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Une association poursuivant une activité médico-sociale (accompagnement des jeunes en difficultés) cesse son activité. Par arrêté, le Préfet lui ordonne de verser à deux autres associations exerçant une activité similaire les sommes correspondant aux amortissements cumulés, et aux réserves de trésorerie et de compensation.

L’association a sollicité l’annulation de cet arrêté devant le Tribunal administratif de Lille, qui a rejeté sa demande. Saisie du litige par la voie de l’appel, la Cour administrative d’appel de Douai a décidé, avant-dire-droit, d’interroger le Conseil d’Etat. Trois questions lui étaient posées :

1° La CAA s’interrogeait tout d’abord sur le fondement légal de l’article R.314-97 CASF qui prévoit le reversement des amortissements cumulés en cas de fermeture d’un établissement ou d’un service. S’agit-il de l’article L.313-19 CASF ?

2° En l’absence de dispositions légales auxquelles rattachées ce principe, le pouvoir réglementaire était-il compétent pour prévoir le reversement des amortissements cumulés ?

3° Si oui, ce pouvoir est-il de nature à porter atteinte au droit de propriété ?

 

Aux termes de l’article R.314-97 CASF, en cas de fermeture ou de cessation d’activité totale ou partielle d’un établissement ou d’un service, il est prévu que cet établissement reverse à un autre établissement poursuivant une activité similaire :

–       Les montants des amortissements cumulés des biens,

–       Les montants des provisions non utilisées ;

–  Les montants des réserves de trésorerie apparaissant au bilan de clôture.

 

L’article L.313-19 CASF prévoit quant à lui le reversement des sommes suivantes :

–    Les subventions d’investissement non amortissables, grevées de droits, ayant permis le financement de l’actif immobilisé de l’établissement ou du service ;

–     Les réserves de trésorerie de l’établissement ou du service constituées par majoration des produits de tarification et affectation des excédents d’exploitation réalisés avec les produits de la tarification ;

–       Les excédents d’exploitation provenant de la tarification affectés à l’investissement de l’établissement ou du service, revalorisés

–       Les provisions pour risques et charges, les provisions réglementées et les provisions pour dépréciation de l’actif circulant constituées grâce aux produits de la tarification et non employées le jour de la fermeture.

Par comparaison des deux articles, et en l’absence de dispositions expresses de l’article L.313-19 CASF en ce sens, le Conseil d’Etat en déduit que l’article R.314-97 CASF prévoyant le reversement des dotations aux comptes d’amortissement qui ont été prises en compte dans la fixation des tarifs ne peut être regardé comme pris sur le fondement de l’article L.313-19 CASF.

Il relève en revanche que « il résulte des dispositions des articles L. 314-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles relatives à la tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux que cette tarification vise à assurer le financement par l’Etat, les collectivités territoriales ou les organismes de sécurité sociale de certaines des prestations fournies par ces établissements et services. Eu égard à l’objet de la tarification, le pouvoir réglementaire a compétence pour prévoir les conditions dans lesquelles, en cas de fermeture ou de cessation d’activité, les sommes procurées par la tarification qui n’auraient pas été utilisées pour la fourniture des prestations en vue desquelles elles avaient été allouées doivent être reversées à un établissement ou un service poursuivant un but similaire ».

Néanmoins, le Conseil d’Etat fixe une limite au pouvoir reconnu aux autorités publiques (et notamment au Préfet). Il rappelle ainsi que « les amortissements ont pour objet, d’une part, de constater la dépréciation des biens immobilisés et, d’autre part, de répartir le coût de ces biens sur leur durée probable d’utilisation. Par suite, la prise en compte des dotations aux comptes d’amortissement dans la fixation des tarifs d’un établissement ou d’un service correspond, en principe, à l’intégration du coût des immobilisations dans le calcul du coût des prestations fournies par cet établissement ou ce service, sans qu’il en résulte, en règle générale, d’accroissement du patrimoine de l’organisme qui en assure la gestion. Dès lors, le pouvoir réglementaire n’avait pas compétence pour prévoir qu’en cas de fermeture ou de cessation d’activité d’un établissement ou service, l’organisme gestionnaire de ce dernier doit reverser l’intégralité des montants des amortissements cumulés des biens tels qu’ils apparaissent au bilan de clôture si les dotations aux comptes d’amortissement ont été prises en compte dans la fixation des tarifs ».

Ainsi, en cas de fermeture d’un établissement géré par une personne de droit privé à but non lucratif, l’autorité de tarification ne peut que solliciter le reversement des sommes qu’il a allouées au titre de la tarification et qui n’ont pas été utilisées. En revanche, elle ne peut imposer le reversement de l’intégralité des montants des amortissements cumulés des biens apparaissant au bilan de clôture dès lors que ces sommes ont été prises en compte dans la fixation du tarif et sont donc venues en diminuer le montant.