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Le Conseil d’Etat rejette le recours en annulation de l’Ordonnance PUI formé par le Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires. 

Pour retrouver la décision du Conseil d’Etat, c’est ici.

Pour mémoire, la loi[1] du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures visant à « Simplifier et harmoniser le régime des autorisations des pharmacies à usage intérieur […] tout en facilitant la coopération entre celles-ci »[2].

C’est dans ce cadre que l’Ordonnance n° 2016-1729 du 15 décembre 2016 relative aux pharmacies à usage intérieur (PUI) publiée au Journal officiel du 16 décembre 2016, a été prise.

Cette Ordonnance, entrée en vigueur depuis le 1er juillet 2017, a apporté d’importantes modifications en particulier en matière de coopération. Elle a également apporté des précisions concernant les GHT au sein desquels une organisation commune de l’activité de PUI doit être définie :

  • PUI et coopération :

Depuis le 1er juillet 2017, une PUI peut ainsi exercer ses missions pour son propre compte mais aussi «pour le compte d’une ou plusieurs autres PUI » dès lors que cela intervient dans le cadre de coopérations, (article L. 5126-1 du code de la santé publique) et sous réserve d’une déclaration préalable auprès de l’ARS.

Les GCS gestionnaires d’une PUI, les GCS érigés en établissement de santé et les GCS exploitant d’une ou plusieurs autorisations détenues par ses membres (nouveau dispositif issu de la loi du 26 janvier 2016) peuvent également désigner la PUI de l’un des établissements membres comme la PUI chargées de répondre aux besoins pharmaceutiques des patients pris en charge dans le cadre de la coopération.

  • PUI et GHT :

Enfin, les GHT peuvent :

  • prévoir des modalités de coopération entre les PUI des établissements parties au GHT et avec celles d’établissements non parties au groupement,
  • désigner la PUI de l’un des établissements parties au GHT pour répondre aux besoins pharmaceutiques de l’ensemble des patients pris en charge par les établissements ne disposant pas d’une PUI,
  • confier à un pôle interétablissement ou à la PUI d’un établissement partie au GHT, la coordination entre les PUI des établissements parties au groupement.

Ces dispositions ont considérablement élargies le périmètre d’intervention des PUI et partant, elles ont accru la responsabilité des pharmaciens.

  • Le recours du SNPHPU rejeté par le Conseil d’Etat :

Le Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU) a engagé devant le Conseil d’Etat un recours pour excès de pouvoir contre l’Ordonnance du 15 décembre 2016.

La décision du Conseil d’Etat du 8 novembre 2017 a rejeté la demande du syndicat.

Nous nous sommes intéressés à cette décision qui est venue apportée des précisions importantes :

  • Le Conseil d’Etat considère que le SNPHPU n’est pas fondé à soutenir que les dispositions placent les pharmaciens «dans une situation où ils contreviendraient à leurs obligations » ou les exposent « à voir leur responsabilité engagée pour des activités qu’ils n’auraient pas les moyens de contrôler » puisque dans l’hypothèse où une PUI A assurerait les missions pour le compte d’une PUI B, le pharmacien gérant de la PUI A n’est personnellement responsable que de la part de l’activité pharmaceutique qu’il conserve.
  • Le Conseil d’Etat rejette également l’argument du Syndicat selon lequel l’Ordonnance serait entachée de contradiction en ce qu’elle organiserait, s’agissant des dispositions relatives aux coopérations et au GHT, une mutualisation des missions des PUI contraire au principe d’exercice personnel des fonctions de pharmaciens ou à celui de leur indépendance. Il motive son rejet doublement :
    • les dispositions autorisant la mutualisation de moyens ou la spécialisation d’une ou plusieurs PUI dans le cadre de coopération et de GHT, ne permettent pas la subordination d’un pharmacien gérant à un autre et ne portent pas atteinte à sa responsabilité ou à son autorité technique sur les personnels pour l’activité pharmaceutique lui incombant.
    • si l’organisation retenue conduit à constituer une coopération ou un GHT où les missions de certaines PUI sont accrues, les Directeurs généraux des ARS ne peuvent valider le montage que lorsque ces PUI disposent des moyens nécessaires.

Il ressort de cette décision que l’Ordonnance n’a pas pour objet d’accroitre la responsabilité des pharmaciens dans l’hypothèse où la PUI d’un établissement A assure des missions pour le compte de la PUI d’un établissement B. Le pharmacien gérant de la PUI de l’établissement A ne sera donc responsable que des activités de cette dernière.

En revanche, il est autrement lorsqu’une PUI est désignée pour répondre aux besoins pharmaceutiques des personnes prises en charge par d’autres établissements. Le juge renvoie ici au Directeur Général de l’ARS, la responsabilité de valider le montage et de veiller à l’allocation des moyens nécessaires en cas d’organisation ou de coopération conduisant à augmenter le périmètre des activités d’une PUI.

Aussi, si une PUI doit dans le cadre d’une coopération ou du GHT, prendre en charge les besoins pharmaceutiques de patients d’autres établissements, cela ne peut s’envisager que si le Directeur Général de l’ARS part valide le montage en s’assurant que la PUI chargée de missions nouvelles dispose des moyens nécessaires à son exercice.

La décision du Conseil d’Etat ne répond toutefois pas clairement à un problématique qui se pose en matière de GHT :

D’abord les incidences de la constitution d’un pôle interétablissement en matière de PUI au sein d’un GHT. En effet, en application de l’article R. 6146-9-3 du code de la santé publique, le chef du pôle (qui est nommé parmi les praticiens exerçant dans l’un des établissements parties au GHT, par le directeur de l’établissement support sur proposition du président du collège médical ou de la commission médicale de groupement) se voit confier l’autorité fonctionnelle sur les équipes médicales, soignantes, administratives et d’encadrement du pôle interétablissement, et le soin d’organiser le fonctionnement du pôle et l’affectation des ressources.

Dans le cadre d’un pôle interétablissement, il n’apparait donc pas possible de ne pas organiser une forme de subordination entre les pharmaciens. Faut-il comprendre du silence du juge que l’Ordonnance prévoit une dérogation aux dispositions de l’article R. 6146-9-3 précité en circonscrivant le rôle du pôle et partant de son chef à la simple coordination entre PUI comme le prévoit l’article L. 5126-2 introduit par l’Ordonnance ? Nous ne voyons pas comment en pratique, il peut en être autrement.

Comme nous avions pu l’écrire dans un précédent article, l’Ordonnance du 15 décembre 2016 a permis de débloquer de nombreuses situations de coopération où il était utile et nécessaire de recourir à la PUI d’un des partenaires pour répondre aux besoins pharmaceutiques de l’ensemble des établissements de santé participant à la coopération.

Nous reprendrons ici l’exemple de deux établissements de santé qui décident de regrouper l’une de leur spécialité sur le site de l’un d’entre eux. Il est cohérent d’un point de vue logistique et économique que la PUI de l’établissement accueillant cette spécialité réponde aux besoins pharmaceutiques.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir des avancées textuelles introduites par l’Ordonnance pour ces situations.

Pour autant, l’inquiétude du SNPHPU est également légitime car les dispositions de l’Ordonnance bouleversent les organisations connues jusqu’ici en confiant dans le cadre de coopération ou des GHT, aux pharmaciens un rôle et partant une responsabilité bien plus grande qui dépassent le seul giron de leur établissement.

Les établissements n’ont d’autres choix que de repenser le circuit du médicament mais aussi et surtout de formaliser une organisation inter-PUI voire une organisation inter-établissements où certains ne disposent pas de PUI en propre, en indiquant clairement les missions de chacun :

quelles sont les missions de chaque PUI ?

qui engage sa responsabilité ?

quels sont les moyens alloués ?

dans le respect des principes rappelés par le Conseil d’Etat et défendus par le SNPUPH à savoir l’exercice personnel des fonctions de pharmaciens et leur indépendance.

On retiendra également le rôle essentiel des Directeurs Généraux des ARS qui ont a la charge d’approuver les organisations arrêtées.

[1] Loi n° 2016-41

[2] Article 204 de la loi

Me Laurine Jeune, avocate associée, a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en janvier 2011.

Elle conseille et accompagne depuis plus de douze ans les acteurs du secteur de la santé et du médico-social, publics comme privés, dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités :

- Coopération (GCS de moyens, GCS exploitant, GCS érigé en établissement, GCSMS, GCSMS exploitant, GIE, GIP, convention de coopération, co-construction,…etc.)
- Transfert partiel ou total d’activité (reprise d’activités entre établissements (privés vers public, public vers privé, privé/privé, public/public),
- Fusion (fusion d’association, fusion entre établissements),
- Délégation et mandat de gestion,
- GHT, etc.

Me Laurine Jeune intervient également en qualité de conseil juridique auprès des acteurs privés en matière de création et de fonctionnement de leurs structures (droit des associations, droit des fondations, droit des sociétés).

Enfin, elle intervient sur des problématiques juridiques spécifiquement liés à :

- la biologie médicale,
- la pharmacie hospitalière,
- l’imagerie médicale,
- aux activités logistiques (blanchisserie, restauration),
- ou encore à la recherche médicale.