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Les directeurs d’établissements de santé se trouvent souvent confrontés à ce dilemme shakespearien, notamment quand ils ont initiés un projet important comme une fusion ou la constitution d’un groupement.

Ces mêmes directeurs aimeraient disposer de certitudes afin d’éviter les foudres des syndicats qui ne manqueraient pas d’invoquer un vice de procédure pour mettre à mal un projet. Ce serait dommage quand on sait toute la difficulté d’avoir à porter et à défendre des projets d’envergure.

La Cour administrative d’appel de Marseille s’était emparée de la question dans un arrêt du 20 février 2014 (n°12MA04000), aux termes duquel elle considérait que le CHSCT devait être consulté préalablement à la décision du directeur général de l’ARS autorisant la création d’un établissement public de santé intercommunal résultant de la fusion de deux centres hospitaliers.

Selon la Cour, il ressortait des pièces du dossier, et notamment du document explicitant le projet de fusion que « la fusion des deux centres hospitaliers permettre la mutualisation de compétences et de moyens entre les deux établissements ; qu’elle induit une réorganisation de l’offre de soins sur les deux établissements, des aménagements architecturaux, et organisationnels ; que ce document évoque la réorganisation des gardes de pédiatrie et d’anesthésie, la nécessité d’organiser la permanence des soins sur un seul site dans le domaine de l’imagerie, de mettre en place un pôle unique d’imagerie englobant les deux sites et d’adapter les ressources humaines en fonction de l’activité, de redéployer les ressources humaines du plateau technique de biologie, de modifier l’organisation des pharmacies ; qu’il indique que la fusion implique notamment une réorganisation complète des services administratifs et logistiques et notamment une centralisation des fonctions ne nécessitant pas une localisation permanente, la réorganisation devant se faire par basculement sur le centre hospitalier du pays d’Aix de la plupart des fonctions pouvant être prises en charge depuis le site d’Aix et devant s’accompagner d’une amélioration conséquente des transports intersites ». 

Mais très récemment, dans une espèce topique, le Conseil d’Etat rappelle avec force la lecture qu’il convient d’avoir des dispositions de l’article L.4612-8 du code du travail.

Ainsi, dans son arrêt du 17 juin 2014 (n°363216), le Conseil d’Etat confirme, dans un premier temps, que les dispositions relatives aux CHSCT sont applicables aux établissement de santé et que les CHSCT doivent être « consulté(s) avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail », conformément aux dispositions de l’article L.4612-8 du code du travail.

Mais surtout, et dans un deuxième temps, il réaffirme que l’envergure d’un projet (comme une fusion de plusieurs établissements par exemple) ne justifie pas par lui-même l’obligation de saisir le CHSCT. Il adopte ainsi une position identique à celle de la Cour de cassation qui rappelle régulièrement que le fait qu’un projet concerne un grand nombre de salariés ne suffit à justifier la consultation du CHSCT (soc. 10.02.2010, RTD 2010. 380, obs. Véricel). Il faut que ce projet ait une incidence sur les conditions de travail des personnels, telle une modification du lieu de travail ou de leurs attributions (soc. 30 juin 2010, n°09-13640 ; publiée).

C’est donc une appréciation in concreto que doivent opérer les juges, en déterminant si la décision attaquée, au regard de son contenu, va impacter les conditions de travail.

Dans l’espèce dont avait à connaître le Conseil d’Etat, les requérants attaquaient un décret qui « se borne à créer le nouveau centre hospitalier régional par fusion du centre hospitalier universitaire de Fort-de-France, du centre hospitalier du Lamentin et du centre hospitalier Louis Domergue de Trinité, à fixer son siège et à transférer les droits et obligations des deux établissements au nouveau centre ». Le Conseil d’Etat constate que ce décret, eu égard à son objet « ne modifie pas par lui-même les conditions de travail des personnels concernés ; qu’ainsi, les dispositions précitées du code du travail n’imposaient pas de consulter les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des établissements appelés à fusionner sur le projet de décret ».

En d’autres termes, le décret ne fait qu’entériner la fusion ; il ne contient aucune disposition relative aux conditions de travail des personnels, et la consultation du CHSCT ne se justifie pas. Le Conseil d’Etat vient donc mettre un point d’arrêt à la jurisprudence rendue par la Cour administrative d’appel de Marseille.

En revanche, on peut imaginer, en raison du principe ainsi fixé, que les décisions qui seront prises ultérieurement pour la mise en œuvre de ce projet devront être précédées d’une consultation du CHSCT si elles viennent impacter les conditions de travail des personnels.

Dans un troisième et dernier temps, le Conseil d’Etat souligne que le projet de fusion n’est pas in fine imposé aux personnels. En effet, dans l’espèce dont il avait à connaître, le projet avait été soumis aux comités techniques des établissements concernés, garantissant ainsi le respect du principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. Cette précision est d’importance car elle vient à notre sens conforter et expliciter la position retenue par le Conseil d’Etat.