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“C’est la concurrence qui met un prix juste aux marchandises et qui établit les vrais rapports entre elles. “
Montesquieu – De l’esprit des lois

La Directive service n° 2006/123/CE du 18 déc. 2006, ex-Bolkestein ,devait être transposée par tous les Etats membres au 31 décembre 2009.
Sa transposition a fait couler beaucoup d’encre et suscité de nombreuses inquiétudes notamment dans le secteur associatif.
Le 26 janvier 2010, l’Assemblée Nationale a balayé une proposition de loi qui visait :
– à qualifier les services sociaux de services d’intérêt général afin de les faire bénéficier de principe communautaire de primauté de l’accomplissement de leur mission d’intérêt général sur les règles de concurrence et du marché intérieur, (articles 14 et 106§2 TFUE, Protocole 26 TUE – TFUE, article 36 de la charte des droits fondamentaux de l’UE);
– à intégrer dans le droit interne l’exigence de transparence du mandatement et de juste compensation découlant des règles communautaires relatives aux aides d’Etat (paquet Monti-Kroes);
– à établir une convention de partenariat d’intérêt général en tant qu’outils de mandatement et éviter le recours systématique aux marchés publics (proposition du rapport Thierry transmis au Premier Ministre);
– à exclure les services sociaux ainsi mandatés du champ d’application de la directive services conformément à son article 2.2.j.
La majorité parlementaire s’y est opposée au motif que cette proposition de loi risquait de conduire la Commission européenne à traduire la France devant la Cour de Justice de l’Union européenne, notamment sur le champ de l’exclusion des services sociaux mandatés.
Le 29 janvier 2010, le Gouvernement (Secrétariat général des affaires européennes) met en ligne, non les 500 fiches de transposition, mais un dossier de synthèse sur la transposition
Il en ressort clairement que la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires comprend des mesures de transposition de la directive service.
En effet, la loi HPST comprend des dispositions qui concernent des régimes d’autorisations relatifs à certains établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Le rapport prend la précaution de préciser que la très grande majorité des établissements et services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive puisqu’ils satisfont en effet aux deux critères cumulatifs d’exclusion du champ figurant à l’article 2-2j de la directive :
– les publics concernés par ces services sont des publics se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin ;
-ces services reçoivent un mandat des pouvoirs publics pour exercer leur mission.
Dans le champ social et médico-social, ne relèveraient du champ d’application de la directive que, principalement, certains établissements d’accueil des jeunes enfants et services à la personne (à l’exclusion de ceux qui seraient autorisés dans le cadre de la nouvelle procédure de l’appel à projets).
Il a en effet été considéré que, pour les établissements d’accueil des jeunes enfants, l’agrément PMI (Protection maternelle et infantile) était une simple autorisation et que, pour les services d’aide à domicile, le mandatement n’était pas constitué.
Selon le Gouvernement, la loi HPST n’a pas eu pour objet unique de transposer la directive, mais elle a permis :
-de clarifier ceux des projets inclus ou non dans le champ de la directive;
– de rendre compatible le régime d’autorisation des établissements et services inclus dans son champ d’application.
La loi a en effet introduit une différence dans la procédure d’autorisation selon que les projets de création font appel à des financements publics ou non :
– Pour les établissements et services nécessitant des financements publics, l’autorisation est délivrée après avis d’une commission de sélection d’appel à projets. Cette procédure d’appel à projet social ou médico-social a précisément pour objet de permettre aux pouvoirs publics de désigner un prestataire pour l’exécution d’une mission d’intérêt général et la réponse à un besoin d’intérêt général préalablement identifié (mandat).
– Pour les établissements et services ne faisant pas appel à des financements publics, l’autorisation de fonctionner est délivrée par l’autorité compétente sur demande des organismes gestionnaires sans avis de la commission de sélection d’appel à projets. Pour ces établissements, les conditions d’autorisation ont été allégées : avant, ces établissements devaient pour être autorisés répondre à des conditions qui pouvaient être jugées non justifiées et non proportionnées.
Avec la réforme, les projets sociaux et médico-sociaux n’appelant aucun financement public n’auront à répondre pour être autorisés qu’aux règles d’organisation et de fonctionnement et au dispositif de l’évaluation. Ces critères de qualité de prise en charge sont nécessaires et proportionnés au regard de la santé publique.

Désormais, les règles en matière d’encadrement des services sociaux rentrant dans le champ de la directive sont les suivantes :
– Article L.313-1 du code de l’action sociale et des familles – en cours de modification par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 qui entrera en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.
L’hébergement, l’accueil et/ou la prise en charge notamment en milieu ouvert, à temps complet ou à temps partiel, de manière stable ou temporaire, de personnes âgées, handicapées, en difficultés sociales et d’enfants sous protection administrative ou judiciaire, dans des « établissements et services sociaux et médico-sociaux » ne faisant pas appel à des financements publics n’est pas soumis à appel à projets mais doit être autorisé. Cette procédure s’explique par la nécessité de prendre en compte la vulnérabilité du public visé.
L’activité de ces établissements et services est une activité réglementée. Ils doivent répondre à des critères de qualité, à des règles d’organisation et de fonctionnement et satisfaire aux démarches d’évaluation prévues au code de l’action sociale et des familles, qu’ils agissent dans un but lucratif ou non.
L’autorisation doit ensuite être confirmée par la « visite de conformité aux conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement » et aux dispositions du dossier sur la base duquel l’autorisation a été accordée : un décalage justifierait la suspension de l’autorisation.
Celle-ci est donnée pour une durée limitée de 15 ans. Son renouvellement est acquis par tacite reconduction sauf si, au moins un an avant l’échéance, et sur le seul fondement de l’évaluation externe obligatoire, l’autorité publique enjoint à l’établissement ou au service de présenter une demande de renouvellement qui sera instruite selon la procédure même d’autorisation initiale.
– Articles L.214-1 du code de l’action sociale et des familles et L.2324-1 du Code de la santé publique.

Toute personne physique ou morale qui organise et gère un accueil collectif de mineurs de moins de six ans doit être autorisée à le faire. L’autorisation est délivrée pour chaque implantation dans la mesure où le président du Conseil général a l’obligation de s’assurer de la conformité du local notamment au regard des règles de sécurité, d’accessibilité et d’hygiène et des conditions de fonctionnement et d’encadrement du service. L’autorisation (ou l’avis, lorsque la demande est formulée par une collectivité publique) est délivrée après étude du dossier, visite des locaux et vérification de leur conformité.
L’autorisation mentionne les modalités de l’accueil, les prestations proposées, les capacités d’accueil et l’âge des enfants accueillis, les conditions de fonctionnement, les effectifs ainsi que les qualifications des personnels. Le but est de contrôler les institutions de façon à s’assurer que les enfants sont accueillis dans les conditions garantissant leur santé, leur sécurité et un cadre éducatif de qualité, notamment au regard des locaux dans lesquels ils sont accueillis, du personnel de l’établissement, du projet pédagogique…Un contrôle a posteriori serait insuffisant pour s’assurer des garanties nécessaires offertes par le gestionnaire.
Les établissements d’accueil des jeunes enfants s’adressent à un public fragile qui nécessite une prise en charge dans un cadre contrôlé par les pouvoirs publics et par du personnel qualifié. Le régime d’autorisation se justifie à ce titre.
– Services d’aide à domicile et de garde d’enfants à domicile
Régimes d’autorisation (Article L. 313-1-1 du code de l’action sociale et des familles) et régimes d’agrément « qualité » (article L. 7231-1 du code du travail)
Les activités de services d’aide à domicile (hors soins) et d’aide à la mobilité rendus à des personnes fragiles sont soumises à autorisation. Les professionnels disposent d’un choix entre le régime de l’autorisation du code de l’action sociale et le régime de l’agrément qualité du code du travail. Cette autorisation est justifiée par les raisons suivantes :
– il s’agit de personnes vulnérables (personnes âgées en situation de perte d’autonomie, personnes handicapées, familles avec enfants rencontrant des difficultés …), qui ne sont pas en état de s’assurer elles-mêmes de la qualité des services offerts ;
– les services sont délivrés au domicile privé des destinataires du service : l’intervenant est seul au domicile avec la (ou les) personne aidée sans regard extérieur, ce qui induit un risque d’intrusion et pas de possibilité de contrôle a posteriori sur place par les autorités habilitées pour contrôler, car le lieu d’intervention est un domicile privé, contrairement aux établissements ;
– le service apporté consiste en une aide directe à la (ou les) personne (et non d’entretien du cadre de vie), susceptible d’attenter à son intégrité physique et morale ;
– pour ces services, il existe des raisons impérieuses d’intérêt général (notamment d’ordre public, de santé publique et de protection des consommateurs) justifiant l’existence d’une autorisation obligatoire et des exigences auxquelles sont soumis les opérateurs, qui sont proportionnées à l’objectif d’intérêt général poursuivi.
Selon le Gouvernement, le régime de l’autorisation du code de l’action sociale, réformé dans le cadre de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 mentionnée supra serait totalement conforme à la directive.
Le Gouvernement indique que le régime de l’agrément qualité est en cours de réforme afin de supprimer les exigences interdites de la condition d’activité exclusive, de forme juridique obligatoire, et de siège social sur le territoire national. Le régime de l’agrément simple qui ouvre le droit à des avantages fiscaux et sociaux sera transformé en régime déclaratif.
On retiendra que le rapport de synthèse ne reconnaît pas la possibilité pour les collectivités de “mandater” les prestataires de service ce qui pour certains constituait un point essentiel pour sécuriser leurs subventions au regard du droit européen.
Mais on retiendra également de la loi HPST que la généralisation de la contractualisation sur appel d’offre (« appels à projet ») en ce qui concerne l’octroi d’autorisations administratives d’activités, voire de missions de service public, signe l’introduction de la concurrence dans les domaines sanitaires, sociaux et médico-sociaux, allant au-delà des obligations européennes.

Appel à projet, règles de publicité, cahier des charges, modalités d’examen et de sélection et contrat, voilà donc la délégation de service public qui s’applique aux services sanitaires, sociaux et médico-sociaux ! Revoilà la directive « Bolkenstein » !