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SUJET : ETABLISSEMENTS DE SANTE JURIDIQUE PROTECTION SOCIALE CONSEIL CONSTITUTIONNEL CLINIQUE HOPITAL FINANCES RESSOURCES HUMAINES ASSURANCE MALADIE REMUNERATION MEDECINS ACCES AUX SOINS PATIENTS-USAGERS LIBERAUX DGOS CHU-CHR AP-HP AP-HM HCL SYNDICATS

Loi de santé: divergences d’interprétation sur les dépassements d’honoraires pour l’activité libérale à l’hôpital

(Par Vincent GRANIER)

PARIS, 25 mars 2016 (APM) – De sérieuses divergences d’interprétation entourent l’article 99 de la loi de santé sur le fait de savoir si les praticiens hospitaliers peuvent encore pratiquer des dépassements d’honoraires dans le cadre de leur activité libérale.

Si le Conseil constitutionnel a validé l’article 99 de la loi refondant le service public hospitalier (SPH), il a semé le doute à travers la formulation retenue pour rejeter les arguments d’une rupture du principe d’égalité et d’une atteinte à la liberté d’entreprendre au détriment des établissements privés (cf APM VG4O1CJ4P).

L’article 6112-2 du code de la santé publique, modifié par la loi, prévoit désormais que “les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels de santé qui exercent en leur sein garantissent à toute personne qui recourt à leurs services”, notamment “l’absence de facturation” de dépassements des tarifs réglementaires et des honoraires opposables.

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions “ont pour objet de garantir que les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels exerçant en leur sein ne facturent pas aux usagers des dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus par le code de la sécurité sociale”.

Ces dispositions “s’appliquent identiquement à tous les établissements de santé publics ou privés assurant le service public hospitalier et aux professionnels de santé exerçant en leur sein”, a-t-il ajouté.

Or, pour son activité libérale, le PH est amené à recourir aux locaux et au personnel de l’établissement, puisque selon l’article L6154-2 du code de la santé publique, non modifié sur ce point, “elle s’exerce exclusivement au sein des établissements dans lesquels les praticiens ont été nommés ou, dans le cas d’une activité partagée, dans l’établissement où ils exercent la majorité de leur activité publique”.

Pour certains observateurs, comme Jean-Michel Lemoyne de Forges, professeur de droit public à Paris II (Panthéon-Assas), la formulation retenue par le Conseil constitutionnel signerait la fin de l’autorisation des dépassements pour les praticiens hospitaliers dans le cadre de leur exercice libéral, selon les termes de sa tribune publiée le 22 février dans la revue juridique AJDA.

Dans un article intitulé “Les apports non médiatisés de la décision du Conseil constitutionnel” publié début février dans La Semaine juridique, le Pr François Vialla, directeur du Centre européen d’études et de recherche Droit & Santé à l’université de Montpellier et l’avocat Laurent Houdart s’interrogent également sur le sens à donner à cette formulation.

“La disposition interdit-elle au contraire aux établissements [assurant le service public hospitalier] de facturer tous dépassements? Si une telle interprétation prévalait, cela devrait signer la fin du secteur libéral à l’hôpital public”, écrivent-ils.

C’est l’interprétation faite par le juriste Gilles Rivallan, responsable du pôle droit hospitalier au département “protection juridique” du Sou Médical/MACSF, dans un article mis en ligne le 14 mars sur le site internet de l’assureur, estimant que “les praticiens hospitaliers à temps plein exerçant une activité libérale statutaire à l’hôpital ne sont plus autorisés à pratiquer de dépassements d’honoraires”.

LA DGOS SE VEUT RASSURANTE

Sollicitée sur la question par la secrétaire générale de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), Amélie Verdier, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) s’est employée à rassurer les acteurs concernés, dans un courrier daté du 26 février et dont l’APM a eu copie.

“Le Conseil constitutionnel n’a pas été amené à se prononcer sur l’activité libérale à l’hôpital que la loi n’est pas venue remettre en cause, mais sur les seules dispositions relatives au service public hospitalier. Dès lors, l’interprétation tirée tant par la doctrine que par la Fédération de l’hospitalisation privée [FHP] me semble excessive”, écrit le DGOS, Jean Debeaupuis.

“L’activité libérale des praticiens temps plein est considérée comme s’exerçant en dehors de l’établissement, et donc en dehors du service public hospitalier”, fait-il valoir, ce qui paraît toutefois contradictoire avec les termes mêmes de la loi qui précise que l’activité s’exerce “exclusivement” au sein de cet établissement.

“Cette activité ne peut se réaliser qu’à la demande expresse du patient, l’établissement public étant, quant à lui, tenu de lui offrir une alternative sans dépassement d’honoraires. Il ne s’agit donc pas d’une dérogation au principe d’interdiction des dépassements d’honoraires, qui s’applique de manière identique dans tous les établissements de santé publics et privés assurant le service public hospitalier, mais plutôt d’une activité personnelle du praticien, distincte de celle de l’établissement”, argumente le DGOS.

Dominique Larose, juriste au cabinet Houdart et associés, partage l’analyse de la DGOS, tout en restant prudent sur les arguments avancés.

Interrogé jeudi par l’APM, il estime qu’il faut distinguer “l’exercice” du SPH par l’établissement et ses praticiens, de l’activité libérale exercée à titre personnel par les PH concernés, “avec les moyens” du SPH (locaux, personnel).

“L’activité s’exerce avec les moyens de l’établissement, mais pas au sein du service public”, fait-il valoir. Autrement dit, les dépassements sont interdits “dans le cadre du service public”, mais pas dans le cadre de l’activité libérale, exercée dans l’établissement mais ne relevant pas du service public.

Dominique Larose suggère même que le Conseil constitutionnel n’a pas fermé la porte à l’exercice, au sein d’un même établissement privé, d’une activité de SPH avec des médecins ne pratiquant pas de dépassements, et d’une activité “purement lucrative” avec des médecins en facturant.

Il s’appuie sur le considérant selon lequel les dispositions relatives à l’interdiction des dépassements “n’ont pas pour effet d’empêcher les établissements de santé privés d’être habilités à assurer [le SPH] dès lors qu’il leur est loisible de recruter des médecins ne pratiquant pas au sein de leurs établissements des dépassements des tarifs et des honoraires”.

LA RÉNOVATION DE L’ENCADREMENT DE L’ACTIVITÉ LIBÉRALE

Un autre élément permet d’envisager une interprétation moins radicale, à commencer par l’article 138 de la loi, qui révise l’encadrement de l’activité libérale des praticiens à temps plein.

Cet article, inséré dans le texte en première lecture à l’Assemblée nationale à la faveur d’un long amendement de Gérard Sebaoun (PS, Val-d’Oise) et adopté conforme au Sénat par la suite (cf APM VG6NML12F), visait à mettre en oeuvre plusieurs recommandations émises par la conseillère d’Etat Dominique Laurent, dans un rapport sur l’activité libérale à l’hôpital, publié en avril 2013 (cf APM CBQD5002).

En réécrivant les dispositions du chapitre du code de la santé publique traitant de l’activité libérale des praticiens hospitaliers à temps plein, il conforte cette particularité propre à l’hôpital, tout en lui apportant une restriction inédite, en particulier l’obligation du conventionnement avec l’assurance maladie (secteur 1 ou secteur 2).

Si cela met un terme aux dépassements pratiqués par les praticiens qui exerçaient en “secteur 3” (hors convention), l’objectif invoqué était de contraindre les médecins à exercer en secteur 1 ou en secteur 2, où les dépassements sont davantage régulés depuis l’avenant n°8 à la convention médicale de 2011.

Par ailleurs, dans le champ des informations transmises par les caisses aux établissements, la loi a substitué la mention du nombre et de la nature des actes effectués à celle du “volume”, en ajoutant expressément “les dépassements d’honoraires éventuels”, ce qui laisse supposer qu’ils pourront toujours être pratiqués. Ils devraient toutefois être davantage surveillés par les commissions locales et régionales chargées de l’activité libérale.

La facturation des dépassements pourrait alors être précisée dans les décrets d’application de ces dispositions, en particulier celui détaillant le contrat type que le PH autorisé à exercer une activité libérale doit conclure avec l’établissement.

LE SNAM-HP AURAIT OBTENU L’ASSURANCE DU STATU QUO

Joint par l’APM vendredi, le Dr Sadek Béloucif, président Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics (Snam-HP), indique être remonté “au plus haut niveau” de l’Etat pour obtenir des garanties “satisfaisantes” et l'”assurance” que le secteur 2 et le droit à dépassement était maintenu dans le cadre de l’activité libérale des PH.

Il a indiqué à l’APM qu’il n’y avait pas, à sa connaissance, de textes d’application de l’article 138 en cours de préparation.

Interrogé par l’APM vendredi lors d’une rencontre organisée par l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), le directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), Nicolas Revel, a indiqué qu’il n’avait pas connaissance d’une telle difficulté d’interprétation à la suite de la décision du Conseil constitutionnel.

Pour Gilles Rivallan, contacté jeudi par l’APM, il serait souhaitable que la DGOS se prononce ces différents points de manière officielle, par exemple par voie de circulaire, afin d’éclairer les établissements concernés.

vg/ab/APM polsan
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VG7O4FPKO 25/03/2016 17:51 POLSAN – ETABLISSEMENTS

 

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