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Ce n’est pas la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) qui l’écrit mais le
Secrétariat général des affaires européennes auprès du Premier Ministre dans un document intitulé : “Guide relatif à la gestion des services d’intérêt économique général (sieg)” qui vient d’être publié :”S’agissant des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD), le maire d’une commune a la faculté de confier la gestion de l’établissement autorisé par le président du conseil général par délégation de service public ou dans le cadre d’un marché public. Délégation de service public et marché public peuvent constituer des mandats au sens du droit européen (cf. infra) s’ils comportent les mentions requises.”

Même si le recours à un tel schéma juridique peut paraître “inusité[i], la régularité de celui-ci qui doit faire l’objet d’un contrôle de légalité du Préfet (art. 1411-9 du CGCT[ii]), n’a donné lieu à ce jour à aucune décision topique des juridictions administratives. Elle paraît donc suspecte à beaucoup même si elle peut permettre aux collectivités territoriales concernées de mettre en oeuvre sereinement leur politique en faveur des personnes âgées dépendantes, sans bourse délier.

Cependant, un tel schéma ne pose aucune difficulté juridique.

 On relèvera d’une part que l’action sociale et médico-sociale, au sens du CASF, “s’inscrit dans les missions d’intérêt général et d’utilité sociale” définie à l’article L. 311-1dudit code[iii] ce qui autorise la création, en tant que de besoin, d’un service public, d’autre part, que, par exemple, un EHPAD public constitue à l’évidence un service public : “Considérant que la maison de retraite intercommunale du Chatelet-en-Brie constitue un service public administratif ;”[iv].

On relèvera, par ailleurs, que cette activité n’est pas au nombre des missions de service public obligatoires des collectivités territoriales et qu’aucun texte n’impose aux collectivités territoriales ou à leurs établissements publics de gérer eux-mêmes des structures ou établissements sociaux ou médico-sociaux.

Les collectivités territoriales et leurs établissements publics bénéficient donc en cette matière de la liberté contractuelle dans les conditions de droit commun et peuvent réaliser par convention toute opération pour laquelle la réglementation n’a pas prévu un autre cadre juridique obligatoire ainsi que l’a rappelé le Conseil d’Etat dans sa décision du  6 avril 2007[v] : “Considérant que, lorsque des collectivités publiques sont responsables d’un service public, elles peuvent, dès lors que la nature de ce service n’y fait pas par elle-même obstacle, décider de confier sa gestion à un tiers ; qu’à cette fin, sauf si un texte en dispose autrement, elles doivent en principe conclure avec un opérateur, quel que soit son statut juridique et alors même qu’elles l’auraient créé ou auraient contribué à sa création ou encore qu’elles en seraient membres, associés ou actionnaires, un contrat de délégation de service public ou, si la rémunération de leur cocontractant n’est pas substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service, un marché public de service ; qu’elles peuvent toutefois ne pas passer un tel contrat lorsque, eu égard à la nature de l’activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles il l’exerce, le tiers auquel elles s’adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel (…)”.

Il n’est donc pas douteux que la gestion de la plupart des services sociaux ou médico-sociaux puisse être déléguée ainsi que l’a reconnu par le passé le Ministre de l’économie : ” En l’occurrence, une maison de retraite a été considérée par le Conseil d’Etat comme pouvant constituer un service public administratif (3 mars 1978, Lecoq), dont il n’est par ailleurs pas douteux qu’il est susceptible d’être délégué, au contraire de certains autres services publics administratifs que les personnes publiques compétentes doivent assurer par elles-même[vi].

 Et rien ne permet, à ce jour, d’opposer les articles L. 315-1[vii] et L. 315-7[viii] du CASF à de telles délégations de service public. En effet, ces articles n’ont ni pour objet ni pour effet d’imposer un mode de gestion aux personnes publiques, mais uniquement de préciser respectivement la nature des structures juridiques publiques (établissement public autonome ou service non personnalisé) et les modalités d’autonomisation des établissements publics sociaux ou médico-sociaux.


[i] A propos d’un EHPAD, Chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon, Rapport d’observations définitives en date du 28 janvier 2010, Centre communal d’action sociale de Canet-en-Roussillon Pyrénées-Orientales.

[ii] Aux conventions de délégation de service public des communes et des établissements publics communaux ou intercommunaux transmises par application de l’article L. 2131-2 au représentant de l’Etat dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement, dans un délai de quinze jours à compter de leur signature, l’autorité territoriale joint l’ensemble des pièces dont la liste est fixée par décret en Conseil d’Etat.

[iii] 1° Evaluation et prévention des risques sociaux et médico-sociaux, information, investigation, conseil, orientation, formation, médiation et réparation ;

2° Protection administrative ou judiciaire de l’enfance et de la famille, de la jeunesse, des personnes handicapées, des personnes âgées ou en difficulté ;

3° Actions éducatives, médico-éducatives, médicales, thérapeutiques, pédagogiques et de formation adaptées aux besoins de la personne, à son niveau de développement, à ses potentialités, à l’évolution de son état ainsi qu’à son âge ;

4° Actions d’intégration scolaire, d’adaptation, de réadaptation, d’insertion, de réinsertion sociales et professionnelles, d’aide à la vie active, d’information et de conseil sur les aides techniques ainsi que d’aide au travail ;

5° Actions d’assistance dans les divers actes de la vie, de soutien, de soins et d’accompagnement, y compris à titre palliatif ;

6° Actions contribuant au développement social et culturel, et à l’insertion par l’activité économique.

[iv] CE, 3 mars 1978, N° 06079, Lecoq, Publié au recueil Lebon ; idem, CE, 6 mai 1985, N° 41589 41699, Eurolat, Publié au recueil Lebon.

[v] n° 284736  Commune d’Aix-en-Provence, Publié au recueil Lebon.

[vi] Réponse à la question écrite n° 342 de M. Jacquat Denis, Député, JO du 02/09/2002, page 2994.

[vii] Les interventions à but social et médico-social des personnes morales de droit public sont assurées soit par des établissements publics communaux, intercommunaux, départementaux, interdépartementaux ou nationaux, soit par des services non personnalisés.

[viii] Sans préjudice de l’application des dispositions de l’article L. 6111-3 du code de la santé publique, les établissements mentionnés aux 2°, a du 5°, 6°, 7°, 8° et 13° du I de l’article L. 312-1 du présent code, ainsi que les maisons d’enfants à caractère social, qui relèvent des personnes morales de droit public à l’exception des établissements relevant de l’Office national des anciens combattants, de l’institution de gestion sociale des armées et des maisons de retraite rattachées au centre d’action sociale de la ville de Paris, constituent des établissements publics.

Ceux de ces établissements qui, à la date du 30 juin 1975, fonctionnaient comme des services non personnalisés des personnes morales de droit public sont érigés en établissements publics ou rattachés à un établissement public de même nature.

Les dispositions des alinéas précédents ne s’appliquent pas aux établissements qui sont créés ou gérés par des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, ni aux établissements qui sont gérés par des établissements publics de santé. Dans certains cas et à leur demande, les établissements à caractère social érigés en établissements publics peuvent passer des conventions de gestion avec des établissements publics.