Scroll Top
Partager l'article



*




"La morale ne défend pas de faire des expériences sur son prochain ni sur soi-même; dans la pratique de la vie, les hommes ne font que faire des expériences les uns sur les autres. La morale (…) ne défend qu’une seule chose, c’est de faire du mal à son prochain. Donc, parmi les expériences qu’on peut tenter sur l’homme, celles qui ne peuvent que nuire sont défendues, celles qui son innocentes sont permises, et celles qui peuvent faire du bien sont commandées".Claude BERNARD, "Introduction à l’Étude de la Médecine Expérimentale"
Après trois années de marathon législatif, la loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine réforme la loi Huriet-Serusclat n°88-1138 du 20 décembre 1988, déjà abondamment modifiée par les lois de bioéthique (n° 94-653 du 19 juillet 1994 relative au respect du corps humain, n°94-654 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain), et par les lois n°2004-806 du 9 août 2004 relative aux recherches biomédicales qui transposait la directive européenne 2001/20/CE du 4 avril 2001 « essais clinique », et n° 2006-450 du 18 avril 2006 portant programme pour la recherche.
Elle a pour objectif d’encourager les recherches portant sur la personne humaine en simplifiant la mise en œuvre de ces dernières. De plus, elle vise à garantir corrélativement le développement des recherches ainsi que la sécurité et le respect des personnes qui y consentent. Pour ce faire, elle apporte diverses modifications telles que l’exigence du consentement d’une personne lors de l’examen de ses caractéristiques génétiques à partir d’échantillons biologiques prélevés à d’autres fins.
Nous nous concentrerons sur l’innovation législative concernant les simplifications du régime juridique des recherches biomédicales (I) et le renforcement du contrôle des protocoles (II).
I.        Les mesures tendant à simplifier la mise en œuvre des recherches biomédicales
La loi antérieure distinguait explicitement le régime juridique des différentes catégories de recherches en précisant que le titre relatif aux recherches médicales du code de la santé publique ne s’appliquait pas aux recherches non-interventionnelles et aux recherches en soins courants.
Dans un cadre législatif unique et harmonisé, la présente loi fixe des règles spécifiques et hiérarchisées à chaque catégorie de recherches tenant compte des risques potentiellement encourus par la personne.
Elle vise ainsi trois catégories de recherches sur la personne:
–        Les recherches interventionnelles qui comportent des interventions sur la personne non justifiée par la prise en charge habituelle,
–        Les recherches non interventionnelles qui ne portent pas sur les médicaments et ne comportent que des risques et des contraintes minimes. Cette nouvelle catégorie se substitue à la "recherche en soins courant" créée par la loi de 2004 relative aux recherches biomédicales. La liste de ces recherches est fixée par arrêté du ministre de la santé après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
–        Les recherches non interventionnelles dans lesquelles touts les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle, sans procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance.
Le consentement de l’intéressé, de la personne de confiance qu’il a désignée ou du responsable légal doit impérativement être recueilli. Cependant, alors que les recherches non interventionnelles à risques minimes ne nécessitent qu’un consentement libre, éclairé et exprès, les catégories de recherche interventionnelles ou non-interventionnelles à risques élevés requièrent un consentement écrit. Le législateur tient ainsi compte de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, par un arrêt de la Chambre criminelle du 24 février 2009 (N°: 08-84436. Publié au bulletin) avait approuvé la condamnation, au regard des dispositions de l’article 223-8 du code pénal, d’un médecin qui s’était coupable de recherche biomédicale non consentie, au motif  qu’il avait entrepris cette recherche sur un patient très affaibli et manifestement dans l’impossibilité de donner un consentement libre, éclairé et exprès, lequel n’avait été recueilli ni par écrit ni par une autre façon.

II.        Le renforcement du contrôle des protocoles
–        Une compétence renforcée des Comités de protection des personnes (CPP)
Les CPP, dont la composition permet un regard scientifique, voient leur compétence élargie à l’ensemble des recherches impliquant la personne. Toute recherche ne pourra être mise en œuvre qu’après un avis favorable du CPP désigné. Les recherches observationnelles telle que l’épidémiologie, qui faisaient jusqu’alors  l’objet d’un simple contrôle méthodologique seront donc, dès aujourd’hui soumises à l’avis favorable du comité.
–        L’institution d’une Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine
La loi confère à cette commission compétence en matière de coordination, d’harmonisation et d’évaluation des pratiques des CPP. Elle aura pour mission d’élaborer le référentiel d’évaluation des comités. De plus, elle désignera de manière aléatoire le CPP auquel le projet sera soumis.
La loi qui encourage le développement de la recherche sur l’Homme accroît donc la protection non seulement des personnes qui s’y prêtent mais également celle des chercheurs et expérimentateurs. Le législateur poursuit ainsi sa recherche de conciliation de droits parfois divergents : droits des scientifiques à effectuer leur recherche sans encadrement paralysant, droits des patients à bénéficier de traitements nouveaux et performants, respect des règles éthiques, principe de précaution…
Marie-Charlotte BENEDETTI, stagiaire avocate