Scroll Top
Partager l'article



*




L’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite « loi Le Pors » a fixé le principe selon lequel « Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l’Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l’exception de ceux réservés aux magistrats de l’ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l’ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut ».

Le principe de réalité associé à la volonté de réduire le nombre de fonctionnaires disposant d’une certaine stabilité de l’emploi a cependant conduit à ouvrir de plus en plus largement la possibilité de recourir à des agents contractuels … ce qui conduit régulièrement à des plans de titularisation plus ou moins importants (cf. pour une illustration récente, loi n° 2012-347 du 12 mars 2012).

Il n’en demeure pas moins que le recours au contrat doit rester l’exception et répondre à des critères stricts.

Pour la fonction publique d’Etat, les dérogations sont définies par les articles 3 à 6 sexies de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ; pour la fonction publique territoriale, par les articles 3 à 3-6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; pour la fonction publique hospitalière, par les articles 9 à 9-2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

Les principales dérogations admises sont les suivantes :

 

–          Lorsqu’il n’existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondantes  en particulier lorsqu’il s’agit de fonctions nouvellement prises en charge par l’administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées.

–          Lorsque les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d’une durée n’excédant pas 70 % d’un service à temps complet ;

–          Lorsqu’il s’agit d’assurer le remplacement momentané de fonctionnaires ou d’agents contractuels autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d’un congé annuel, d’un congé de maladie, de grave ou de longue maladie, d’un congé de longue durée, d’un congé de maternité ou pour adoption, d’un congé parental, d’un congé de présence parentale, d’un congé de solidarité familiale, de l’accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, de leur participation à des activités dans le cadre des réserves opérationnelle, de sécurité civile ou sanitaire ou en raison de tout autre congé régulièrement octroyé en application des dispositions réglementaires applicables aux agents contractuels.

–          Pour les besoins de continuité du service, pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire.

–          pour faire face à un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité lorsque cette charge ne peut être assurée par des fonctionnaires.

 

Dans chacun de ces cas, la loi encadre strictement la durée et les conditions de renouvellement des contrats, par exemple pour un grand nombre de situations, cette durée est au maximum de trois ans, les contrats étant renouvelables par reconduction expresse dans la limite d’une durée maximale de six ans.

 

Ces grands principes de niveau législatif semblent cependant battus en brèche par plusieurs dispositions, le plus souvent de nature règlementaire, concernant les groupements de coopération constitués entre ou avec des personnes de droit public, Etat, collectivités territoriales, établissements publics de santé, établissements publics locaux.

 

Ainsi, du groupement d’intérêt public (GIP) dont le personnel propre de droit public est obligatoirement régi par le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, en vertu du II de l’article 1er du décret n° 2013-292 du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d’intérêt public).

 

Ainsi du groupement de coopération sanitaire (GCS) de droit public pour lequel le 3ème alinéa de l’article R. 6133-6 du code de la santé publique stipule : « Le décret n° 91-155 du 6 février 1991 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est applicable aux personnes autres que celles mentionnées au dernier alinéa du présent article recrutées par le groupement de coopération sanitaire constitué en personne morale de droit public. »

 

Ainsi du groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) de droit public pour lequel l’article R. 312-194-15 du code de l’action sociale et des familles stipule de la même manière : « le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, le décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l’application de l’article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ou le décret n° 91-155 du 6 février 1991 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est applicable aux personnes recrutées par un groupement de coopération sociale ou médico-sociale constitué en personne morale de droit public, dans des conditions définies par la convention constitutive ».

 

Or, les missions confiées à ces groupements peuvent désormais s’inscrire dans la durée, ces trois groupements pouvant désormais, de manière identique, être constitués pour une durée indéterminée.

 

Dans de telles circonstances, la capacité qui leur est reconnue à être employeurs, de manière générale pour les GCS et GCSMS, de manière « complémentaire » pour les GIP, risque de conduire ces groupements à embaucher sur des contrats de droit public des agents destinés à pourvoir durablement des emplois permanents en contravention avec les dispositions législatives précitées, d’autant plus que ni pour les GCS ni pour les GCSMS, respectivement le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles n’encadrent ou organisent le recrutement d’agents contractuels, contrairement à l’article 4 du décret précité n° 2013-292 du 5 avril 2013 relatif au régime de droit public applicable aux personnels des groupements d’intérêt public.

 

Une telle situation ne manquera pas de susciter de nombreux contentieux d’autant plus que les agents recrutés dans de telles conditions ne pourront vraisemblablement jamais bénéficier de plans de titularisation, aucun poste de titulaire ne pouvant être créés dans ces groupements qui sont des personnes publiques sui generis et non des établissements publics.

 

Les agents recrutés en qualité de contractuels sont donc condamnés à le rester et bénéficieront au mieux d’un CDI s’ils remplissent les conditions. Or on voit mal pourquoi un agent d’un service géré en régie directe par un établissement public de santé pourrait bénéficier d’un plan de titularisation alors que le même agent recruté par un GIP, un GCS ou un GCSMS en serait écarté, sauf à considérer que ces groupements n’ont vocation à recruter que du personnel répondant à des besoins par nature temporaires.

 

Les rédacteurs des textes ont donc une nouvelle fois allumé une bombe à retardement en croyant bien faire en autorisant lesdits groupements à être employeurs et en leur refusant, pour d’obscures raisons, la capacité à employer des fonctionnaires.