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Par lettre de mission du 10 novembre 2015, le Ministère des Affaires Sociales et Sanitaires a chargé Monsieur Olivier VERAN, médecin hospitalier et député de l’Isère, de conduire une réflexion sur l’évolution du mode de financement des établissements de santé.

Le rapport d’étape qui vient d’être remis, s’attache à dresser un bilan de la T2A près de dix ans après sa mise en place, pour les établissements de santé publics et privés, dans le secteur de la médecine, chirurgie, obstétrique et odontologique (MCOO).

Bien que la tarification à l’activité ait le mérite d’avoir institué un mode de financement unique pour les établissements de santé publics et privés, ce rapport met en évidence les effets pervers de la T2A ainsi que son caractère inapproprié pour la facturation de certaines activités.

On rappellera que le financement des établissements de santé repose aujourd’hui sur un système mixte, basé sur la distribution des ressources en fonction du volume et de la nature des activités.

Certaines activités sont financées sur la base d’un tarif de prestation d’hospitalisation par séjour (tarifs nationaux). D’autres sont financés par des tarifs de prestation, quel que soit le volume d’activité.

Ce système de financement a pour but d’inciter les établissements de santé à mesurer leur activité et à adapter leurs dépenses, les ressources de l’établissement étant calculées à partir d’une mesure de l’activité réelle. La logique de dépense qui prévalait jusque-là a donc cédé sa place à une logique de résultat…

L’on comprend aisément les effets pervers et opportunistes d’une telle logique que ce rapport s’attache à relever.

La recherche d’une efficience financière a inévitablement influé les pratiques de facturation des établissements de santé (manipulation des règles de codage et des niveaux de sévérité, renvois prématurés de patients au risque de voir se multiplier les réadmissions).

Certaines activités telles que la prévention, l’éducation thérapeutique, les consultations infirmières ou pluridisciplinaires ou les activités dites non standardisées ne sont pas valorisées car ce mode de financement ne tient pas compte du temps médical et paramédical consacré aux patients. La T2A peine également à rendre compte de l’activité médicale lors de la prise en charge de maladies chroniques, des urgences ou des soins palliatifs.

De même, le corps médical met en évidence que la réduction de la durée des séjours a pour conséquence une évolution du nombre de réadmissions de patients, bien que le rapport tende à minimiser l’impact de la T2A sur ces taux.

Fréquemment, le corps médical se fait également l’écho de pratiques abusives des médecins contrôleurs (remise en cause des pratiques professionnelles et des modalités de prise en charge décidées par les cliniciens, incompatibilité de leur position avec les objectifs de qualité et de sécurité des soins qui pèsent sur les professionnels de santé, pressions administratives excessives).

Finalement, tous les acteurs s’accordent à penser que tant la crainte d’effets inflationnistes que les effets pervers de la T2A imposent aujourd’hui de faire évoluer le mode de financement des établissements de santé.

Une quinzaine de propositions ont donc été effectuées à cette fin :

– Mettre en place  une dotation modulée à l’activité pour les hôpitaux et le SSR de proximité ;

– Instaurer un financement par dotation modulée à l’activité pour les unités de soins critiques ;

– Supprimer les bornes basses et hautes pour les soins palliatifs et instaurer une dotation modulée à l’activité pour les équipes mobiles de soins palliatives ;

– Accompagner la modernisation du financement des SSR avec une dotation modulée à l’activité ;

– Faire évoluer le financement des urgences pour développer des liens avec les centres de soins programmés ;

– Adapter la T2A à la nécessité de coopération entre acteurs (en particulier dans le cadre du projet médical partagé des GHT) ;

– Introduire une modulation de financement à la qualité  de façon à prendre en compte la satisfaction des usagers, celles des personnels et le recueil d’indicateurs de résultats ;

– Réécrire la circulaire « frontière », en redéfinissant le contenu de prises en charge en hospitalisation de jour pour sortir de contentieux stériles ;

– Instaurer un tarif intermédiaire pour les consultations longues et pluri-professionnelles ;

– Lancer une réflexion sur la définition des forfaits pour les prises en charge de pathologies chroniques médicales afin de prendre en compte l’ensemble des coûts de prise en charge.

– Ramener de la sérénité dans les contrôles T2A en définissant des règles homogènes et en créant une instance d’arbitrage impartiale.

Au-delà de cette présentation générale du rapport, il nous est apparu nécessaire de nous intéresser de plus près aux propositions susceptibles d’avoir un impact dans le cadre des contentieux liés à la tarification et à la facturation, à savoir les actes visés par la circulaire « frontière » et les transports SMUR.

En liminaire, il nous parait tout à fait regrettable que des avocats n’aient pas été conviés à la concertation, alors même qu’ils sont les témoins privilégiés, depuis l’instauration de la T2A, de la multiplication des contentieux de tarification dans un contexte de flou voire d’hérésie juridique dans lequel les hôpitaux apparaissent très souvent victimes. Le rapport pointe ainsi les difficultés rencontrées par les établissements dans le cadre des contrôles d’activité et admet aisément le risque financier pesant sur les établissements de santé à l’issue d’un contrôle d’activité. De surcroît, la pratique contentieuse permet de nourrir la réflexion sur l’évolution du financement des établissements de santé et … la rédaction des textes.

C’est pourquoi, il était de notre devoir de vous faire part de notre expérience.

La circulaire « frontière »

Nous avons pu constater à de nombreuses reprises les difficultés relatées dans le rapport relatives à l’interprétation et l’application de la circulaire frontière, à l’application hétérogène des règles et critères de contrôle par les médecins contrôleurs, la partialité de l’UCR, la complexité et la technicité des règles de codage, difficultés qui constituent, de fait, des facteurs de risques financiers.

Force est de reconnaitre que la circulaire frontière et son interprétation ont inévitablement des conséquences sur les stratégies thérapeutiques. Les médecins contrôleurs contestent ainsi de manière systématique la facturation des hospitalisations de jour au motif que les actes peuvent être réalisés dans le cadre de consultations externes, quand bien même les établissements sont en mesure de justifier de la réunion des conditions réglementaires de facturation par les éléments des dossiers patients.

Les médecins contrôleurs font de surcroît une application particulièrement restrictive de la circulaire frontière, en limitant les situations dans lesquelles la facturation d’un séjour serait justifiée, bien que les exemples fournis dans la circulaire n’aient pas vocation à être exhaustifs et qu’une définition exhaustive serait en tout état de cause inappropriée.

Ainsi que le souligne le rapport « la production d’une liste exhaustive des situations cliniques autorisant la facturation d’un GHS n’est ni souhaitable ni envisageable ». Elle ne peut en effet refléter la réalité et la variabilité des situations médicales rencontrées par les équipes médicales, paramédicales et soignantes.  

Ainsi que le soulignent très souvent les médecins DIM avec lesquels nous travaillons, le choix d’une hospitalisation est très souvent dictée par l’existence d’un risque particulier et nécessitant une surveillance particulière, par des impératifs de santé publique, par des modalités de prise en charge spécifiques du patient ou des risques attachés à la réalisation d’un acte (exemple, lors de la réalisation d’actes de sismothérapie sous anesthésie générale ; lors des prises en charge des maladies chroniques telles le diabète ou d’une manière générale, lorsqu’il s’agit de prévenir des réadmissions qui seraient liées à une sortie trop précoce des patients).

Par conséquent, il n’appartient ni aux médecins contrôleurs ni au Ministère de définir des situations précises autorisant la facturation d’un GHS, cette décision appartenant inévitablement aux médecins en charge du patient, en toute indépendance, à charge pour eux de tracer les éléments relatifs à la prise en charge dans le dossier patient. Et ce d’autant plus qu’ils engagent leur responsabilité, voire celle de l’établissement public qui les emploie.

Face aux difficultés recensées, la proposition de création d’une instance d’arbitrage des contentieux ne peut être que saluée. Elle pourrait permettre d’améliorer la transparence et la lisibilité des critères de contrôle, sous réserve bien évidemment que le recours à cette instance ne soit pas contingenté et que les conditions de saisine ne soient pas admises de manière aussi restrictive que celle de l’ATIH !

Les transports SMUR

Nul n’ignore le contentieux qui pèse actuellement sur les CHU et les Centres Hospitaliers gestionnaires de SMUR au sujet de la facturation des transports SMUR secondaires assurés par le SMUR.

Une « littérature abondante » mais néanmoins très critiquable tend à considérer que tous les frais relatifs à des transports secondaires assurés par le SMUR seraient de manière systématique couverts par la dotation MIG de l’établissement gestionnaire. Or, dans les contentieux en cours, il a parfois été mis en évidence que le financement des transports secondaires assurés par le SMUR ne prend pas en considération la nature du transport, alors même que les juges ont rappelé que l’intervention du SMUR ne fait plus présumer l’urgence. Des médecins régulateurs ont ainsi pu mettre en évidence que l’intervention du SMUR était parfois sollicitée pour assurer des transports dits médicalisés, alors même que l’état du patient était stabilisé. Dans cette hypothèse, et en l’absence d’urgence vitale, nous devons considérer que la dotation MIG n’a pas vocation à couvrir les frais de ces transports.

Or, le rapport apporte également un éclairage intéressant sur les modalités de valorisation des transports SMUR par la dotation MIG. Il confirme l’absence de corrélation entre le montant des dotations versées aux établissements et le volume de transports assurés par l’établissement gestionnaire, les SMUR étant financés de la même façon d’un établissement à un autre, peu important le nombre de lignes de garde SMUR et donc sans tenir compte des coûts réels de fonctionnement des établissements.

La détermination de coûts moyens suggéré par le rapport ne nous parait pas pertinente dès lors qu’elle ne reflète ni l’activité réelle de l’établissement ni la nature des missions exercées dans les faits par le SMUR.