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Les perturbations majeures intervenues sur les marchés financiers le 15 janvier 2015 ayant fait plonger la parité EURO/Franc Suisse sous la barrière de 1, comme les pressions exercées par les collectivités heureuses détentrices de produits à barrière de change, ont contraint le Gouvernement à envisager une réforme du Fonds de soutien afin qu’il ne devienne pas définitivement inopérant.

 Ainsi, il était annoncé urbi et orbi que le Fonds serait doublé passant de 1, 5 milliards à 3, que les aides pourraient atteindre 75% (et non plus seulement 45%) de l’IRA (indemnité de remboursement anticipé) telle qu’arrêtée au 28 février 2015 et que les banques seraient largement mises à contribution…

 La mise en œuvre de ces mesures suppose incontestablement une modification de la Loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 (article 92) qui limite le pourcentage de l’aide à 45%, du Décret n°2014-444 du 29 avril 2014 [1] et de la Doctrine d’emploi du Fonds de soutien.

 La hiérarchie des normes comme la seule logique conduisaient à procéder à une modification de la Loi, puis du Décret et enfin de la Doctrine.

 Le chemin est emprunté…à l’envers.

 Une nouvelle Doctrine d’emploi du Fonds a été publiée le 2 avril.

 Un Décret n°2015-619 du 4 juin 2015 vient porter modifications du Décret n°2014-444.

 Pour la Loi, on ne sait…On reste dans l’attente de l’adoption et de la publication de la loi NOTRe[2]

 Contentons-nous de ce que nous avons…et examinons ce que dit le Décret n°2014-444 modifié.

 1/ Sur les critères d’appréciation de l’aide

L’article 6 du Décret modifié ajoute, outre le critère du montant de la dette, de la capacité de désendettement, du potentiel financier, et de la part des contrats structurés, un 5ème critère d’appréciation pour la fixation du taux de prise en charge : « Des caractéristiques des contrats de prêt ou des contrats financiers pour lesquels l’aide du fonds de soutien est sollicitée et, notamment, de leur niveau de risque ». Ce qu’annonçait la doctrine révisée : le taux « de prise en charge » prenant en compte la toxicité du prêt à partir de la proportion de l’IRA par rapport au capital restant dû

En outre, le service à compétence nationale va pouvoir majorer, au cas par cas, donc en parfaite opportunité le taux de prise en chargesans pouvoir excéder naturellement le taux maximum devant être fixée par la Loi du pourcentage d’aide (soit selon les seules annonces et la Doctrine 75%) :  « Dans le cas où le remboursement anticipé du contrat de prêt ou du contrat financier au titre duquel l’aide est attribuée expose la collectivité ou l’établissement public concerné à des conséquences d’une particulière gravité au regard de sa situation financière et de l’équilibre de ses comptes, le taux de prise en charge calculé conformément au I peut être majoré, dans la limite de la valeur maximale définie au 1 du I de l’article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 susvisée. » Il est en outre précisé que  « Le montant maximal des crédits du fonds mobilisables à cette fin est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget, du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre chargé de l’outre-mer » (article 5, 1bis). La Doctrine évoquait un taux additionnel (entre 0 et 5% supplémentaires) pour lequel une enveloppe de 100 millions d’euros était réservée et qui devait bénéficier principalement aux collectivités et établissements couvrant une population inférieure à 10 000 habitants. L’arrêté modifiera-t-il ces données ?

2/ Sur les barèmes

Des barèmes spécifiques ( en cohérence avec la Doctrine) pour le calcul des aides du fonds de soutien pour différentes catégories d’établissements ou de collectivités éligibles sont mis en place.

 Ainsi il est précisé que le critère du potentiel financier s’apprécie également s’agissant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en regard de leur potentiel fiscal rapporté à leur population (article 5, 5°).

 Pour les EPCI sans fiscalité propre, le critère du potentiel financier n’est plus applicable.

 Par ailleurs est ajouté à cet article 5, un I ter définissant ce qu’il faut entendre par population pour chaque collectivité et établissement « La population mentionnée au I s’entend comme la population définie respectivement à l’article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, à l’article L. 3334-2 du même code pour les départements, à l’article L. 4332-4-1 du même code pour les régions, à l’article L. 5211-30 du même code pour la métropole de Lyon et comme la population telle que communiquée par l’INSEE à la collectivité concernée pour la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les provinces de la Nouvelle-Calédonie. 

 Pour les groupements sans fiscalité propre, la population s’entend de la somme des populations des collectivités composant le groupement, telles qu’issues du dernier recensement de population. Pour les services départementaux d’incendie et de secours et les établissements publics locaux, la population prise en compte est celle de la collectivité de rattachement. » 

 3/ Sur le montant maximal d’aide                                                                                         

La parution de ce Décret avant la Loi oblige à de petites manœuvres s’agissant des dispositions relatives au montant d’aide maximale pouvant être alloué.

 Le Décret dans sa précédente version prévoyait en son article 4 :« (…) l’aide correspond, pour chaque contrat de prêt, à une fraction, qui ne peut excéder 45 % du montant de l’indemnité de remboursement anticipé due par la collectivité ou l’établissement public au titre du contrat concerné, tel que ce montant a été arrêté dans la transaction conclue avec l’établissement prêteur.

 (…), l’aide correspond à une fraction, qui ne peut excéder 45 % du coût de la résiliation du contrat financier. »

L’article modifié précise « (…), l’aide correspond, pour chaque contrat de prêt, à une fraction, dont la valeur maximale est définie au 1 du I de l’article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 susvisée, de l’indemnité de remboursement anticipé due par la collectivité ou l’établissement public au titre du contrat concerné, tel que ce montant a été arrêté dans la transaction conclue avec l’établissement prêteur.

(…) l’aide correspond à une fraction, dont la valeur maximale est définie au 1 du I de l’article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 susvisée, du coût de la résiliation du contrat financier. »

 Les rédacteurs du Décret ne pouvaient en l’absence de réforme préalable de l’article 92 de la loi du 29 décembre 2013 (qui fixe encore à ce jour le taux maximum à 45%) afficher dans un texte réglementaire donc infra législatif un taux maximal de 75%. Il renvoie donc au texte législatif qu’il reste encore à modifier…

Les collectivités verront-elles un jour la couleur de l’argent promis ?

 4/ La voie dérogatoire

 Le Décret apporte également des précisions quant à la voie dérogatoire qui permet de bénéficier de l’aide du Fonds pendant trois ans (renouvelable semble-t-il une fois, le texte est loin d’être clair) sans procéder au remboursement anticipé. Le montant alloué est consacré au paiement de tout ou partie des charges d’intérêts comprises entre celles résultant de l’application du taux de l’usure en vigueur à la date de signature du contrat et de celles résultant de l’application du taux conventionnel.

 Non seulement  le montant annuel d’aide ne peut pas être supérieur à la différence entre la charge d’intérêts exigible au titre du contrat et la charge d’intérêts telle qu’elle serait calculée en appliquant au capital restant dû le taux de l’usure mais le Décret modifié  ajoute qu’il ne peut être supérieur  à « ce qu’il aurait été si le demandeur avait procédé au remboursement anticipé du prêt ou du contrat financier au titre duquel il sollicite l’aide du fonds de soutien ». Ce que chacun avait d’ores et déjà compris à la lecture quelque peu âpre de la Doctrine.

 5/ Un calendrier qui ne cesse de s’étirer

 Enfin le décret entérine le report de dates déjà acté en pratique :

–  Report des dépôts de dossier du 15 mars au 30 avril

–  Le délai de deux mois suivant la réception de la transmission du dossier qui était imparti  au ministre compétent pour statuer (décision d’attribution ou de refus d’attribution) est caduc « Le délai mentionné à l’alinéa précédent peut être suspendu pour une durée maximale de six mois lorsque le taux de prise en charge défini au I de l’article 5 ou le montant de l’aide ne peut être valablement calculé en raison des variations significatives affectant des éléments de référence tels que les intérêts exigibles ou les indemnités de remboursement anticipé dues. La collectivité ou l’établissement public ayant présenté la demande est informé de la prolongation du délai d’examen de sa demande par le service à compétence nationale créé par le décret n° 2014-810 du 16 juillet 2014. » Opportunité saisie par le service à compétence nationale avant même qu’elle ait été inscrite dans le marbre du règlement. Sont évoquées désormais dans les couloirs des notifications non plus en juillet, ou en septembre mais en octobre.

–  Report du versement de l’aide en une seule fois (s’il reste in fine des collectivités qui en bénéficieront, ce dont on peut douter) du 1er juin 2015 au 1er décembre 2015.

–  Le Décret porte enfin à trois mois le délai dont disposent les collectivités et établissements bénéficiaires pour faire connaître au représentant de l’Etat leur décision d’accepter l’aide proposée.

 

Ce train de sénateurs ne peut manquer de susciter les plus graves craintes, le risque d’un nouveau décrochage de la parité EURO/Franc Suisse n’étant pas une simple hypothèse d’école…

 La journée noire du 15 janvier n’a-t-elle donc rien appris aux pouvoirs publics ?

 Il serait temps d’abandonner le tricot et de mobiliser les compétences.



[1] Relatif au Fonds de soutien aux collectivités territoriales et à certains établissements publics ayant souscrits des contrats de prêt ou des contrats financiers structurés à risques.

[2] Nouvelle organisation territoriale de la République