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La Fédération LESISS qui défend les intérêts des éditeurs informatiques privés, appelle de ses voeux une opération "Transparence pour une filière de santé numérique d’avenir".

C’est ainsi qu’après de nombreuses démarches auprès des structures informatiques et de certains établissements publics de santé, puis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), LESISS vient d’adresser à la Ministre de la santé un courrier en ce sens, avec copie à l’Assemblée nationale et au Sénat ainsi qu’aux Ministres du budget et du redressement productif et à la Cour des comptes, dans lequel elle insiste sur "l’information sur l’usage des deniers public" qui "est un droit fondamental du contribuable", et précise, bien évidemment, que l’opération "Transparence" "ne vise naturellement pas à favoriser quelque acteur que ce soit" et que "l’objectif poursuivi ne vise rien moins qu’à favoriser la résorption des déficits publics et à faciliter la créatin d’une filière d’avenir au service de la France" (sic).

Il est vrai que les marchés informatiques auraient parfois besoin de transparence, mais pas forcément là où LESISS le revendique.

En effet, la mise en commun de logiciels élaborés en commun entre établissements publics, dans le cadre de groupements, est parfaitement légale et ne nécessite pas de procédure de mise en concurrence contrairement à ce qui est suggéré. LESISS, sous son ancienne enseigne de SNIIS, en a fait la cruelle expérience en se faisant sèchement rembarrer par les juridictions européennes et nationales. La position du Conseil d’Etat est particulièrement claire et ne nécessite pas la réouverture du vain débat que semble souhaiter LESISS (SNIIS c/GIP Symaris, CE, 4 mars 2009, N° 300481, Publié au recueil Lebon). Et les recensements effectués par LESISS des prétendus manquements des établissements publics de santé sont, bien évidemment sous réserve d’inventaire, une illustration parfaite du "in house" reconnu par le droit européen (Voir nos précédents billets sur le sujet).

Par contre, n’y aurait-il pas des choses à dire de certains marchés publics en matière informatique ?

Le recensement qui suit (qui s’échappe volontairement du cadre de l’informatique en santé et de nos frontières) n’a pas pour objet de constituer un portait-charge contre les éditeurs privés, toute généralisation étant, d’où quelle vienne, forcément fausse et abusive. Il a pour seul objet de donner quelques illustrations de l’absence de transparence, cette-fois avérée et contrevenant au droit, de certaines pratiques qui atteignent – ou ont atteint – le marché informatique.

Ainsi :

– N’abuse-t-on jamais de l’article 35.II.8°) du code des marchés publics selon lequel : « peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence (les marchés qui ne peuvent être confiés qu’à un prestataire déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection des droits d’exclusivité» ? "Considérant que les seules circonstances invoquées par l’office et tirées d’une part de ce que la Société xxx France avait déjà fourni à d’autres offices d’HLM des logiciels conçus pour la gestion de ces établissements publics, et d’autre part de ce que ladite société "offrait en complément à la livraison de son matériel l’adhésion automatique à un club d’utilisateurs spécifiques au mouvement HLM" ne suffisent pas à établir que cette société était la seule entreprise à laquelle l’Office public d’habitations à loyer modéré de la ville de Malakoff pouvait demander la fourniture des équipements informatiques dont il s’agit ; qu’ainsi, les conditions requises par les dispositions précitées de l’article 312 bis du code des marchés publics n’étant pas réunies, l’Office public d’habitations à loyer modéré de Malakoff ne pouvait légalement recourir à la procédure du marché négocié ;" (Conseil d’Etat, 2 nov. 1988, no 64954).

– N’abuse-t-on jamais du fractionnement articifiel ?

– N’abuse-t-on jamais des avenants ?

– N’abuse-t-on pas des modifications en cours d’appel d’offres ? La communication aux candidats, la veille de la date limite de dépôt des offres, d’exigences nouvelles relatives aux résultats à atteindre en ce qui concerne les temps de réponses du système informatique, constituant l’un des objets principaux du marché, a modifié le programme fonctionnel détaillé du marché dans des conditions de délai qui ne permettaient pas d’assurer le respect de l’égalité entre les candidats. La personne responsable du marché a ainsi méconnu les obligations de mise en concurrence qui lui incombent et le marché doit être suspendu (CE, 19 mars 1997, ministère de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation/société Bull).

– N’existe-t-il pas des contrats prétendument gratuits qui se révèlent par la suite particulièrement onéreux ?

– Ne se soumet-on pas trops souvent à l’habitude ? Le fait qu’une société d’économie mixte travaille depuis près de quinze ans avec une collectivité, qu’elle ait réalisé des investissements importants pour l’informatisation des services de la collectivité et qu’elle ait développé des applications informatiques spécifiques sur lesquelles elle détient des droits exclusifs, qu’elle ait ainsi acquis une expérience professionnelle et un savoir-faire, ne suffisent pas à établir que cette SEM était la seule entreprise à laquelle la collectivité pouvait confier la gestion et le développement de l’informatique et donc ne justifie pas le recours au marché négocié sans mise en concurrence (CAA Bordeaux, 17 mars 1997, département de l’Hérault).

– N’est-il jamais arrivé que le cahier des charges soit rédigé par le candidat pressenti ou par un consultant qui lui était lié ?

– N’a-t-on jamais abusé des spécifications techniques ? (Instruction sur l’établissement des spécifications techniques pour la fourniture de matériels informatiques – 31 mai 2005 – Réf. : 051C0025).TA de LILLE, 2 octobre 2008, no 0806154, Société DELL c/ Département du Pas-de-Calais.

– Examiné plus récemment par les juridictions administratives, les personnes publiques – au cas d’espèce, les établissements publics de santé – n’ont-elles jamais dû payer la recherche-dévelopement pour des produits qui ne leur ont jamais été livrés ? (CAA Lyon, 1er mars 2012, N° 10LY02325 ; N° 10LY02327    ; CAA Bordeaux, 4 avril 2011, N° 09BX02868 ;

– N’abuse-t-on jamais du dialogue dit "compétitif" ?

– N’abuse-t-on jamais d’informations privilégiées ?Lorsque la Commission européenne décida de créer le système SIMAP d’information sur les marchés
publics, elle engagea une société de services informatiques de renommée mondiale pour élaborer le cahier des charges de la consultation. Or, quelle ne fut pas la surprise des responsables du projet quand ils découvrirent, parmi les candidats ayant remis une offre, que la société informatique s’était associée à
une autre multinationale pour répondre à l’appel d’offres. Il fut alors nécessaire de reprendre toute la réglementation spécifique de la Commission pour écarter cette équipe qui, de toute évidence, détenait des informations privilégiées par rapport à tous les autres candidats (Rapport OCDE Forum mondial PROMOTION DE LA BONNE GOUVERNANCE ET DE L’INTEGRITE DANS LES MARCHESS PUBLICS, 1er décembre 2006, p.20).

La litanie serait longue…

Alors, oui ! De la transparence, mais de chaque côté et sans dénaturer le droit en vigueur. Ce qui est répréhensible, c’est ce qui contrevient – a fortiori en parfaite connaissance de cause – au droit en vigueur et non ce qui s’y conforme en tout point !

Et l’exigence de transparence ne saurait s’étendre aux secrets protégés par l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 et notamment au secret en matière industrielle et commerciale, ainsi que le rappelle à juste titre la CADA, ce que se garde bien de dire LESISS…