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L’article 101 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics poursuit l’encadrement du recours aux contrats d’occupation du domaine public initié par l’article 34 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019[i]. Il modifie en effet le code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) qu’il complète. Désormais, « Une autorisation d’occupation temporaire ne peut avoir pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, pour le compte ou pour les besoins d’un acheteur soumis à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou d’une autorité concédante »[ii].

Il semble que, comme précédemment pour l’article 34 de la loi du 29 décembre 2014, une lecture rapide a pu laisser croire à certains que le nouveau dispositif interdisait de manière générale le recours aux autorisations d’occupation temporaire ou baux emphytéotiques administratifs notamment par les établissements publics de santé.

C’est oublier la précision apportée par la loi qui limite l’interdiction aux seuls contrats qui ont pour objet « l’exécution de travaux, la livraison de fournitures, la prestation de services, ou la gestion d’une mission de service public, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, pour le compte ou pour les besoins d’un acheteur soumis à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou d’une autorité concédante ».  

Cette précision renvoie exclusivement, tout comme l’article 34 précité[iii] auquel elle fait écho, à la définition des différents contrats de la commande publique : « Les marchés sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à la présente ordonnance avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services »[iv].

Le champ couvert par l’article 101 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 est cependant plus vaste que celui de l’article 34.

Il vise :

–        non seulement, comme l’article 34, les marchés publics « complexes » qu’il s’agisse des contrats de partenariat proprement dits (régis pour l’instant par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004) ou les contrats de partenariat « sectoriels » qui reposent en particulier sur une utilisation du domaine public, dans lesquels les ouvrages réalisés par l’occupant répondent clairement aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur propriétaire du terrain d’assiette et sont destinés soit à être mis à sa disposition soit à devenir sa propriété, étant rappelé que le droit européen est indifférent à la qualité de propriétaire[v].

–        Mais également :

  • Les contrats dans lesquels l’occupant du domaine public ne livre pas un immeuble au pouvoir adjudicateur (contrat aller-retour) mais utilise le domaine public pour fournir à ce dernier des prestations de services ou des fournitures (par exemple dans le domaine hospitalier, blanchisserie, restauration, chauffage, etc.) ;
  • les contrats de délégation de service public.

 

L’article 101 rétablit ainsi la logique juridique, qui avait été totalement dévoyée depuis une trentaine d’années par de nombreux acheteurs publics mais également par les rédacteurs de nombreux textes (loi HPST, par exemple) dans lesquels l’occupation du domaine public primait la commande publique, ce qui a permis des contournements des règles de la commande publique aux conséquences financières souvent catastrophiques.

Désormais, il convient de tenir compte de l’objet principal du contrat (fourniture de biens ou de services à un acheteur public), l’occupation du domaine public, lorsqu’elle est nécessaire, constituant un accessoire du marché public ou de la délégation de service publique : « Dans le cas où un titre d’occupation serait nécessaire à l’exécution d’un contrat de la commande publique, ce contrat prévoit, dans le respect des dispositions du présent code, les conditions de l’occupation du domaine ».

En aucun cas, l’article 101, pas plus que l’article 34, ne vise les utilisations « simples » du domaine public qui ont pour seul objet de permettre à un tiers d’utiliser le domaine public, voire de construire un équipement, en vue de répondre à ses seuls besoins qui sont obligatoirement distincts de ceux du pouvoir adjudicateur

Cette analyse qui figurait déjà dans le Rapport n°55 du 29 octobre 2014 de M. Albéric de Mongolfier au nom de la commission des finances du Sénat (sous l’article 29bis)[vi], a été confirmée depuis par la Direction des affaires juridiques du ministère chargé des finances en ce qui concerne l’article 34 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 [vii] :

« Il résulte de la définition du champ matériel de l’article 34 que les BEA, BEH et autorisations d’occupation temporaire du domaine public, qui n’impliquent pas d’opérations de réalisation, de modification ou de rénovation d’ouvrages, d’équipements ou biens immatériels spécifiés par l’autorité publique à la conclusion de l’autorisation ou de la convention dans le but de répondre à ses propres besoins, sont exclus de cette interdiction.

La LPFP n’entend donc pas remettre en cause les outils de valorisation du patrimoine des personnes publiques. Seuls les montages dits «aller-retour» sont désormais interdits aux organismes concernés ».

Nul doute que la même confirmation intervienne rapidement en ce qui concerne l’article 101 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015.

Les établissements publics de santé peuvent donc continuer à mettre à disposition leur domaine public, contre paiement d’une redevance, au profit de tiers en vue de le rentabiliser ou d’améliorer le service rendu (cafétéria, librairie, association de dialyse, maison médicale, etc.).

Le fait que les occupants ainsi autorisés puissent construire des ouvrages revenant au terme de l’occupation à l’établissement public de santé, par stricte application du code général de la propriété des personnes publiques, ne fait pas de ces contrats des marchés publics, puisque l’ouvrage en cause répond initialement aux seuls besoins de l’occupant et en aucun cas aux besoins du pouvoir adjudicateur.

Il est cependant nécessaire de s’assurer cas par cas, au regard notamment des obligations mises à la charge de l’occupant, de s’assurer que le contrat ne constitue pas une délégation de service public (par exemple, en matière d’installations de téléphone-télévision-internet[i]).

On relèvera quez la loi de modernisation ne modifie en rien ce cadre juridique même si le projet du Sénat tel que modifié en la matière par l’Assemblée nationale comporte la disposition suivante :

« Article 26 ter B (Non modifié)

I. – Après l’article L. 6148-7 du code de la santé publique, sont insérés des articles L. 6148-7-1 et L. 6148-7-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 6148-7-1. – Les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique ne peuvent conclure directement les contrats suivants :

« 1° Les contrats de partenariat, au sens de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat ;

« 2° Les baux emphytéotiques administratifs, au sens de l’article L. 2341-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les baux emphytéotiques hospitaliers, au sens de l’article L. 6148-2 du présent code, ou les contrats de crédit-bail, au sens des articles L. 313-7 à L. 313-11 du code monétaire et financier, qui ont pour objet la réalisation, la modification ou la rénovation d’ouvrages immobiliers répondant à un besoin précisé par la collectivité publique et destinés à être mis à sa disposition ou à devenir sa propriété.

« Cette interdiction ne s’applique pas aux projets dont l’avis d’appel public à la concurrence a été publié avant le 1er janvier 2015.

« Art. L. 6148-7-2. – L’État peut conclure, pour le compte d’une personne publique mentionnée à l’article L. 6148-7-1, un des contrats mentionnés au même article, sous réserve que l’opération soit soutenable au regard de ses conséquences sur les finances publiques et sur la situation financière de la personne publique. »

II. – Le I de l’article 34 de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ainsi que les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique » sont supprimés ;

2° Au 2°, les mots : « , les baux emphytéotiques hospitaliers, au sens de l’article L. 6148-2 du code de la santé publique » sont supprimés ».

Il s’agit d’une simple codification dans le code de la santé publique des dispositions de l’article 34 de la loi de programmation.

 



 

[i] CE, 7ème / 2ème SSR, 07/03/2014, 372897, Inédit au recueil Lebon.

 

 



[i] Celui-ci comportait notamment les dispositions suivantes : « I. – Nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables, les organismes, autres que l’Etat, relevant de la catégorie des administrations publiques centrales et dont la liste est établie par l’arrêté mentionné au I de l’article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, ainsi que les établissements publics de santé et les structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique ne peuvent conclure les contrats suivants :

1° Les contrats de partenariat, au sens de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat ;

2° Les autorisations d’occupation temporaire, au sens de l’article L. 2122-6 du code général de la propriété des personnes publiques, les baux emphytéotiques administratifs, au sens de l’article L. 2341-1 du même code, les baux emphytéotiques hospitaliers, au sens de l’article L. 6148-2 du code de la santé publique ou les contrats de crédit-bail, au sens des articles L. 313-7 à L. 313-11 du code monétaire et financier, qui ont pour objet la réalisation, la modification ou la rénovation d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels répondant à un besoin précisé par la collectivité publique et destinés à être mis à sa disposition ou à devenir sa propriété.

Cette interdiction ne s’applique pas aux projets dont l’avis d’appel public à la concurrence a été publié avant le 1er janvier 2015. »

[ii] Article L. 2122-6 du CG3P.

[iii] L’article 34 vise les contrats « qui ont pour objet la réalisation, la modification ou la rénovation d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels répondant à un besoin précisé par la collectivité publique et destinés à être mis à sa disposition ou à devenir sa propriété »
[iv] Article 4 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015.
[v] CJCE, 18 janv. 2007, aff. C-220/05, Jean Auroux c/ Cne Roanne ; Rec. CJCE 2007, I, p. 385.