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La Cour administrative de Nantes vient de préciser que les administrations peuvent refuser de verser à des agents publics des sommes indues qu’elles leur avaient octroyées illégalement par décision même si cette décision est devenue définitive.

Par un arrêt du 1er octobre 2015, la Cour est donc venue mettre une nouvelle pierre à l’édifice du régime du retrait de décision administrative illégale et des avantages pécuniaires indus.

Dans cette affaire, une prime inexistante avait été accordée à une directrice des soins. Cette décision n’avait pas été rapportée dans le délai de quatre mois. Néanmoins, par décision ultérieure, l’administration avait refusé de verser cette prime illégale mais avait attribué à l’intéressée la prime de service maximale autorisée par la réglementation.

Malgré le versement de la prime de service à son montant plafond, la directrice des soins a entendu contester la décision refusant le versement de la prime illégale et a demandé aux juges du fond d’en obtenir le versement.

Si les juges du premier degré avaient accédé à sa demande, il en est tout autrement de la Cour administrative d’appel de Nantes qui procède à un raisonnement en deux temps.

Dans la droite ligne de l’évolution jurisprudentielle sur le retrait des décisions administratives illégales, la CAA de Nantes a certes constaté que la décision refusant le versement de la prime illégale était intervenue au delà du délai de 4 mois fixé par la jurisprudence Ternon du 26 octobre 2001 pour retirer la décision d’octroi de la prime illégale. En cela, la décision octroyant la prime illégale était devenue définitive et ne pouvait donc plus être retirée. 

En revanche et à l’inverse du Tribunal administratif de Rennes, la Cour administrative de Nantes n’a pas limité son analyse à ce constat et a entendu donner tout son sens et toute sa portée aux dispositions de l’article 37 I de la loi du 12 avril 2000 n° 2000-321.

       * Article 37 I de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000

« Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive.

Toutefois, la répétition des sommes versées n’est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l’absence d’information de l’administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d’avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d’informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale.

Les deux premiers alinéas ne s’appliquent pas aux paiements ayant pour fondement une décision créatrice de droits prise en application d’une disposition réglementaire ayant fait l’objet d’une annulation contentieuse ou une décision créatrice de droits irrégulière relative à une nomination dans un grade lorsque ces paiements font pour cette raison l’objet d’une procédure de recouvrement. »

La finalité de cette disposition est d’ouvrir à l’administration un « énième moyen » de ne pas verser des sommes qu’elle ne doit pas. Cette réforme vient donc renforcer le courant jurisprudentiel en constante évolution depuis la célèbre décision Mme Soulier du Conseil d’Etat du 6 novembre 2002 en passant par la décision Fontenille du 12 octobre 2009. (Conseil d’Etat, section contentieux, 06/11/2002, n°223041, publié au recueil Lebon).

En vertu de l’article 37-I précité, le caractère illégal de la prime ouvre la possibilité à l’administration d’obtenir la répétition de l’indu auprès de l’agent bénéficiaire, en l’espèce la directrice des soins.

 En conséquence, la CAA de Nantes considère que la finalité de l’article 37 I de la loi de 2000 n’était pas d’imposer le versement de sommes alors que l’administration pouvait en obtenir la répétition.

 

Elle reprend à son compte l’avis du Conseil d’Etat du 28 mai 2014 qui retenait l’analyse suivante :

«Mais l’annulation de la décision de retrait n’implique pas nécessairement qu’il soit enjoint à ‘l’administration de procéder au versement des sommes en cause si elle ne l’a pas encore fait. Il serait absurde en effet de lui enjoindre de verser des sommes dont elle pourrait immédiatement exiger le remboursement, au moins partiel. […] lorsque l’administration n’a pas encore versé des sommes dont le fondement réside dans une décision illégale, l’expiration du délai de retrait n’impose pas davantage leur versement. »

 La CAA de Nantes conclut donc en retenant que:

 « considérant qu’eu égard à la possibilité donnée par les dispositions de l’article 37 I de la loi du 12 avril 2000 à l’administration de demander le remboursement des sommes qui seront versées en application de la décision illégalement retirée, l’annulation par le juge du retrait de la décision illégale attribuant un avantage financier à l’agent au motif qu’il est intervenu postérieurement à l’expiration du délai de retrait n’implique pas nécessairement qu’il soit enjoint à ‘administration de verser les sommes correspondantes à l’agent si elles ne l’ont pas été, en tout ou partie, avant qu’intervienne le retrait; qu’il lui appartient seulement de lui enjoindre de réexaminer la situation de l’agent; que de même l’administration n’est pas tenue de verser les sommes dues en application d’une décision illégale attribuant un avantage financier qu’elle ne peut plus retirer dès lors qu’elle pourrait les répéter dès leur versement en application des dispositions de ‘l’article 37-I de la loi du 12 avril 2000 » 

 

Cet apport jurisprudentiel constituera à n’en pas douter un levier de gestion très intéressant pour les gestionnaires d’établissement.

Cour administrative d’appel de Nantes, 01/10/2015, n°14NT01459