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Le Conseil d’Etat a, dans son arrêt du 22 février 2018[1], procédé à un revirement de sa jurisprudence en assimilant désormais le refus d’un praticien contractuel de se porter candidat à un poste de titulaire ouvert dans l’établissement à un refus de conclure un contrat à durée indéterminée conduisant ainsi à la perte de l’indemnité de précarité.

L’article R.6152-418 du code de la santé publique prévoit que les praticiens hospitaliers contractuels tirent leur droit au bénéfice de l’indemnité de précarité des dispositions de l’article L.1243-8 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés de droit privé.

Cet article L.1243-8 dispose que « lorsque, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation ».

Le code du travail prévoit également que cette indemnité de précarité n’est pas due notamment lorsque « le salarié refuse d’accepter la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente »[2].

Aux termes de son arrêt du 22 février 2018, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur la question de savoir si le refus opposé par un praticien contractuel de candidater à un poste permanent ouvert au sein de l’établissement qui l’embauche peut conduire ce dernier à refuser de faire droit au versement de son indemnité de précarité.

Cette question n’est pas nouvelle et le juge administratif y a déjà répondu par la négative.

En effet, par un arrêt du 27 mars 2009, le Conseil d’Etat avait considéré que, pour refuser d’allouer à un praticien contractuel l’indemnité de précarité, l’établissement de santé ne pouvait pas « utilement invoquer la circonstance que l’intéressé ne se serait pas porté candidat sur le poste de praticien hospitalier déclaré vacant »[3].

Cette solution, confirmée à de nombreuses reprises, s’expliquait par le fait que le juge administratif considérait que l’ouverture d’un poste permanent « ne saurait être assimilée à une offre de contrat à durée indéterminée au sens des dispositions précitées, eu égard notamment au caractère national et à l’absence de garantie de recrutement qu’elle présentait pour l’intéressée »[4].

Il en résultait que dès lors que le praticien n’était pas garanti de bénéficier du statut de praticien hospitalier titulaire, l’ouverture d’un tel poste ne pouvait être assimilée à une offre de contrat à durée indéterminée.

Cette analyse est, d’un premier abord, peu discutable dans la mesure où le fait pour un établissement de déclarer un poste vacant en son sein n’ouvre pas automatiquement droit pour le praticien contractuel à l’occuper. Il existe effectivement toujours une incertitude pour le praticien de se voir attribuer le poste.

De plus, le praticien contractuel ne peut occuper un poste de titulaire qu’à la condition d’avoir été admis au concours national de praticien des établissements publics de santé prévu à l’article R.6152-301 du code de la santé publique.

Pour autant, en refusant de candidater à un poste de titulaire présentant des « responsabilités et conditions de travails »[5] identiques ou similaires à celles que présentait le poste de contractuel et une rémunération au moins équivalente, le praticien s’est lui-même privé d’une chance de pouvoir occuper ledit emploi permanent.

Le revirement de jurisprudence opéré par le Conseil d‘Etat tend à prendre en considération ce choix laissé au praticien d’obtenir ou non un poste de titulaire au sein de l’établissement.

Il considère désormais que « lorsque l’établissement a déclaré vacant un emploi de praticien hospitalier relevant de la spécialité du praticien contractuel, un refus de ce dernier de présenter sa candidature sur cet emploi, alors qu’il a été déclaré admis au concours national (…), doit être assimilé au refus d’une proposition de contrat à durée indéterminée au sens du 3° de l’article L.1243-10 du code du travail » le privant ainsi de son droit à percevoir l’indemnité de précarité.

En résumé et pour conclure, les praticiens contractuels pourront désormais bénéficier de l’indemnité précarité dans deux cas :

  • si, suite à leur candidature, ils n’ont pu être titularisés ;
  • si l’établissement ne leur a proposé aucun poste à l’issue de leur contrat à durée déterminée.

Si cette nouvelle décision tend à unifier le régime applicable aux praticiens contractuels et aux salariés de droit privé, des contentieux pourraient naître concernant l’appréciation de la notion d’emploi identique ou similaire évoquée par le Conseil d’Etat.

[1] CE, 22 février 2018, n°409251

[2] Article L.1243-10 du code du travail

[3] CE, 27 mars 2009, n°291406, inédit au recueil Lebon

[4] CAA Paris, 23 mai 2016, n°14PA02723 ; CAA Bordeaux, 24 janvier 2017, 15BX00642

[5] CE, 22 février 2018, n°409251

Caroline DUFOURT a intégré, en qualité d’avocat, le pôle social du Cabinet HOUDART et Associés en septembre 2017.

Disposant de compétences en droit de la fonction publique et en droit social, elle représentant les établissements publics et privés de santé aussi bien devant les juridictions administratives, prud’homales que disciplinaires.

Elle conseille également ces établissements dans la gestion de la carrière de leur personnel médical et non médical ainsi que dans la mise en œuvre de projets stratégiques (transfert d’activité, fusion, suppression d’un service).