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Et hop ! La Cour de cassation continue sur sa lancée et établie une jurisprudence de plus en plus sévère pour les établissements. Pour preuve cet arrêt du 10 novembre 2011 (n°10-25805).

Par un jugement du 8 juillet 2010, le tribunal aux affaires de sécurité sociale de Lilles avait accueilli le recours d’une clinique et débouté l’assurance maladie de son recours en répétition de l’indu, en raison d’une irrégularité entachant la procédure de contrôle.

La clinique évoquait au soutien de ses prétentions qu’une "pré-UCR" avait été constituée et avait élaboré une proposition de programme de contrôle. La COMEX avait ensuite, lors d’une même séance, adopté tant la composition de l’UCR que le programme de contrôle externe. En d’autres termes, la clinique invoquait le fait que le programme de contrôle avait été élaboré par une UCR non constituée, les deux "instances n’ayant au surplus pas une constitution identique.

Ensuite, elle rappelait que le Docteur Y, membre de l’UCR qui avait établi le programme de contrôle, avait également participé au contrôle sur site, ce qui portait atteinte au principe d’impartialité et d’indépendance dont le contrôle doit bénéficier.

La Cour de cassation adopte la position inverse du TASS : "Qu’en statuant ainsi, alors que l’inobservation, à la supposer établie, des dispositions des articles R.162-42-8 et R.162-42-9 du code de sécurité sociale relatives à la mise en place de l’unité de coordination régionale et à la programmation des contrôles, n’était pas de nature à rendre nul le contrôle effectué dès lors que les prescriptions de l’article R.162-42-10 du même code avaient été respectées, et alors qu’il résulte des constatations du jugement que l’ARH avait avisé l’établissement de santé de la période sur laquelle porterait le contrôle, satisfaisant ainsi aux dispositions de ce texte, le tribunal a violé les textes susvisés".

Pour la Cour de cassation, le fait que la COMEX a adopté, le même jour, la constitution de l’UCR et le programme de contrôle ne fait pas obstacle à la validité du contrôle pratiqué, dans la mesure où les articles R.162-42-8 et R.162-42-9 du CSS, dans leur rédaction applicable aux faits de l’espèce, ne fixent ni conditions de forme ni conditions de délai pour élaborer le programme régional…

Le texte était pourtant clair : la COMEX adopte un programme de contrôle sur la base d’un projet élaboré par l’UCR. Dans cette affaire, le projet de programme n’a pas été élaboré par l’UCR mais par une "pré-UCR", c’est-à-dire par plusieurs professionnels réunis sans en avoir le mandat. Comment la Cour de cassation peut-elle valider cette procédure alors qu’il est flagrant que le programme de contrôle a été élaboré par une instance qui n’avait aucune existence juridique ? La position de la Cour de cassation est d’autant plus étonnante que "la pré-UCR" et l’UCR constituée par la COMEX n’avait pas une formation identique.

De même, le fait qu’aucune disposition des articles R.162-42-6 du CSS n’interdisait explicitement ou implicitement à un des membres de l’UCR de participer ensuite au contrôle réalisé sur le site d’un établissement d’hospitalisation, n’entache pas, pour la Cour de cassation, le contrôle d’irrégularité. Là aussi, le raisonnement est des plus étonnants. En effet, dans le projet de circulaire mis en ligne le 25 mars 2011, les pouvoirs publics reconnaissaient d’eux-mêmes l’opacité résultant de la participation de personnes identiques aux différentes phases du contrôle : "Afin de respecter le principe d’impartialité de la commission de contrôle, il est impératif que les représentants de l’ARS et des organismes et service médical d’assurance maladie appelés à y siéger ne soient pas l’une des personnes membres de l’UCR ou ayant réalisé le contrôle sur lequel la commission est saisie. Le recours aux suppléants devrait permettre le cas échéant, de s’assurer du respect du principe posé".

La position retenue par la Cour de cassation nous semble des plus contestables. Elle fait peser sur une procédure dont la régularité est sujette à caution, une présomption de régularité et d’objectivité. Mais pour quel motif ?

A la lecture de l’arrêt, il ressort que la Cour de cassation fait reposer la régularité de la procédure sur le seul article R.162-42-10 du CSS, c’est-à-dire sur l’obligation, pour l’ancienne ARH, d’informer l’établissement contrôlé du champ et des modalités du contrôle. Les prescriptions de l’article R.162-42-10 CSS apparaissent comme des formalités substantielles, car elle garantisse le respect des droits de l’établissement à être informé de la mesure prise à son encontre.

En revanche, l’UCR n’intervient qu’à titre préparatoire et ne fait qu’une suggestion à la COMEX, qui valide ou non le programme établi. L’établissement n’intervenant pas dans cette phase, il ne bénéficie pas de garantie particulière. Les articles relatifs à la composition de l’UCR et à ses missions n’apparaissent donc pas comme substantiels.

Faut-il en déduire que seules les étapes où l’établissement contrôlé est intéressé bénéficient d’un caractère substantiel et que l’établissement pourra donc invoquer un vice de forme dès l’exécution du contrôle ? Nous n’en sommes pas convaincus.

D’une part, la Cour de cassation devrait distinguer clairement les dispositions qui s’avèrent substantielles de celles qui ne le sont pas. D’autre part, si le raisonnement devait être poussé à l’extrême, la méconnaissance d’une formalité substantielle ne pourrait entraîner la nullité de la procédure que si l’établissement contrôlé venait à prouver le grief que lui causerait l’irrégularité, conformément à un principe général de procédure civile…

Espérons que la jurisprudence de la Cour de cassation sera plus éclairante en 2012.