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Le juge administratif peut-il moduler le montant de l’astreinte prononcée à l’encontre de l’État ?

 

La Conseil Constitutionnel répond par l’affirmative, aux termes de sa décision n° 2014-455 QPC du 6 mars 2015 (publiée au JO du 8 mars 2015).

 

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel devait définir si les dispositions de l’article L.911-8 du code de justice administrative (CJA) sont conformes à la constitution (« La juridiction peut décider qu’une part de l’astreinte ne sera pas versée au requérant. Cette part est affectée au budget de l’Etat »)

 

Pour le requérant, cette disposition méconnaissait le droit à l’exécution des décisions de justice qui est une composante du droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

 

Le Conseil rappelle tout d’abord que « l’astreinte est une mesure comminatoire qui a pour objet de contraindre son débiteur à exécuter une décision juridictionnelle ». Il rappelle ensuite le cadre dans lequel elle s’inscrit :

 

– En vertu de l’article L.911-3 CJA, l’astreinte peut être prononcée dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties ;

 

– En vertu des articles L.911-4 et L.911-5 CJA, elle peut être prononcée ultérieurement en cas d’inexécution de la décision. Dans cette seconde hypothèse, l’astreinte a par principe un caractère provisoire, sauf à ce que la juridiction n’ait précisé son caractère définitif (article L.911-6 CJA). La liquidation de l’astreinte intervient sur la base de l’article L.911-7 CJA, en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive de la décision.

 

Toutefois, le Conseil rappelle que « lors de la liquidation, il est loisible à la juridiction de modérer ou de supprimer l’astreinte prononcée à titre provisoire, même en cas d’inexécution de la décision ». La modulation d’une astreinte prononcée à titre définitif n’est possible que si l’inexécution de de la décision provient d’un cas fortuit ou de force majeure.

 

L’article L.911-8 CJA précise les pouvoirs de modulation de la juridiction : il peut être décidée qu’une fraction de l’astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant mais sera affectée au budget de l’Etat. Selon une jurisprudence constante, cette exception ne s’applique pas lorsque l’Etat est débiteur de l’astreinte décidée par une juridiction.

 

« Considérant que, d’une part, lorsque la juridiction décide de prononcer, à titre provisoire ou définitif, une astreinte à l’égard de l’Etat, les articles L. 911-3 et suivants du code de justice administrative lui permettent de fixer librement le taux de celle-ci afin qu’il soit de nature à assurer l’exécution de la décision juridictionnelle inexécutée; que, d’autre part, la faculté ouverte à la juridiction, par les dispositions contestées, de réduire le montant de l’astreinte effectivement mise à la charge de l’Etat s’exerce postérieurement à la liquidation de l’astreinte et relève du seul pouvoir d’appréciation du juge aux mêmes fins d’assurer l’exécution de la décision juridictionnelle ; que le respect des exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 est garanti par le pouvoir d’appréciation ainsi reconnu au juge depuis le prononcé de l’astreinte jusqu’à son versement postérieur à la liquidation ; qu’au surplus, la responsabilité de l’Etat peut, le cas échéant, être mise en cause en réparation du préjudice qui résulterait de l’exécution tardive d’une décision de justice ; que le grief tiré de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doit donc être écarté ;

 

Considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution »