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Est paru au Journal officiel de ce jour le Décret n° 2011-206 du 23 février 2011 relatif aux comptes combinés des communautés hospitalières de territoire.

Celui-ci qui doit encore être complété par un arrêté des ministres chargés du budget et de la santé fixant les modalités d’élaboration et de présentation des comptes combinés, stipule qu’il appartient à la convention de communauté hospitalière de territoire de :

– Fixer l’exercice à partir duquel sont établis les comptes combinés de la communauté hospitalière de territoire. Cet exercice ne peut être postérieur à celui de la troisième année suivant la création de la communauté ;

– Désigner l’établissement partie à la convention dont le directeur est chargé d’élaborer les comptes combinés de la communauté hospitalière de territoire avec le concours des directeurs des autres établissements parties et des comptables de l’ensemble des établissements ;

– Déterminer la date à laquelle les comptes combinés de la communauté hospitalière de territoire sont présentés à la commission de communauté, chaque année, par le directeur de l’établissement désigné. Cette date ne peut être postérieure au 31 décembre de l’année suivant celle de l’exercice concerné.

Il précise que les comptes combinés de la communauté hospitalière de territoire résultent de l’agrégation des comptes annuels de l’ensemble des établissements publics de santé parties à la convention, après retraitements éventuels et sont constitués du bilan combiné, du compte de résultat combiné et d’une annexe explicative aux comptes combinés.

Pour mémoire, nous faisons figurer ci-après l’article publié dans Finances Hospitalières qui éclaire les enjeux de ce dispositif apparemment anodin :

Consolidation, combinaison ou « combinazione » ?

“Alors, vous faites pas d’illusions, votre combine est mauvaise mais votre compte est bon ». Jacques Prévert, Choses et autres

De quoi s’agit-il et que se cache-t-il derrière cette expression ?

Le projet de loi prévoyait primitivement une « agrégation » des comptes de l’ensemble des établissements membres de la CHT : « Le président du directoire de l’établissement siège de la communauté hospitalière de territoire présente dans des conditions et selon des modalités déterminées par voie réglementaire, les comptes agrégés de l’établissement siège de la communauté et de ses établissements membres et les transmet au directeur général de l’agence régionale de santé compétent pour l’établissement siège ». Ceci, sans autre précision, aurait pu se traduire par une « consolidation » des comptes.

Or, la consolidation des comptes ne s’impose qu’aux entreprises « contrôlées » par ou sous influence notable d’une entreprise dite « consolidante ». Elle s’applique également à d’autres structures juridiques, y compris dans la sphère publique comme les établissements publics de l’Etat, dès lors que ces derniers « contrôlent une ou plusieurs personnes morales ou qu’ils exercent une influence notable »(1).

La consolidation n’aurait donc été possible que dans l’hypothèse d’une filialisation des établissements publics de santé, l’établissement siège jouant alors le rôle de société-mère, ce qui ne pouvait en réalité s’envisager, s’agissant d’établissements publics, que dans le cadre d’une fusion juridique au sein de la CHT écartée pour l’instant par la représentation nationale.

La loi a donc retenu sagement la notion de « comptes combinés » définie à l’origine dans l’avis n° 94-02 du 28 octobre 1994 du Conseil national de la comptabilité sur la méthodologie relative aux comptes combinés. Selon cet avis, lorsque les entreprises sont liées par des relations économiques de natures diverses, sans que leur intégration résulte de liens de participation organisant des relations entre l’entreprise consolidante et l’entreprise contrôlée ou sous influence notable, la cohésion de ces ensembles peut les conduire à établir des comptes qui sont désignés par le terme de “comptes combinés”.

La combinaison des comptes a depuis fait notamment l’objet du Règlement n° 99-02 du 29 avril 1999 du Comité de la réglementation comptable relatif aux comptes consolidés des sociétés commerciales et entreprises publiques modifié par le Règlement CRC 2002-12 du 12 décembre 2002. Initialement, ne pouvaient préparer des comptes combinés que les entreprises commerciales. Cette possibilité a été étendue par la suite à de multiples personnes morales, dont les associations, puis aux collectivités territoriales et à leurs satellites ainsi qu’aux entreprises publiques.

En vertu de ces dispositions, la combinaison est essentiellement un cumul des comptes dans lequel les comptes réciproques, actifs et passifs, charges et produits, sont éliminés et les résultats provenant d’opérations effectuées entre les entreprises combinées neutralisés.

Le périmètre de la combinaison est constitué par l’ensemble des entités qui sont « soit combinées entre elles, soit consolidées par l’une ou plusieurs des entités combinées ». Au cas d’espèce, il s’agira de l’ensemble des établissements publics de santé membres de la CHT.

Un accord conventionnel de combinaison doit nécessairement être conclu par écrit entre les entités prenant part à l’opération. Il s’agira de la convention « constitutive » de la CHT ainsi que l’indique l’article L. 6132-2 du CSP. Il est plus que vraisemblable qu’il appartiendra à l’établissement siège d’établir les comptes combinés de la CHT, cette mission incombant en application du Règlement CRC n° 99-02 modifié sus-visé à l’entité combinante.

Si l’on se réfère à ce Règlement, la convention devrait préciser :

« 1°) Les engagements pris afin de garantir une durée suffisante aux accords ou liens conduisant à l’exigence et aux méthodes de combinaison d’un exercice à l’autre, dans le respect des règles applicables en la matière.

2°) Les conditions et modalités d’engagement pris par les parties prenantes afin de garantir la transmission, dans les délais fixés, de toutes les informations nécessaires à l’établissement des comptes combinés ».

Les comptes combinés devraient comporter les documents comptables suivants :

• bilan combiné,

• compte de résultat combiné,

• annexe des comptes combinés.

Ils pourraient également inclure un tableau de financement ou un tableau des flux de trésorerie, ainsi qu’un tableau de variation des capitaux propres combinés. Un rapport de gestion des comptes combinés pourrait également être établi. Les méthodes comptables appliquées par les différents établissements publics de santé dont les comptes seront combinés, devraient être harmonisées.

Officiellement, ainsi que l’a déclaré la Ministre lors de l’examen du texte au Parlement, la combinaison des comptes permettra à l’Agence Régionale de Santé de mesurer l’impact budgétaire et financier des restructurations menées dans le cadre de la CHT : « Afin d’objectiver les gains qui accompagneront la mise en oeuvre des CHT, celles-ci produiront des « comptes combinés » pour mettre en exergue les enjeux financiers de la démarche et l’efficience qui en résultera ».

Cependant, elle fournira plus sûrement à l’Agence Régionale de Santé les éléments budgétaires, financiers et patrimoniaux qui lui permettront d’imposer des échanges de fonds propres dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, des projets d’établissement, des plans globaux de financement pluriannuels et des programmes d’investissement des établissements membres de la CHT. En effet, pourquoi soutenir financièrement et budgétairement un établissement alors que son voisin dispose d’une trésorerie appréciable, dégage des excédents de gestion ou dispose d’un patrimoine qui pourrait avantageusement être cédé ?

Elle pourrait de surcroît permettre une gestion budgétaire territorialisée ce qui simplifierait le rôle de la tutelle. Elle pourrait également permettre au commissaire aux comptes de l’entité combinante (l’établissement siège) de conduire des investigations dans les entités combinées si les pouvoirs publics s’inspirent de l’article L.823-14 du Code de commerce. En effet, l’article L. 6145-16 du code de la santé publique, en partie censuré par le Conseil Constitutionnel(2), prévoit désormais la possibilité d’une certification des comptes des établissements publics de santé par un commissaire aux comptes. Ceci ne manquerait pas de renforcer la suprématie de l’établissement siège sur les autres établissements de la CHT.

Les comptes combinés pourraient enfin préparer, en la facilitant, la fusion juridique, budgétaire, comptable et financière des établissements membres de la CHT…

Ainsi, le bref alinéa de l’article L. 6132-2 ici commenté, malgré son aspect anodin, n’aura donc vraisemblablement pas pour unique vertu de permettre une connaissance plus précise des finances hospitalière locales, d’améliorer l’outil statistique ou de fournir un nouveau champ d’investigation à l’analyse financière.