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Un arrêt du Conseil d’Etat N° 359389 du 26 septembre 2012 apporte plusieurs éclairages intéressants sur la définition des marchés publics et les obligations du pouvoirs adjudicateur en matière d’information appropriée des candidats sur les critères de sélection et leur mise en oeuvre.

Au cas d’espèce, il s’agissait d’un marché passé en procédure adaptée par la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine pour l’intervention des huissiers de justice en vue du recouvrement amiable des créances, amendes, condamnations pécuniaires et produits locaux.

Le Conseil d’Etat précise tout d’abord que le contrat envisagé est bel et bien un marché alors même que le prix n’est pas supporté par le pouvoir adjudicateur, considérant que ce contrat "a pour objet de confier à des huissiers de justice ou à des structures d’huissier de justice, sur le fondement des dispositions précitées de l’article 128 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, le soin de procéder, à la demande de comptables du Trésor public, au recouvrement amiable de créances ou de condamnations pécuniaires préalablement à la mise en oeuvre de toute procédure coercitive ; qu’alors même que le contrat envisagé ne se traduit par aucune dépense directe de l’Etat et que le cocontractant de l’administration est rémunéré non par l’Etat mais par le versement de frais de recouvrement mis à la charge du débiteur ou du condamné par les dispositions du deuxième alinéa du I de l’article 128 de la loi du 30 décembre 2004, ce contrat a pour objet l’exécution d’une prestation de service pour le compte de l’Etat avec une contrepartie économique constituée par un prix ; que, par suite, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le contrat litigieux entrait dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article  L. 551-1 du code de justice administrative". Une nouvelle pierre dans le jardin de ceux qui cherchent des solutions permettant d’échapper aux obligations en matière de marchés publics dans lesquelles il n’y aurait pas de prix…

En ce qui concerne l’information des candidats, le Conseil d’Etat rappelle une nouvelle fois que  les critères de choix des offres doivent toujours être portés à la connaissance des candidats,même en MAPA, et doivent, pour le moins, être hiérarchisés :

"Considérant que, pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire, dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, l’information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu’il appartient au pouvoir adjudicateur d’indiquer les critères d’attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l’objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces soumises au juge du référé précontractuel que l’article 8 du règlement de la consultation du marché tenu à la disposition des candidats prévoit que : " (…) Les offres seront classées suivant les critères suivants : / 1) engagement et justification de l’huissier ou de la structure à respecter les dispositions des cahiers des charges en matière d’échanges dématérialisés ; / 2) dimensionnement de l’étude (nombre de collaborateurs dédiés au recouvrement des créances prises en charge par les comptables de la DGFIP, nombre de donneurs d’ordre pour lesquels l’étude travaille déjà, plages horaires de réception des appels en provenance des services de la DGFIP, capacité maximale de traitement par mois (en nombre d’actes ou titres) ; 3) moyens techniques dont dispose l’huissier ou la structure à la réalisation de la phase comminatoire (envois de courriers, messages, relances téléphoniques, déplacement…) / 4) fréquence et stratégie d’utilisation des moyens techniques pour le traitement d’un dossier donné (nombre rythme et nature des relances…) " ;

8. Considérant que le pouvoir adjudicateur ayant souhaité, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés, retenir d’autres critères que celui du prix, l’information appropriée des candidats à l’attribution de ce marché public devait également porter non seulement sur les critères de sélection des offres mais également sur les conditions de leur mise en oeuvre ; que s’il est loisible au pouvoir adjudicateur, lorsqu’il passe un marché selon une procédure adaptée en application de l’article 28 du code des marchés publics, de pondérer ou de hiérarchiser les critères de sélection qu’il retient, y compris en leur attribuant une égale importance, il est tenu d’informer les candidats de son choix de mise en oeuvre des critères de sélection ; que, par suite, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de
Cergy-Pontoise n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que le pouvoir adjudicateur avait manqué à son obligation d’indiquer avec une précision suffisante l’importance respective des critères d’attribution de ce marché, dès lors que ces critères avaient été énumérés sans aucune indication quant à leur pondération ou à leur hiérarchisation ;

9. Considérant qu’il ressort du règlement de consultation précité soumis au juge du référé précontractuel que les quatre critères d’attribution du marché sont numérotés sans autres précisions ; que devant le juge du référé, le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine soutenait que ces critères étaient hiérarchisés par ordre d’importance ; qu’en estimant que ce règlement de consultation ne pouvait être regardé comme ayant énoncé clairement que les critères étaient hiérarchisés par ordre décroissant et qu’ainsi, le pouvoir adjudicateur n’avait pas apporté aux candidats une information appropriée sur les conditions de mise en oeuvre des critères d’attribution de ce marché, le juge du référé précontractuel s’est livré à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;"

Le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion d’affirmer à de nombreuses reprises ce principe selon lequel pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire, dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, l’information appropriée des candidats doit alors porter également sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu’il appartient au pouvoir adjudicateur d’indiquer les critères d’attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l’objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné (…). (CE, 30 janvier 2009, n° 290236, Agence nationale pour l’emploi).