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La Cour de cassation a accepté, dans un arrêt du 16 septembre 2015 publié au bulletin sous le numéro 14-40027, de transmettre au Conseil Constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la conformité à la Constitution de l’obligation pour l’employeur de régler les honoraires d’un cabinet d’expert agréé correspondant à une expertise ordonnée par une délibération du CHSCT elle-même définitivement annulée par le juge judiciaire.

* Cassation sociale 16 septembre 2015

« Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

“Les dispositions de l’article L. 4614-13 du code du travail et l’interprétation jurisprudentielle constante y afférente sont-elles contraires aux principes constitutionnels de liberté d’entreprendre et/ou de droit à un procès équitable lorsqu’elles imposent à l’employeur de prendre en charge les honoraires d’expertise du CHSCT notamment au titre d’un risque grave, alors même que la décision de recours à l’expert a été judiciairement (et définitivement) annulée ?”

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, lequel concerne le paiement des honoraires de l’expert mandaté par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en raison d’un risque grave constaté dans l’entreprise ;

Qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;

Que la question posée présente un caractère sérieux, en ce que l’absence de budget propre du CHSCT, qui a pour conséquence que les frais de l’expertise sont à la charge de l’employeur, y compris lorsque ce dernier obtient l’annulation de la délibération ayant décidé de recourir à l’expertise après que l’expert désigné a accompli sa mission, est susceptible de priver d’effet utile le recours de l’employeur ; D’où il suit qu’il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ; »

 

Il était temps que ce point soit effectivement examiné dans le cadre d’une QPC, le chef d’entreprise tout comme le directeur d’hôpital ne pouvant concevoir d’être contraint de régler les honoraires d’un cabinet d’expert agréé sur une expertise ordonnée illégalement ou ne se justifiant pas au regard des critères fixés par la loi.

 On relèvera que la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se positionner sur cette problématique dans un arrêt du 5 mai 2013 rendu sous le numéro 11-24218 ; « Qu’en statuant ainsi, alors d’une part, que, tenu de respecter un délai qui court de sa désignation, pour exécuter la mesure d’expertise, l’expert ne manque pas à ses obligations en accomplissant sa mission avant que la cour d’appel se soit prononcée sur le recours formé contre une décision rejetant une demande d’annulation du recours à un expert, et alors, d’autre part, que l’expert ne dispose d’aucune possibilité effective de recouvrement de ses honoraires contre le comité qui l’a désigné, faute de budget pouvant permettre cette prise en charge, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi incident ;CASSE ET ANNULE, en ce qu’il a confirmé l’ordonnance du 28 décembre 2010 par laquelle le président du tribunal de grande instance a débouté la société ISAST de sa demande en paiement de ses honoraires, l’arrêt rendu le 29 juin 2011, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges ; »

Si le Conseil Constitutionnel déclarait non conforme à la Constitution les dispositions de l’article L.4614-13 du code du travail et son interprétation jurisprudentielle opérée par la Chambre sociale de la Cour de cassation et les juges du fond, cela signifierait que le législateur devrait réécrire ces dispositions et que ce serait enfin l’occasion de régler une bonne fois pour toute cette anomalie juridique source de contentieux sur le montant des honoraires, parfaitement justifiés au regard du contenu et de la qualité des rapports produits.

On voit mal d’ailleurs comment le Conseil Constitutionnel pourrait déclarer conforme à la Constitution cet article tel qu’il est interprété jusqu’à présent par la chambre sociale de la Cour de cassation car cela priverait effectivement de tout effet le recours de l’employeur pourtant prévu par la loi.

En effet, si la loi permet à l’employeur d‘exercer un recours à l’encontre d’une décision d’un tiers qui met à sa charge une contrainte financière mais que cette même loi, telle qu’interprétée par le juge lui-même chargé de dire le droit, rend non effectif ce droit à l’exercice d’un recours, nous sommes bien face à une inconstitutionnalité.

On peut donc avancer sans trop de risque que le Conseil Constitutionnel devrait rendre une décision de non-conformité à la Constitution.

En tout état de cause, il serait opportun, à défaut d’une autre solution, que le CHSCT dispose d’un budget propre sous la responsabilité de ses membres et de son secrétaire. Nous constaterions très certainement alors une baisse sensible du nombre d’expertises sollicitées par le CHSCT.

Cette problématique rejoint en outre celle, prégnante pour le chef d’entreprise, de la fusion entre le Comité d’entreprise et le CHSCT. Beaucoup a déjà été écrit sur ce point et le pouvoir réglementaire ne semble pas écarter cette hypothèse même si, comme à l’accoutumé, le pouvoir politique avance sur ce terrain avec une prudence non feinte.

En ce qui concerne l’hôpital public, la question de la fusion du CTE et du CHSCT se pose également. Nombre de directeurs peuvent témoigner que le CTE n’a plus le même rôle que par le passé et que le CHSCT, qui doit en principe débattre et œuvrer sur des thématiques de santé au travail et de condition de travail, empiète fortement sur le périmètre dudit CTE.

A quoi bon dès lors maintenir de multiples instances représentatives du personnel dont les membres sont très souvent les mêmes personnes, alors que nous pourrions parfaitement nous contenter d’une seule institution représentative du personnel ? Pour des raisons politiques ? Il n’est pas certain que ce motif qui n’est ici que supposé, soit un gage d’efficacité.