre de l’établissement et un niveau national correspondant aux attributions du Centre national de gestion. En matière de gestion de carrières des directeurs et praticiens hospitaliers.

Cette organisation est l’une des causes des difficultés rencontrées par le directeur d’établissement pour disposer de l’autorité nécessaire à la gestion des ressources médicales. Or, dans un système de facturation à l’activité l’absence d’une réelle autorité de direction et de discipline sur ceux-là même qui font ladite activité est problématique.

Avec ce projet de loi et la modification de l’article L.6143-7 du code de la santé publique en découlant, on créé un troisième niveau de gestion, celui du périmètre territorial du groupement.

Si le fait de gérer des ressources humaines au niveau du périmètre du GHT n’est pas en soi choquant, la répartition de l’autorité investie du pouvoir de nomination entre le CNG, le directeur de l’établissement et le directeur de l’établissement support risque fort de poser des difficultés de coordination et de fragiliser l’autorité de l’administration hospitalière.

Enfin, en termes de dialogue social, plusieurs questions se posent dans une telle configuration concernant les règles de représentation du personnel.

Les personnels des activités déléguées à l’établissement support seront électeurs dans leur établissement d’origine ou dans l’établissement support ? De même où seront-ils éligibles ?

En tout état de cause, les règles sur les agents mis à disposition ne leur seront pas applicables ne pouvant pas être mis à disposition en application stricte des textes statutaires comme évoqué plus haut.

 b) La délégation de compétences sur certaines activités administratives

Au regard de l’imprécision du texte, rien n’interdit de prévoir par convention constitutive la délégation de compétences à l’établissement support sur la gestion des avancements d’échelon, la gestion des retraites ou encore la gestion de l’inaptitude des personnels des établissements membres.

Dans ce cas, l’établissement support serait effectivement investi d’une fonction support déléguée par les établissements membres en vue d’une mutualisation de certaines fonctions RH.

La délégation de compétences ne porterait alors que sur une partie de ses prérogatives concernant le personnel administratif, technique, …etc.

Cette délégation peut alors poser certaines questions juridiques et de gestion en termes de consultation des instances représentatives du personnel.

La CAP compétente pour se prononcer notamment sur les avancements d’échelons de chaque catégorie de personnels est celle qui est issue des élections professionnelles dans l’établissement où l’agent est nommé.[12]

Les représentants du personnel élus sont ceux qui se sont portés candidats pour les CAPL dans l’établissement et pour les CAPD dans l’établissement désigné par l’ARS pour assurer la gestion de ces CAPD[13].

Si l’établissement support est chargé pour le compte des établissements membres de gérer les activités administratives relatives notamment aux avancements d’échelon, quelle CAP devra être consultée ?

Les seules CAP compétentes de l’établissement support ? L’ensemble des CAP des établissements parties au GHT ?

Le maintien de la consultation des CAP compétentes de l’ensemble des établissements parties au GHT n’aurait que peu d’intérêt puisqu’il ne permettrait pas de répondre à l’objectif du GHT de mutualisation et de « rationalisation des modes de gestion par des transferts d’activités entre établissements ».

Laisser les seules CAP de l’établissement support se prononcer sur notamment les avancements d’échelon des agents de l’ensemble des établissements parties au GHT pose indéniablement la question de la représentativité et corrélativement de la validité de la consultation qui serait opérée.

La question doit être posée. Nul doute que cette question mobilisera les partenaires sociaux pour lesquels les enjeux de la représentativité sont posés clairement.

 

Conclusion

 

Les difficultés juridiques et de gestion en préparation ici dressées témoignent d’une organisation inaboutie et laissent entrevoir une réforme plus ambitieuse qui verrait la mise en place de centres hospitaliers de territoire auxquels serraient rattachés des établissements-site dirigés par des directeurs « délégués ».

Ces centres hospitaliers seraient dirigés par des directeurs hospitaliers de territoire et auraient vocation à mettre en œuvre une stratégie de territoire.

De nouveaux métiers émergeraient avec la prévision de fonctions transversales sur le territoire à l’intérieur des établissements-sites.

Aller au bout de la démarche, c’est engager une profonde réforme statutaire et de gouvernance et rester sur la ligne de la réforme HPST en privilégiant un seul patron à l’hôpital et une organisation interne déléguée qui pose la question de l’autonomie juridique et financière des établissements de proximité.

 

 

 

 


[1] Art.L6132-2 II (nouveau) : « La convention constitutive du groupement hospitalier de territoire définit :

« 1° Un projet médical partagé de l’ensemble des établissements parties à la convention de groupement hospitalier de territoire ;

« 2° Les délégations éventuelles d’activités, mentionnées au II de l’article L. 6132-4 ;

« 3° Les transferts éventuels d’activités de soins ou d’équipements de matériels lourds entre établissements parties au groupement ;

« 4° Les modalités de constitution des équipes médicales communes et, le cas échéant, des pôles inter établissements;

« 5° Les modalités d’organisation et de fonctionnement du groupement, notamment :

« a) La désignation de l’établissement support chargé d’assurer, pour le compte des autres établissements parties au groupement, les fonctions et les activités déléguées. Cette désignation doit être approuvée par les conseils de surveillance des établissements du groupement, à la majorité des deux tiers. À défaut, l’établissement support est désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé concernée, après avis d’un comité territorial des élus locaux ;

« b) La composition du comité stratégique chargé de se prononcer sur la mise en œuvre de la convention et du projet médical partagé. Il comprend notamment les directeurs d’établissement, les présidents des commissions médicales d’établissement et les présidents des commissions des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques de l’ensemble des établissements parties au groupement. Le comité stratégique peut mettre en place un bureau restreint auquel il délègue tout ou partie de sa compétence ;

« b bis) (nouveau) Les modalités d’articulation entre les commissions médicales d’établissement pour l’élaboration du projet médical partagé et, le cas échéant, la mise en place d’instances communes ;

« c) Le rôle du comité territorial des élus, chargé d’évaluer les actions mises en œuvre par le groupement pour garantir l’égalité d’accès à des soins sécurisés et de qualité sur l’ensemble du territoire du groupement. À ce titre, il peut émettre des propositions et est informé des suites qui leur sont données. […] »

[2] Art.L.6132-7.5° CSP du projet de loi

[3]Fonctions et activités transférées et déléguées visées à l’article L.6132-4 I et II en projet du code de la santé publique

[4] Art.L6113-7 CSP  alinéa 3 : « Les praticiens exerçant dans les établissements de santé publics et privés transmettent les données médicales nominatives nécessaires à l’analyse de l’activité et à la facturation de celle-ci au médecin responsable de l’information médicale pour l’établissement dans des conditions déterminées par voie réglementaire après consultation du Conseil national de l’ordre des médecins. »

[5]Projet d’article L.6132-4 I « 1° bis (nouveau) La gestion d’un département de l’information médicale de territoire. Par dérogation à l’article L. 6113-7, les praticiens transmettent les données médicales nominatives nécessaires à l’analyse de l’activité au médecin responsable de l’information médicale du groupement ;

[6] Article 19 de la loi n°83-634 du 13 février 1983« Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination. »

Compétence confirmée par l’article 82 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ; « L’autorité investie du pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l’article 19 du titre 1er du statut général. »

[7] Article 6 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986; « Sous réserve des dispositions de l’avant-dernier alinéa de l’article 4, les décisions relatives au recrutement et à la carrière des fonctionnaires sont prises par les autorités investies du pouvoir de nomination, qui sont désignées par les lois et décrets relatifs à l’organisation des différents établissements. »

[8] Article 4 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986: « Toutefois, les corps et emplois des personnels de direction et des directeurs des soins sont recrutés et gérés au niveau national. Leur gestion peut être déconcentrée. Le directeur général du Centre national de gestion est l’autorité investie du pouvoir de nomination des agents nommés dans ces corps et emplois sous réserve des dispositions de l’article L. 6143-7-2 du code de la santé publique.

Les statuts des emplois hospitaliers mentionnés au deuxième alinéa du présent article prévoient l’organisation de ces emplois en corps lorsque l’importance des effectifs ou la nature des fonctions le justifie. »

[9]Article 65 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ; « Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires […] est exercé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs. […] Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article. »

 

[10] art.6 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 : « Sous réserve des dispositions de l’avant-dernier alinéa de l’article 4, les décisions relatives au recrutement et à la carrière des fonctionnaires sont prises par les autorités investies du pouvoir de nomination, qui sont désignées par les lois et décrets relatifs à l’organisation des différents établissements. »

[11] Art.L.6132-5°b) bis) : « « b bis) (nouveau) Les modalités d’articulation entre les commissions médicales d’établissement pour l’élaboration du projet médical partagé et, le cas échéant, la mise en place d’instances communes ; »

[12]art.17 et 18 de la loi n°86-33 ; Décret n°2003-655

[13]art.22 D.2003-655