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J’ai beaucoup écrit sur les groupements de coopération sanitaire (GCS) et sur différentes exégèses incertaines du droit en la matière.

On nous a en effet, ici ou là, affirmé doctement par exemple, qu’une association gestionnaire d’établissements de santé ne pouvait en aucun cas être membre d’un tel groupement, qu’un GCS ne pouvait pas être titulaire d’autorisations d’équipements lourds tels des scanners ou des IRM, que les dispositions du code du travail relatives à la représentation du personnel s’appliquaient automatiquement aux GCS de droit public, que l’exploitation d’un laboratoire ou d’une pharmacie à usage intérieure conduisait obligatoirement à l’érection du GCS en établissement de santé…

Et j’en passe !

Et tout ça, bien évidemment sans le moindre état d’âme quant aux conséquences néfastes sur l’organisation des établissements, la prise en charge médicale de la population ou les finances publiques.

J’aurai pu m’arrêter là.

Cependant, je récidive aujourd’hui.

En effet, on vient de m’affirmer que la participation d’un GCS à un autre GCS serait contraire à l’article L. 6133-2 du code de la santé publique !

Diantre !

Et pourquoi donc ?

En vertu de cet article « Un groupement de coopération sanitaire de moyens peut être constitué par des établissements de santé publics ou privés, des établissements médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, des centres de santé et des pôles de santé, des professionnels médicaux libéraux exerçant à titre individuel ou en société. Il doit comprendre au moins un établissement de santé.

D’autres professionnels de santé ou organismes peuvent participer à ce groupement sur autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé. »

Selon la glose embuée de notre contradicteur, si le premier alinéa ne permet pas l’adhésion d’un GCS à un autre GCS, le second alinéa ne le permettrait pas plus, d’une part, parce que le GCS ne répondrait pas à la définition « d’organismes » au sens de cet article, d’autre part, parce que « participer » ne signifierait pas « adhérer».

Nous ne contestons bien évidemment pas l’interprétation du premier alinéa …sauf bien sûr si le GCS est lui-même établissement de santé. Dans ce cas, le GCS gestionnaire peut parfaitement adhérer à un autre GCS, à l’instar d’une association, d’une SA, d’une SCM voire d’une SEML ou toute autre forme de personne morale gestionnaire d’établissement, la forme juridique de l’exploitant étant indifférente.

Mais que dire de la lecture du deuxième alinéa ?

Il n’existe aucune définition juridique du terme vague « organisme » qui vise, comme chacun sait de manière particulièrement tautologique, « tout ensemble organisé ». Dans ces conditions, on voit mal comment on pourrait refuser cette qualification à un GCS qui est incontestablement une personne morale (de droit public ou de droit privé) soumise à des règles spécifiques d’organisation.

L’interprétation de la locution « peuvent participer » laisse tout aussi pantoise toute personne disposant d’une culture même très basique : participer à un groupement ne peut que signifier « en être membre » En effet, selon même n’importe quel dictionnaire disponible en ligne, participer signifie « prendre part » au fonctionnement, voire « disposer de parts » ce qui, dans les deux cas, impose d’être membre du groupement, d’autant plus que les textes en la matière ont clairement prévu la détermination de droits sociaux et la constitution éventuelle d’un capital.

Dans ces conditions, le deuxième alinéa de l’article L. 6133-2 a pour seul objet de soumettre à l’appréciation du directeur général de l’agence régionale de santé l’adhésion de certains organismes ou professionnels non visés, mais non exclus, par le premier alinéa de cet article, par exemple, des organismes de recherche mais pas uniquement.

Et les seuls éléments qui méritent alors d’être pris en compte, sauf à encourir la censure des juridictions administratives, est l’existence d’une affectio societatis et le respect du principe de spécialité ce qui ne peut que s’apprécier que cas par cas.

Ainsi, un GCS gestionnaire d’équipement lourd est-il parfaitement fondé à adhérer au GCS UNIHA pour acquérir les équipements qui lui sont nécessaires. De même, un GCS établissement de santé est-il parfaitement fondé à adhérer, a fortiori depuis l’obligation absurde de mettre fin aux syndicats interhospitaliers, à un GCS Pharmacie à usage intérieure ou laboratoire ou blanchisserie ou Unité centrale de production alimentaire, etc.

L’interdire pour d’obscures raisons d’interprétation particulièrement rigide du droit, que rien ne justifie, serait aussi absurde que contre-productif.

Dans ces conditions, on ne peut que craindre une éventuelle modification de l’article L. 6133-2 visant à préciser l’étendue des organismes visés au deuxième alinéa de cet article, ce qui remettrait indubitablement en cause de nombreuses coopérations et de nombreux projets en cours indispensables à la satisfaction des besoins de la population.