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Comité social d'entreprise et dialogue social
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Comité social d’entreprise et dialogue social

Article rédigé le 1er avril 2022 par Me Guillaume Champenois

Les enquêtes d’opinion réalisées auprès des entreprises montrent que le dialogue social au sein du comité social d’entreprise (CSE) durant la crise sanitaire a été plutôt bon. Or, ce n’était pas chose acquise si l’on se remémore les fortes critiques des organisations syndicales sur la baisse significative du nombre d’heures de délégation induite par la fusion entre le comité d’entreprise et le CHSCT. Qu’est ce qui a bien pu arriver pour que tant les partenaires sociaux que les employeurs reconnaissent, a posteriori, que le dialogue social a bien eu lieu et qu’il était plutôt de qualité durant cette période de crise ? Quels enseignements pouvons-nous en tirer pour l’avenir ?

 

 

« Quand le malheur ne serait bon, qu’à mettre un sot à la raison. Toujours serait-ce à juste cause. Qu’on le dit bon à quelque chose ».

Ces quelques vers issus de la fable Le berger et le roi, de Jean de la Fontaine, illustre assez bien l’analyse qu’il pourrait être faite du dialogue social au sein du CSE à la sortie de la crise sanitaire. Il y a ceux dont le malheur n’apprend rien et ceux qui savent en tirer des leçons parfois salutaires.

 

Le constat d’un dialogue réel

La crise sanitaire découlant de la pandémie à covid-19 a mis à l’épreuve les entreprises sur de nombreux plans dont le dialogue social.

Ce qui aurait pu conduire à une crispation ou une aggravation des situations de tension dans les relations entre les employeurs et les partenaires sociaux a conduit au contraire à une amélioration de l’écoute et du dialogue.

Nombreux sont les représentants du personnel siégeant au sein du CSE comme les employeurs qui nous ont confirmé que cette période difficile du confinement et de la recherche des mesures permettant de protéger au mieux les salariés a conduit à engager un dialogue sincère et inhabituellement fluide. Bref, chacun a été à l’écoute de l’autre et dans la commune recherche de solutions.

 

Des enquêtes d’opinion qui confortent le sentiment que la crise sanitaire a contribué à un renouveau du dialogue social

Ce constat que nous opérons au quotidien est confirmé par les enquêtes d’opinion qui ont été diligentées en 2021. Parmi celles-ci, il peut être cité celle réalisée par l’IFOP à la demande du cabinet Syndex qui détaille assez bien l’impact de la crise sur le dialogue social ; « une fréquence très importante du nombre de réunions », « une adversité collective qui a plutôt rassemblé autour de la recherche de solutions en mode système D que divisé dans un premier temps, avec plus d’agilité à l’œuvre, moins de formalisme, plus de réactivité, une vrai volonté des parties de travailler ensemble », un « effet front face à la crise matérialisé par l’implication plus directe et régulière de la direction, et en particulier des DG/PDG ».

Cette volonté de faire front commun face au coronavirus a été très présente dans le secteur sanitaire et médico-social.

Tout n’est pas idyllique pour autant. La mise en place du CSE deux ans avant le début de la crise sanitaire avait conduit les organisations syndicales à émettre de très fortes réserves pour ne pas dire une très forte défiance sur cette nouvelle institution représentative du personnel en raison de la baisse importante du nombre d’heures de délégation découlant de la fusion du comité d’entreprise avec le CHSCT.

Le nombre ne faisant pas la qualité, la véritable question que les employeurs comme les partenaires sociaux doivent se poser aujourd’hui est la suivante ; comment faire perdurer cette amélioration passagère du dialogue social°?

Au-delà des constats opérés par chacun et aisément compréhensibles telle que la nécessité de faire front commun face à un risque pour la santé de toutes et de tous, préoccupation qui dépasse de très loin celles habituellement au cœur des échanges au sein du CSE, il y a la bonne compréhension du rôle de chacun.

 

Le CSE n’est pas un empêcheur de tourner en rond

Pour bien comprendre notre propos, il faut reprendre la raison d’être du CSE telle que ressortant de l’article L 2312-8 du code du travail. Aux termes du I de cet article, « le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. »

Aux termes du II de ce même article, le législateur fixe les thématiques ou questions sur lesquelles le CSE doit être obligatoirement consulté.

De fait, l’employeur doit bien intégrer que le CSE n’est pas un organe décisionnaire. Il n’est pas question ici d’une cogestion dans la bonne marche de l’organisme employeur (société, fondation, association, …). Le CSE ne délivre que des avis et, de surcroît, des avis simples et non des avis conformes. Il n’y a donc pas de défiance ou de crainte à avoir sur ce terrain.

De fait également, pour les représentants du personnel y siégeant, l’expression collective des salariés qui les ont mandatés ne doit pas conduire à confondre dialogue social et cogestion ainsi que dialogue social et satisfaction d’une revendication professionnelle. L’absence de satisfaction d’une revendication ou d’une exigence ne signifie pas que l’employeur s’oppose ou ne s’inscrit pas dans une logique de dialogue social.

Ce qui peut apparaître comme un paradoxe, puisque durant la crise sanitaire tant l’employeur que les membres du CSE ont fait front commun contre l’adversité, n’en est pas un. La volonté de travailler de concert sur différents sujets ne peut gommer l’évidente confrontation sur d’autres sujets. Il arrive forcément un moment où un désaccord plus ou moins profond survient et, in fine, c’est toujours à l’employeur que revient la responsabilité de prendre la décision finale. On ne saurait ici reprendre et paraphraser la fameuse phrase de Gary Lineker en affirmant que « le dialogue social se joue à deux et à la fin c’est toujours l’employeur qui gagne ».

En effet, le dialogue social ne doit pas s’aborder au travers la logique d’un affrontement devant conduire à un vainqueur et un perdant car c’est fonder le dialogue social sur un postulat erroné.

Si l’employeur ne joue pas son rôle, le CSE peut saisir le juge judiciaire pour faire respecter ses prérogatives. Dans le cadre d’un processus d’information et de consultation, il peut ainsi saisir le juge judiciaire en la forme des référés au visa de l’article 835 du code de procédure civile visant le trouble manifestement illicite pour solliciter la suspension du processus de décision dans l’attente de sa pleine et entière information ainsi que sa consultation par l’employeur.

Ainsi, un dialogue social de qualité n’implique pas d’être en phase sur l’ensemble des sujets, mais implique que les parties en présence respectent le rôle que chacun doit porter.

La question sous-jacente est alors de savoir comment remplir son rôle ?

Le code du travail apporte une première réponse lorsqu’il fixe un nombre de sujets ou de questions devant obligatoirement donner lieu à consultation du CSE. Même si cela peut paraître évident, il y a ici la nécessité de respecter ses propres obligations légales. Ce faisant, cette obligation de consultation doit être bien appréhendée par l’employeur. Ce n’est pas l’obligation de recueillir un avis mais bien l’obligation de mettre le CSE en mesure de rendre un avis qui pèse sur ses épaules. C’est très différent.

Cela sous-tend que ;

    • le CSE dispose du temps nécessaire pour analyser les documents mis à sa disposition dans la Base de données économiques, sociales et environnementales en amont de la séance de consultation.
    • L’information ainsi délivrée au CSE doit être véritablement claire, loyale et précise
    • Le CSE joue son rôle d’institution en charge de l’expression collective des salariés en émettant un avis, qu’il soit négatif comme positif

 

La mise en œuvre de cette obligation de consultation implique que tant l’employeur que les membres du CSE maîtrisent parfaitement le code du travail, le processus d’information et de consultation posé par le législateur et le pourvoir règlementaire. Il faut maîtriser tant la notion d’information claire, loyale et précise ressortant de la jurisprudence de la Cour de cassation que le calendrier de la consultation avec la notion de délai préfixe dans lequel ledit CSE doit rendre son avis.

En effet, conformément à l’article R 2312-6 du code du travail, à défaut d’accord collectif sur la durée dont dispose le CSE pour rendre un avis , celui-ci doit rendre son avis dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle l’employeur a mis à sa disposition dans la base de donnée économique sociale et environnementale (BDESE) les documents de présentation de son projet.

A cela, il est possible d’ajouter que l’employeur a tout intérêt à multiplier les informations sur les sujets qui ne conduisent pas nécessairement à une consultation obligatoire, voir mettre en place une consultation même lorsque celle-ci n’est pas nécessairement requise par les textes.

 

 

L’implication de l’employeur est l’une des clés de la réussite du dialogue social.

Par ailleurs, la nécessaire intégration du postulat de départ, chacun à un rôle bien spécifique, doit permettre de gommer les postures respectives. C’est d’ailleurs l’un des constats communément partagés durant la crise sanitaire, l’abandon des postures de part et d’autre a significativement facilité l’échange et l’écoute entre les directions et les organisations syndicales.

Pour l’employeur c’est accepter la présence du CSE et les contraintes inhérentes à ses prérogatives en s’y investissant pleinement. Son implication pleine et entière est l’une des clés de la réussite du dialogue social au travers le CSE. L’employeur en tirera nécessairement un bénéfice. En effet, sa capacité à écouter les remarques, les constats et les observations des représentants des personnels pourra lui éviter certaines déconvenues pour ne pas dire catastrophes. Le séisme vécu par certains opérateurs du secteur médico-social sur les révélations de leurs carences dans la prise en charge des usagers aurait pu être éviter au travers le dialogue social et l’implication de la direction dans celui-ci.

Pour les organisations syndicales c’est ne pas dévoyer le CSE de sa finalité et ne pas confondre dialogue social avec la satisfaction d’une revendication. C’est intégrer le fait que l’employeur a parfois des contraintes qui rendent ses revendications difficilement entendables. C’est aussi faire preuve de mesure dans la critique.

Cet abandon des postures respectives ne fera certainement pas obstacle à des désaccords profonds ou même à des confrontations sur certains sujets. Mais justement, le dialogue social n’implique pas d’être d’accord sur tout, n’implique pas que l’employeur soit tenu de satisfaire toutes les demandes des partenaires sociaux et il n’implique pas que les organisations syndicales renoncent à leurs revendications, etc…

 

Une évolution culturelle à engager

Deuxième enseignement tant pour l’employeur que pour les organisations syndicales, il y a une nécessaire évolution culturelle à engager et particulièrement pour certaines organisations syndicales dont certaines postures dogmatiques sont intrinsèquement incompatibles avec la notion même de dialogue social.

C’est ici la plus grande des difficultés à surmonter car elle implique un changement profond dans la perception que chacun a de l’autre comme la perception de son propre rôle. Pour débuter ce travail de longue haleine, il peut être conseillé la mise en place de formations communes sur le fonctionnement du CSE auxquelles participeront ensemble les membres du CSE et l’équipe de direction. Une telle formation commune conduit nécessairement à évoquer des sujets concrets et à se confronter par rapport à ses propres actions et à en discuter ensemble. Elle permet de mieux appréhender les contraintes de chacun inhérentes au rôle que lui dévolue le code du travail.

Ce faisant, la recherche d’un dialogue social réussi implique également de distinguer les grosses des petites voir très petites entreprises et, au travers cette distinction, l’articulation entre les rôles respectifs du CSE et celui des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.

Dans les grandes entreprises, fondations, associations de très grande taille, la maîtrise de l’outil juridique est rarement une problématique. Ces structures sont dotées d’un ou plusieurs services dédiés en mesure d’éclairer l’employeur sur les modalités de mise en œuvre de ses obligations. Par ailleurs, ces grandes structures employeurs sont dotés de délégués syndicaux avec lesquels des accords collectifs peuvent être négociés et conclus.

Mais qu’en est-il pour les toutes petites structures dépourvues de CSE ou doté d’un CSE mais ne présentant aucun délégué syndical dans leur effectif ? Le secteur médico-social foisonne de petites structures en peine sur ces sujets et à la recherche d’interlocuteurs pour conclure des accords collectifs. Les ordonnances dites Macron ratifiées par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ont mis en place de nouvelles modalités de négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux pour faciliter le dialogue dans ce type d’organisme.

Un article a été consacré à ce sujet par mon associée maître Marine JACQUET lors de la parution des textes dialogue social dans les petites et moyennes entreprises.

 

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).