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Hier la Suisse a été envahie par le doute. Tout polonais dirait que c’est un moindre mal, mais il n’empêche que la décision prise ce 15 janvier 2015 par la Banque Nationale Suisse (BNS) d’abandonner  le cours plancher du franc suisse de 1,2 pour un euro a provoqué un séisme financier en révélant les doutes de cette institution sur sa capacité à imposer ce cours forcé, et sur la valeur future de la monnaie unique.

En 2011, la BNS avait été une des premières banques centrales à se porter sur le front de la guerre des monnaies pour éviter une appréciation trop rapide et trop forte de la devise suisse qui aurait durement affecté ces secteurs clés de l’économie helvétique que sont l’industrie – fortement exportatrice –et le tourisme.

A cet effet, elle avait acheté massivement des Euros et réitéré à plusieurs reprises sa volonté « inébranlable » de défendre un cours plancher de 1,2 franc suisse pour un Euro, ce qui avait permis à la devise suisse de se maintenir à ce niveau au cours des trois dernières années.

En annonçant le 18 décembre 2014 l’introduction de taux négatifs, La Banque nationale avait encore expliqué qu’elle voulait ainsi « renforcer le cours plancher de 1,20 franc pour 1 euro » et qu’elle «  continuera(it) de le faire prévaloir avec toute la détermination requise » en affirmant que « le cours plancher demeure l’instrument central pour prévenir le durcissement inopportun des conditions monétaires qu’entraînerait une appréciation du franc. »

Il suffit de comparer ces déclarations datant d’à peine un mois avec la décision prise hier, pour comprendre que la BNS a fini par capituler brutalement en rase campagne, et s’est résignée à laisser fluctuer sa monnaie faute de pouvoir continuer à lutter contre la spéculation.

Il s’en est suivi une hausse brutale et considérable du Franc suisse contre l’Euro (hier le cours de 0,85 a même été atteint avant que le cours de l’Euro-franc suisse ne se stabilise autour de la parité) et contre le Dollar US, tandis qu’un krach se produisait sur la bourse suisse avec une baisse de 8,67% de son principal indice à la clôture (les -13% ayant été atteints en séance).

On peut estimer que les marchés ont comme d’habitude sur-réagi et que la panique a été mauvaise conseillère : une stabilisation du franc suisse, peut-être dans une bande de fluctuation entre 1 et 1,1, est envisageable, d’autant que la BNS va certainement tenter de reprendre un peu le contrôle de la situation après la volée de bois vert, méritée ou pas, que vient de lui valoir sa décision. 

Cependant pour tous ceux, et ils sont nombreux, qui se sont endettés en francs suisse, la décision d’hier est une très mauvaise nouvelle dont les effets négatifs vont durablement et fortement se faire sentir.

Il en est naturellement de même pour tous les titulaires d’emprunts « toxiques » dont le taux varie en fonction de la parité Euro/CHF (et dans une moindre mesure pour ceux dont le taux varie en fonction de la parité USD/CHF).

Ceux-là peuvent aussi s’attendre à passer un très très mauvais moment et qui risque de durer très longtemps. Ils peuvent également craindre que leur situation ne s’aggrave encore si des décisions de la Banque centrale européenne (BCE) ou des facteurs géopolitiques (les élections grecques ou espagnoles, les tanks de Poutine en route vers Kiev…)  venaient à peser encore davantage sur la valeur de l’Euro.

D’ores et déjà, le taux des emprunts indexés sur la parité euro/CHF va passer dans la plupart des cas d’environ 9 % à environ 25% (mais ce peut être plus en fonction des formules…). Et il est décidément bien tard pour s’en défaire puisque le coût de leur remboursement anticipé s’accroît naturellement en proportion.

Bref, à leur échelle, une catastrophe. Et un risque évident de défaillance des plus fragiles ou des plus endettés de cette façon.

En France, il est le plus souvent inutile de désigner des responsables puisque ceux-ci, surtout s’ils sont puissants (pauvres et misérable cela marche encore) sont généralement préservés des mises en cause de leurs responsabilités.

On pourra toutefois avoir une pensée pour les banques qui ont commercialisé n’importe comment ces n’importe quoi de la finance, et qui ont ensuite obstinément refusé de reconnaître qu’elles pouvaient avoir des torts et d’assumer une part – même modique – des pertes qu’elles ont causé à leurs clients.

En jouant obstinément la montre dans les procédures engagées à leur encontre, en ne négociant jamais avec une réelle volonté de compromis, et, en définitive, en comptant sur le découragement de leurs clients pour que ceux-ci, de guerre lasse et avec un peu d’aide des pouvoirs publics assument à leur place l’intégralité de la facture de leurs emprunts toxiques, elles ont rendu à la Nation et aux contribuables un bien mauvais service. Que nous allons tous, sauf elles, payer très cher, et bien plus cher que ce que cela nous aurait coûté il y a encore quelques semaines.

Que faire ?

Attendre et voir. Par exemple la suite de ce billet demain.