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La question de la nullité des actes pris en violation des statuts a été une nouvelle fois posée à la Cour de cassation qui profite ainsi de l’occasion pour confirmer sa jurisprudence.

Dans l’affaire dont cette dernière avait à connaître, la requérante faisait valoir que la décision de modification du règlement intérieur du GIE avait été adoptée à la majorité alors que les statuts exigeaient qu’une telle modification soit adoptée à l’unanimité. Elle sollicitait donc l’annulation de cette délibération qui avait été prise aux termes d’une procédure irrégulière (car violant les dispositions des statuts).

Dans un arrêt du 6 mai 2014 (n°13-11427), la Cour de cassation rappelle, qu’il « résulte de l’article L. 251-5 du code de commerce que la nullité des actes ou délibérations d’un groupement d’intérêt économique ne peut résulter que de la violation des dispositions impératives des textes régissant ce type de groupement, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ; que, sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d’aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur n’est pas sanctionné par la nullité ».

Cet arrêt s’inscrit dans la parfaite continuité d’une jurisprudence initiée, en matière de GIE, en 2005 par la Cour de cassation (com., 14 juin 2005, n°02-18864 : « Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 251-5 du Code de commerce que la nullité des actes ou délibérations d’un groupement d’intérêt économique ne peut résulter que de la violation des dispositions impératives des textes régissant ce type de groupement ou de l’une des causes de nullité des contrats en général ; que le non-respect des stipulations des statuts n’est pas sanctionné par la nullité »).

Quel est le principe posé ? Les dispositions fixées par les textes législatifs et règlementaires sont impératives et substantielles et leur méconnaissance entraîne l’annulation de la décision qui les méconnait. En revanche, si la disposition méconnue résulte de la liberté laissée aux membres dans la rédaction des statuts, elles ne sont pas impératives et leur méconnaissance n’entraîne pas automatiquement la nullité de la délibération litigieuse.

On peut ainsi considérer qu’encourent l’annulation la décision qui :

– revient sur le principe selon lequel les droits des membres sont représentés par des titres négociables (article L.251-3 du code de commerce) ;

– réfute le principe de responsabilité indéfinie et solidaire des membres du groupement (article L.251-4) ;

– a été prise lors d’une assemblée convoquée à la demande des membres, sans respecter la règle de saisine fixant le quorum à ¼ des membres (article L.251-10) ;

– limite les pouvoirs de l’administrateur vis-à-vis des tiers (article L.251-11) ;

– autoriserait l’administrateur à ne pas présenter l’état budgétaire et financier du GIE (article L.251-13) ;

– déciderait la dissolution du groupement en méconnaissance des causes de dissolution fixée à l’article L.251-19 ;

– ne respecterait pas la règle de vote selon laquelle la décision de poursuivre l’activité du groupement en cas d’incapacité d’un membre, de faillite personnelle, d’interdiction de diriger ou de gérer, droit être prise à l’unanimité ;

– prise sans consentement (article 1108 du code civil) ;

– porte sur un objet illicite (article 1108 du code civil) ;

– est dénuée de cause (on notera sur ce point une divergence entre la chambre civile de la Cour de cassation qui considère qu’il s’agit d’une nullité relative, c’est-à-dire non substantielle, et la chambre commerciale qui elle maintient qu’il s’agit d’une nullité absolue, c’est-à-dire de nature à conduire à l’annulation de l’acte).

La Cour de cassation ajoute également un tempérament et uniformise ainsi sa jurisprudence relative aux groupements (en se prononçant sur des statuts de GIE) et aux sociétés commerciales (en se prononçant sur des statuts de SAS : Cass. Com., 18 mai 2010, n°09-14855) : la nullité peut être prononcée dans les cas où, dans les statuts, « a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d’aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci ». Il s’agit en effet de dispositions par nature impérative mais dont la mise en œuvre peut être librement appréciée par les membres du GIE lors de la rédaction des statuts. On pourrait notamment citer l’hypothèse où les statuts permettent de déroger au principe de responsabilité solidaire des membres vis-à-vis des tiers en raison d’une convention expresse conclue en ce sens avec ledit tiers (article L.251-6).

Cette jurisprudence met-elle alors un coup d’arrêt à la portée des dispositions qualifiées d’impératives par les membres ?

Pas totalement !

Certes, si un membre sollicite l’annulation d’une disposition qualifiée d’impérative par les membres en invoquant la méconnaissance des statuts, il s’expose à voir sa requête rejetée car ne peuvent être annulées sur ce fondement que les dispositions que la loi qualifie d’impératives.

En revanche, rien ne l’empêche de fonder son action sur un vice du consentement… En effet, si le membre considère qu’une disposition est impérative, c’est qu’elle a conditionné son consentement à la signature des statuts. Elle est donc substantielle et sa méconnaissance entraînerait la nullité de la décision en vertu des principes du droit des contrats, comme le rappelle expressément la jurisprudence ici commentée.

On constate donc que la jurisprudence n’est pas aussi fermée que le laisse entendre une lecture rapide de l’arrêt de la Cour de cassation, et le succès d’une action en nullité d’une délibération prise en violation des statuts repose sur le fondement juridique retenu…Mieux vaut se faire conseiller !