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Un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles en date du 15 novembre 2011 met de nouveau en lumière les difficultés d’application du code des marchés publics aux prestations d’avocats.

Par avis d’appel public à la concurrence publié le 22 juillet 2005, la commune de Mantes-la-Ville (Yvelines) avait engagé une procédure d’appel d’offres pour l’attribution d’un marché de prestations juridiques conclu sous la forme d’un marché à bons de commande sans minimum ni maximum, divisé en trois lots droit des collectivités territoriales et de la fonction publique (lot n° 1), droit des marchés publics et de la délégation de la gestion des services publics (lot n° 2), droit de l’urbanisme et droit des sols (lot n° 3).

Un cabinet d’avocats avait, le 17 août 2005, déposé trois offres correspondant aux trois lots mentionnés ci-dessus, l’acte d’engagement faisant état d’un prix global précédé d’un symbole mathématique signifiant approximativement égal à ; par une lettre du 4 novembre 2005, le maire de Mantes-la-Ville l’a informé du rejet de ses offres ; le 13 juin 2008, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les demandes du cabinet d’avocats tendant à l’annulation de la décision du 4 novembre 2005 ainsi que de la décision d’attribution du marché et de condamnation de la commune de Mantes-la-Ville à l’indemniser du préjudice subi du fait de son éviction, constatant que la commune a rejeté l’offre en faisant application des dispositions de l’article 53 du CMP dès lors qu’elle a estimé que la présentation d’un prix approximatif rendait l’offre non conforme à l’objet du marché.

La CAA de Versailles confirme la décision de première instance, considérant que la commune de Mantes-la-Ville était tenue d’éliminer l’offre incomplète et, donc, irrégulière.

"Approximativement égal à", là réside une partie de la question de l’applicabilité du CMP aux prestations juridiques. Eh oui, les prestations juridiques ne sont pas des yaourts, des m3 de béton, des m² de routes goudronnées, des ramettes de papier, des heures de gardiennage, des kilomères parcourus, des heures de vol, des scanners, des IRM, des…

Un dossier n’est jamais identique, malgré les apparences pour le profane, à un autre dossier du même type, qu’il s’agisse de conseil ou de contentieux, de pénal, de civil, d’administratif, etc.

Alors, comment fixer un prix ferme et définitif a fortiori lorsque l’on ne dispose pas de toutes les pièces du dossier ni des éléments de contexte ? Aucun système informatique, aucune boule de cristal ne permet de prédire avec certitude le coût global et final d’un dossier ou d’un élément de procédure. On est donc bien dans l’approximation. Toute affimation contraire relève de l’escroquerie intellectuelle, même dans des dossiers "sériels".

Le prix ferme et définitif conduit en tout état de cause, dans la plupart des cas, à des situations injustifiables :

– soit la vente à perte de la prestation qui imposera au prestataire de se "refaire" dans d’autres dossiers, sauf à être suicidaire ou …à moins qu’il n’use et n’abuse, avec la complicité de l’acheteur public, des avenants ;
– soit la surfacturation de la prestation, afin de limiter les risques économiques, au détriment des deniers publics.

On est loin de la transparence et de l’optimisation des deniers publics qui font partie, paraît-il, des objectifs poursuivis par les procédures d’achat public.