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nouveau code de la commande publique – jusque ou va la possibilite de modifier ou de resilier le marche
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La consultation lancée par le Ministère de l’Economie en vue de la préparation du Code de la Commande Publique s’est achevée le 28 mai dernier. Néanmoins, les modifications sont encore possibles, puisque l’article 38 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016[i] a habilité le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à l’adoption du Code de la Commande Publique dans un délai de vingt-quatre mois.

Les mois de pratique des dispositions de l’ordonnance du 23 juillet 2015 et du décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés ont mis en évidence que nombre de dispositions sont encore perfectibles.

La codification des textes relatifs à la commande publique aurait pu être l’occasion d’adapter et clarifier ces dispositions.

Parmi les dispositions comportant d’importantes difficultés d’applications, l’article 17 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relatif à la quasi-régie fait figure d’exemple parfaitement topique.

Le recours à la quasi-régie : les incertitudes de son champ d’application

L’exception de la quasi-régie, dite aussi « In house », qui a été développée par la jurisprudence européenne a été codifiée par la directive européenne 2014/24/UE[ii]. Ainsi que le précise l’exposé des motifs de la directive, cette codification avait vocation à sécuriser la « question de savoir dans quelle mesure les règles sur la passation des marchés publics devraient s’appliquer aux marchés conclus entre entités appartenant au secteur public ». Pourtant, les conditions prévues par les textes pour recourir à cette exception mériteraient encore d’être clarifiées.

Le principe de la quasi-régie

Lorsqu’un pouvoir adjudicateur recourt à une entité juridique distincte qui lui fournit des prestations en matière de services, de fournitures ou de travaux, il n’est tenu par aucune obligation de publicité et de mise en concurrence préalables, dès lors que sont remplies les conditions suivantes :

  1. « Le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services » ;
  2. « La personne morale contrôlée réalise plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ou par d’autres personnes morales qu’il contrôle » ;
  3. « La personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par la loi qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée ».

L’article 17 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 a clarifié certains sujets.

Dans ce sens, les textes précisent désormais l’exigence jurisprudentielle selon laquelle l’entité dédiée devait réaliser « l’essentiel de son activité » avec le pouvoir adjudicateur qui la contrôle[iii], en fixant à 80% la part de cette activité.

L’article 17 définit également le contrôle analogue comme étant l’influence décisive sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée que peut exercer un pouvoir adjudicateur.

Si les deux premiers critères sont donc aujourd’hui relativement balisés par les textes et ne soulèvent pas de difficultés majeures, il en va autrement du troisième critère relatif à la participation directe de capitaux privés.

La participation directe de capitaux privés

Antérieurement à la codification de l’exception de la quasi-régie, la jurisprudence considérait que toute participation d’une entreprise privée dans le capital d’une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur qui la contrôle exclut que ce dernier puisse invoquer le  bénéfice de la quasi-régie[iv].

Cette condition très rigoureuse constituait un obstacle majeur dans bon nombre de projets impliquant une coopération public-privé. En effet, les personnes publiques qui souhaitaient s’associer à une personne privée ne pouvaient pas constituer régulièrement une personne morale distincte en commun avec elle afin que cette dernière lui fournisse des prestations. Naturellement, on pense aux groupements de coopération sanitaire constitués entre des établissements publics de santé et des ESPICS, des laboratoires privés, des cliniques privées, etc.

Désormais, les textes prévoient que l’exception de la quasi-régie peut être appliquée lorsque l’entité contrôlée ne comporte pas de « participation directe de capitaux privés, à l’exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par la loi qui ne permettent pas d’exercer une influence décisive ».

Cette formule soulève de multiples interrogations et en particulier la question de savoir à quoi renvoie la notion de « participation directe de capitaux privés ».

Il faut se demander quel impact peut avoir la notion de caractère « direct » de capitaux privés. Des doutes subsistent également sur la possibilité pour une personne morale de droit privé de participer à l’entité en détenant des parts sans participer au capital.

L’interrogation quant à la place des personnes morales de droit privé qualifiées de pouvoir adjudicateur au sens de l’article 10 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 dans ce schéma de la quasi-régie est également centrale.

Une question en amenant une autre : qu’en est-il de l’entité dans laquelle intervient une personne morale de droit privé qui n’est pas qualifiée de pouvoir adjudicateur mais qui se soumet volontairement aux règles de la commande publique ?

Voici autant de questions qui auraient mérité des réponses, tant le sujet est d’une importance majeure dans le secteur sanitaire et médico-social, où la coopération public-privé est une clé de voute pour le développement de projets d’ampleur nécessitant une étroite coopération entre une multiplicité d’acteurs.

Les limites de l’adoption du Code la commande publique

La livraison du code est annoncée pour l’automne prochain et pourra, à certains égards, décevoir s’il se limite à réaliser un travail de classement de textes et que n’a pas été saisie l’opportunité de préciser les textes pour lesquels une clarification était nécessaire.

Néanmoins, deux obstacles à cela. Le premier tient à ce que les règles applicables en  matière de quasi-régie sont étroitement liées aux règles de l’Union européenne qui a fixé les conditions de recours à cette exception avec sa jurisprudence et les termes de sa codification dans la directive 2017/24/UE. Le gouvernement, et le législateur pourraient donc être tentés d’attendre des positions de la Cour de justice de l’Union européenne avant d’apporter quelconques précisions.

Le second tient à ce que l’habilitation du gouvernement à un périmètre restreint : le législateur a limité l’habilitation du gouvernement à codifier à « droit constant ». S’il peut donc être admis des ajustements des textes applicables, ceux-ci ne pourront être que limités.

Le code de la commande publique ne parait pas être des plus prometteurs, alors espérons que les juges qui seront saisis de la question seront plus audacieux que le législateur…

[i] Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

[ii] Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics

[iii] CJCE, 11 mai 2006, Carbotermo SpA, Aff. C-340/04

[iv] CJUE, Stadt Halle, 11 janvier 2005, Aff. C-26/03 confirmé par CJUE Parking Brixen du 13 octobre 2005, Aff. C-458/03