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Le rapport de la fin de la mission « GHT » est enfin sorti. A J – 3 mois ½ de la mise en place effective des GHT, ce rapport nous livre des « préconisations » éclairantes sur les orientations souhaitées dans le déploiement des GHT.

Rappelant à juste titre – ou à ceux qui ne l’auraient pas encore compris – que « la mise en œuvre des GHT est probablement l’une des réformes les plus restructurantes de la loi de santé », le rapport établit des préconisations destinées plus particulièrement aux textes d’application (projets de décret et d’ordonnance).

La nécessité de préciser les modalités juridiques du déploiement des GHT serait-elle enfin prise en considération ?

A la lecture du rapport, nous ne pouvons que constater qu’il n’en est rien.

Les propos introductifs indiquent même très clairement que « Proposer un cadre juridique ne peut suffire. Il faut pouvoir donner les moyens aux établissements de le mettre en œuvre. Cela passe par un outillage non opposable ».

Etrange paradoxe que d’établir des préconisations pour que les futures dispositions d’application ajustent le cadre juridique des GHT tout en annonçant d’emblée que le « juridique » n’est pas suffisant.

Doter les établissements d’outils opérationnels est bien évidemment indispensable et le droit n’apportera pas en soi une réponse à toutes les questions. Pour autant, le droit ne peut être considéré comme une variable d’ajustement lorsque le dispositif législatif et réglementaire est particulièrement contraint et que son non-respect ou sa non-adaptation peut conduire à des écueils financiers lourds. On pense ici à la fiscalité ou au droit de la commande publique pour ne citer que ces exemples.

Cela est particulièrement flagrant s’agissant des activités médico-techniques.

Pour mémoire, la loi vise une organisation commune des activités de biologie médicale et d’imagerie diagnostique et interventionnelle.

Mais les pharmacies à usage intérieur (PUI) seront également concernées par cette « organisation commune » ainsi que l’annonçait le projet d’ordonnance visant à simplifier et harmoniser le régime des autorisations des PUI. Le rapport de fin de la mission de GHT vient confirmer cet aspect.

 

LA PUI

Plutôt qu’une PUI unique, le rapport préconise la désignation d’une PUI de territoire reposant sur un mécanisme de sous-traitance sans qu’il ne soit nécessaire de recourir à une tierce personne morale (comprenons ici un GCS de moyens gestionnaire d’une PUI commune). La PUI de l’un des établissements parties au GHT constituera la PUI de territoire ; nous comprenons que les PUI des autres établissements seraient donc maintenues mais qu’elles sous-traiteront des/leurs activités auprès de la PUI de territoire.

On relèvera que si le rapport propose que la PUI de l’établissement support puisse être la PUI commune du GHT, le projet d’ordonnance visant les PUI impose quant à lui que la PUI de l’établissement support soit désignée PUI de territoire. 

L’ordonnance tiendra-t-elle compte de la souplesse proposée par le rapport en laissant le soin aux établissements de désigner l’établissement dont la PUI sera la PUI de territoire?

Il est permis d’en douter compte-tenu de la logique des GHT et du rôle majeur de l’établissement support.

Sur les missions, on peut là encore souligner une certaine discordance entre le rapport et le projet d’ordonnance. Là où le rapport privilégie à juste titre la mutualisation de certaines missions comme les « fonctions back office des PUI » (approvisionnement notamment) afin de concentrer les pharmaciens sur les activités de pharmacie clinique », le projet d’ordonnance attribue à la PUI de territoire l’organisation de la prise en charge médicamenteuse des patients ou encore la coordination des relations entre les PUI des établissements parties (mais aussi des PUI des établissements partenaires lorsque cela se justifie !).

En tout état de cause, rien n’est précisé sur les modalités pratiques et leur cadre juridique. La voie conventionnelle est retenue, certes mais qu’en sera-t-il des achats (groupement de commandes, centrale d’achats…etc.) ? Les coûts seront-ils partagés ou, comme l’induit la sous-traitance, s’agira-t-il d’une revente de médicaments et de dispositifs médicaux ? Quid de la TVA ? Les PUI qui ne seront pas des PUI de territoire continueront-elles d’assurer la dispensation des médicaments ? Qui est responsable ? Quelles seront les conséquences sur les pharmaciens-gérants ? Qui gère la comptabilité matière ?

Le Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers (SNPHPU) dont les représentants ont été reçus dernièrement par la DGOS pour faire part de leurs observations sur le projet d’ordonnance PUI, dénonce également cette absence de précision et partant de sécurité juridique. Tout en mettant en avant « la légitimité d’une coopération entre PUI au sein d’un territoire aux dimensions raisonnables », le Syndicat menace de saisir le Conseil d’Etat si aucune précision n’est apportée ou si des dispositions viendraient « priver les pharmaciens chargés de la gérance d’une PUI de leurs responsabilités et de leurs obligations ».

Quelles réponses apportera la version modifiée du projet d’ordonnance PUI qui annoncée pour les prochaines semaines ?

 

La biologie médicale 

Le rapport n’apporte rien de nouveau par rapport au projet de décret que nous avons eu l’occasion d’analyser dans un précédent article.

Il créé cependant une confusion en ce qu’il préconise d’une part la constitution d’un laboratoire commun dans un cadre conventionnel et indique d’autre part que le laboratoire de biologie médicale d’un établissement peut être le laboratoire commun du GHT :

s’agit-il de créer un laboratoire commun c’est-à-dire co-géré par les établissements ou bien est-ce le laboratoire d’un des établissements parties au GHT qui assurera l’activité de biologie médicale pour tous les établissements du GHT ?

Les incidences ne sont en effet pas les mêmes en terme d’achats, de partage des coûts, de responsabilités, d’accréditation COFRAC…mais surtout de marchés publics (possibilité de ne pas appliquer le code des marchés publics).

Dans la première hypothèse, il s’agit d’une coopération. Nous avons déjà eu l’occasion d’expertiser et d’accompagner la mise en œuvre d’un laboratoire commun dans un cadre conventionnel. Des prérequis sont exigés en particulier une co-décision, un partage des coûts, une mutualisation des moyens afin de sécuriser le montage.

La seconde hypothèse répond à la définition de la prestation de service ce qui impose l’application du code des marchés publics dès lors que les examens de biologie médicale sont réalisés au bénéfice d’une pouvoir adjudicateur et cela même si le laboratoire « prestataire » est lui-même un pouvoir adjudicateur. En l’état, nous voyons donc mal l’intérêt de cette hypothèse.

Quoi qu’il en soit, des précisions quant au cadre juridique s’avèrent indispensables notamment pour sécuriser le montage et se prémunir de toute remise en cause contentieuse.

 

L’imagerie médicale

Sur cette thématique, le rapport est riche en informations.

Nous comprenons que l’organisation attendue est un regroupement des équipements, des plateaux techniques et des équipes des établissements publics de santé parties au GHT. Le fonctionnement sera basé sur l’interprétation à distance (télémédecine) par un médecin radiologue public.

L’objectif poursuivi – et on le comprend aisément – est de partager les ressources médicales publiques qui en matière d’imagerie médicale souffrent de sous-effectif voire de pénurie dans certains territoires.

Dans le schéma envisagé, un praticien public interprétera l’image à distance. On postule que les manipulateurs radio réaliseront donc les actes techniques.

La mise en place d’un pôle inter-établissements est préconisée. Nonobstant les incidences d’un pôle inter-établissements tel que prévu par le projet de décret et que nous avons eu l’occasion d’aborder dans notre précédent article, doit-on postuler que chaque établissement garderait son service d’imagerie en propre et partant qu’il s’agira d’organiser une co-exploitation ?

Il est permis d’en douter à la lecture de l’orientation n° 12 du rapport qui distingue une rémunération pour l’établissement requérant (celui qui accueille le patient) et pour l’établissement requis.

De surcroît, l’organisation d’une co-exploitation impose pour les équipements soumis à autorisations tels que les scanner et les IRM la constitution d’une structure de coopération titulaire desdites autorisations. Or, la voie de coopération structurelle est souvent écartée en matière de GHT.

Juridiquement, il s’agirait donc plutôt d’une prestation de services où l’établissement exploitant prendrait en charge les patients des autres établissements du GHT avec les effectifs de chacun. Là encore, la soumission au code des marchés publics est inévitable en l’état des textes.

Et surtout, quelles seront les conséquences sur les coopérations déjà existantes avec des cabinets de radiologues libéraux et qu’on sait nombreuses ? Nombre d’établissements publics de santé ont en effet déjà formalisé des coopérations avec des professionnels libéraux avec notamment la constitution de groupements (GIE ou GCS) titulaires d’autorisations d’équipements matériels.

Le rapport précise sur ce point qu’il n’y a bien évidemment pas d’incompatibilité. Il rappelle même que la loi de modernisation de notre système  de santé a introduit un article 113 qui « facilite d’ailleurs ces convergences par une rénovation du dispositif des plateaux mutualisés d’imagerie médicale ».

Pour autant, selon cet article 113, ces coopérations public/libéraux ne sauraient se justifier que si l’organisation commune telle que prévue pour les GHT « ne permet pas de répondre aux besoins de santé du territoire » ou « n’a pas été constituée dans le délai fixée par la convention ».

Le rapport précise d’ailleurs que ces coopérations public/libéraux doivent rester secondaires.

En somme, le système actuel des coopérations public/libéraux devient le système subsidiaire au système d’une organisation public/public qui devient le principe mais dont on saisit difficilement le fonctionnement juridique et financier.

Faudra-t-il casser les coopérations existantes avec les radiologues libéraux pour procéder au regroupement des équipements et respecter le nouveau principe d’une organisation entre établissements publics de santé ?  Nous voyons très mal comment cela est réalisable d’autant que, comme nous l’avons rappelé, la plupart des coopérations formalisées avec les radiologues libéraux repose sur un partage d’autorisation attribuée à un groupement.  Mettre un terme à un GCS ou à un GIE peut-être complexe et il ne sera pas possible de dessaisir ainsi les praticiens libéraux.

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Au-delà de préconisations fixant de grandes orientations opérationnelles qui ont certes un intérêt notable, il est impératif que soient rapidement clarifiées les modalités juridiques de mise en œuvre des GHT après une analyse systémique comme l’exigent les restructurations. D’autant plus que les GHT constituent, comme le rappelle le rapport, « l’une des réformes les plus restructurantes ».