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L’article 60 du projet de loi de finances pour 2014 tel qu’adopté par l’Assemblée Nationale :

Variations sur le thème : Peut-on choisir entre la peste et le choléra ?

L’Assemblée nationale vient d’achever l’examen en première lecture de l’article 60 du projet de Loi de finances pour 2014.

On sait que cet article porte création du fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts toxiques, et qu’il définit dans leurs grandes lignes les conditions et les modalités d’intervention de ce fonds (I). 

Il cherche aussi à « sécuriser » les contrats de prêts souscrits avant l’entrée en vigueur de cette loi, en validant rétroactivement ceux dont le taux effectif global n’aurait pas été communiqué à l’emprunteur,  et en limitant les conséquences pour les banques de l’indication d’un taux effectif  global erroné  (II).

(I)                 Le fonds de soutien et ses conditions et modalités d’intervention.

Sur le plan financier, les travaux parlementaires n’ont pas modifié les moyens d’intervention de ce « fonds » non doté de la personnalité morale, et qui n’est donc en définitive qu’une ligne budgétaire dédiée.

Son enveloppe totale reste fixée à un montant d’au plus  1,5 milliards d’Euros, correspondant  à un abondement annuel de 100 millions d’Euros pendant une durée maximale de 15 ans.

Cet argent doit aider les collectivités territoriales qui en bénéficieront, à payer une partie (au plus 45%) des « indemnité de remboursement anticipé » (IRA) qui devront être acquittées pour permettre de sortir définitivement (opération dite de « débouclage ») des emprunts structurés et des instruments financiers (en fait des produits dérivés qu’on appelle des « contrats financiers ») visés par ce dispositif.

C’est-à-dire ceux qui exposent leurs souscripteurs aux plus grands risques financiers (certains de ces prêts imposent actuellement aux emprunteurs de payer des intérêts à un taux supérieur à 15% l’an ou à devoir payer trois fois le capital remboursé, en plus de celui-ci, pour y mettre fin).

Mais les moyens dont dispose ce fonds vont vite s’avérer insuffisants, et on peut craindre qu’il n’alimente une nouvelle fuite en avant.   

1-      Des moyens très en deçà des besoins, et un risque de fuite en avant:    

Il est assez facile de voir que les caractéristiques de cette enveloppe ne permettront pas d’atteindre l’objectif d’une « désensibilisation » immédiate des encours les plus risqués.

En effet, les chiffres de la seule CAFFIL  (ex-DEXIA MUNICIPAL AGENCY – « DMA »)  montrent que les IRA des emprunts structurés les plus sensibles de cet établissement représentent un total de 4,180 milliards d’Euros au 30 juin 2013. Les 1,5 milliards projetés pour le fonds ne couvrent donc que 35% de ce total, et ce alors même que d’autres banques portent dans leurs encours des emprunts structurés  qui ne sont pas compris dans ces estimations.

En outre le Fonds a vocation au-delà des emprunts structurés  à permettre le remboursement anticipé de produits structurés dérivés, dont des options de change et de taux ou des swaps particulièrement toxiques.

Or le coût de résiliation anticipée de ces contrats financiers n’apparaît pas dans les données CAFFIL fournies au parlement.

A cela, il faut ajouter que le fonds ne sera abondé que de 100 millions d’Euros par an.

Le milliard et demi promis ne sera donc atteint – s’il l’est un jour…. – qu’au bout de sa durée maximale de 15 ans[1] alors que le dispositif du fonds impose aux bénéficiaires de déposer avant le 15 mars 2015 leurs demandes d’aide, et qu’il conditionne en principe le versement[2] de celle-ci à la conclusion d’un accord transactionnel.

Force est alors de constater qu’au 15 mars 2015, le fonds n’aura été abondé qu’à hauteur de 200 millions d’Euros, montant qu’il faut comparer au montant total des IRA  dues à la seule CAFFIL et pour les seuls emprunts les plus sensibles de cet établissement, et qui est, rappel, de  4,180 milliards…

Il est donc illusoire d’imaginer que les ressources du fonds rendront possibles un remboursement immédiat dans le courant de l’année 2015  des encours les plus risqués, même en tenant compte du fait que l’aide du fonds est au mieux de 45% du montant des indemnités payées à ce titre.

Et la même remarque reste valable, si on étend à 2016 le calendrier de mise en œuvre de versement de ces aides au remboursement anticipé, pour tenir compte du temps des négociations  avec les banques et d’instruction des dossiers de demande.  En 2016, le fonds n’aura été abondé qu’à hauteur de 300 millions d’Euros, ce qui reste totalement insuffisant.

On ne voit donc pas du tout comment pourront être remboursés de façon immédiate les encours les plus « sensibles ». 

Certainement conscients du décalage entre les promesses faites aux collectivités territoriales et les dures réalités financières, et prétextant la possibilité – assez illusoire… – d’un retour à meilleure fortune de ces produits financiers à risques, les parlementaires ont fait évoluer le texte pour que le remboursement anticipé ne soit pas la seule solution offerte aux collectivités souhaitant bénéficier de l’aide du fonds.

Alors que le texte initial incitait les collectivités à déboucler le plus rapidement possible les produits structurés qu’elles avaient souscrits, le texte modifié par les travaux parlementaire donne aux collectivités la possibilité de bénéficier du soutien du fonds pour une durée dans un premier temps limitée à trois ans à compter du dépôt de la demande, mais renouvelable par périodes successives de trois ans, jusqu’au terme des emprunts et des contrats financiers concernés, afin de les aider à faire  face aux charges financières relatives à ces produits structurés.

Cette aide serait toutefois, selon le projet de décret à l’étude, plafonnée à 20% de la charge d’intérêt annuelle et, à 45% du montant de l’IRA.  

Le rapport prévoit « Les modalités de détermination du montant de l’indemnité de remboursement anticipé pris en compte dans le calcul de la subvention versée seront déterminées par le décret en Conseil d’État mentionné à l’alinéa 8. Le projet de décret prévoit de retenir le montant le plus petit entre celui qui est constaté au 31 décembre 2013 et celui qui est retenu dans le cadre de la transaction ; il convient en effet de fixer ex ante les montants des indemnités de remboursement anticipé et d’éviter d’exposer le fonds à une augmentation de ceux-ci en cas de dégradation des conditions de marché. »

En définitive, Il n’est donc plus tellement question de contraindre les intéressés à solder définitivement leurs opérations structurées en « prenant leur perte », mais de les aider à supporter sur la très longue durée de ces opérations les surcoûts financiers résultant de celles-ci.

Faute de pouvoir, ou de vouloir, absorber immédiatement les conséquences financières des décisions ayant abouti à la souscription de ces produits, on les étale dans le temps en évitant de reconnaître tout de suite les passifs générés par ceux-ci.

Cette façon de faire, qui trouve son explication naturelle dans l’insuffisance des moyens mis en œuvre, se présente évidemment de façon plus flatteuse dans les travaux parlementaires: il s’agit de donner aux collectivités « la possibilité de sortir à moindre coût en attendant l’amélioration éventuelle des conditions de marché ».

Cependant quid si ces conditions de marché se détériorent encore davantage ? 

Les taux actuellement très bas de l’Euro ne seront pas éternels. Et pour les produits les plus risqués, par exemple ceux indexés sur la parité EURO/CHF, les anticipations actuelles du marché vont plutôt dans le sens d’une nouvelle hausse du franc suisse contre l’euro à moyen/long terme, que d’une baisse.

Les pertes latentes aujourd’hui constatées risquent donc, non pas de se réduire, mais de se creuser encore davantage. Ce qui ne fera qu’aggraver l’écart entre les besoins financiers et les moyens disponibles.

On continue dès lors à tirer des traites sur un avenir que l’on peine pourtant à imaginer radieux,  et les comportements à risque de certains banquiers ne sont toujours pas sanctionnés.

Le contribuable devant encore et toujours payer pour ces fautifs, sans qu’aucun responsable n’ait été ne serait-ce que poursuivi, comme le déplore le rapport consacré par la Cour des Comptes au « sinistre » DEXIA.

2-      Des omissions fâcheuses.  

Ce fonds se présente comme un fonds d’aide.

Mais  certains observateurs malicieux pourraient s’interroger :  qui aide qui ? 

Aide-t-on vraiment une collectivité territoriale en la subventionnant pour qu’elle puisse supporter des surcoûts financiers insurmontables sur la très longue durée de ces opérations ?  

Est-ce vraiment lui rendre service que de lui éviter de présenter une image trompeuse de son endettement, en escamotant les passifs résultant de ses emprunts à risques, et en lui donnant ainsi la possibilité de s’endetter encore davantage ? Ne risque-t-on pas plutôt d’aggraver encore sa situation et d’obérer durablement ses capacités d’investissement futures ? 

En échelonnant, éventuellement jusqu’au terme de ces opérations, le règlement des conséquences financières de produits qui se sont avérés inadaptés, dangereux et qui ont été fort mal vendues par les banques qui les ont commercialisés, ne cherche-t-on pas, d’abord et avant tout, à solvabiliser leurs clients ?

Conséquemment ne cherche-t-on pas à aider les organismes bancaires à maintenir « coûte que coûte » des opérations qui leur sont profitables bien que ruineuses pour leurs clients ?

Enfin, ce mécanisme ne va-t-il pas inciter les banques en question à ne pas renégocier la sortie de ces opérations, puisqu’il n’y a plus de réelle incitation au débouclage avant terme des produits souscrits ? 

Il est vrai que ce débouclage les aurait  mis sous pression de devoir prendre à leur charge une partie des pertes constatées et que, comme le montrent les travaux parlementaires, ni CAFFIL ni DEXIA  ne sont désireuses mais surtout ne sont en mesure supporter de telles pertes sans recapitalisation ou, pour DEXIA paiement des garanties  fournies par l’Etat…..

D’un strict point de vue juridique,  les modalités d’intervention du fonds mettent aussi en évidence le déséquilibre entre ce qui est exigé des collectivités territoriales concernées, et ce qui est exigé des  banques qui leur ont vendu ces produits structurés.

Comme relevé ci-dessus, le versement de l’aide sera subordonné à la conclusion préalable avec la banque d’une « transaction » portant sur les produits structurés remboursés par anticipation (ou au mieux et éventuellement « renégociés », dans l’hypothèse où ceux-ci sont temporairement  maintenus dans l’espoir d’un retour à meilleure fortune).

Pour le Code civil, une transaction est « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître[3] »,  et ce contrat a « entre les parties l’autorité de la chose jugée en dernier ressort ». Si bien qu’il ne peut être attaqué « pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion»[4] ».

Il est donc manifeste qu’on entend conditionner l’obtention de l’aide du fonds, à l’abandon par les collectivités des poursuites qu’elles ont déjà engagées, ou qu’elles pourraient engager à l’avenir, et par conséquent qu’on veut mettre les banques définitivement à l’abri de ces poursuites.

Mais, si le dispositif du fonds d’intervention multiplie les contraintes sur les collectivités désireuses d’en bénéficier, en leur imposant cette transaction préalable et donc la renonciation à leurs droits d’agir en justice, en fixant une date butoir pour le dépôt de leurs demandes, en limitant à 45% du montant des IRA l’aide susceptible de leur être apportées, et en restreignant la liste des produits financiers compris dans le périmètre d’intervention du fonds, le texte n’impose aucune espèce de contrainte ou de contrepartie aux banques fautives.

Ces banques doivent certes « transiger » mais sur quoi ?

Qu’exige-t-on d’elles en échange de l’aide qui va leur permettre d’éviter des impayés ou des sanctions judiciaires ? Apparemment rien, car le texte actuel est totalement muet sur cette question.

Si les concessions imposées aux collectivités se découvrent sans difficulté, on peine à entrevoir la moindre  concession imposée aux banques fautives.

Quelles seront donc les concessions des banques auxquelles le Fonds garantit la solvabilité de leurs clients ? Y en aura-t-il ? Hormis la simple participation à la taxe systémique qui touche d’ailleurs l’ensemble du système bancaire?

Il est impossible de répondre aujourd’hui à ces questions, car les contreparties qui seront éventuellement exigées des banques ont été totalement passées sous silence dans les débats à l’Assemblée. 

Cette omission délibérée est certainement motivée par la priorité d’éviter à CAFFIL et à ce qui reste de DEXIA de subir de nouvelles pertes que l’Etat devrait combler.

Mais, elle va bien vite poser un grave problème juridique si l’intransigeance est érigée en règle dans leurs négociations avec leurs clients.

Selon la jurisprudence des tribunaux, il n’y a en effet de transaction valable que si la transaction « impose aux parties des concessions réciproques » (jurisprudence constante depuis Civ. 13 mars 1922 D.P. 1925, 1, 139). Et, si les concessions peuvent être « indirectes » (Com. 25 oct. 2011 n°10-23.538), « il n’y a pas de concessions réciproques si une partie abandonne ses droits pour une contrepartie si faible qu’elle est pratiquement inexistante » (Civ. 1ère 4 mai 1976 Bull. civ. I, n°157)

En conséquence, s’il n’y a pas de réelles concessions faites par les banques signataires des transactions à venir, la validité de ces transactions sera plus que douteuse et elles pourront être remises en cause.

La timidité, et c’est un euphémisme, dont ont fait preuve les auteurs de ces dispositions vis-à-vis des banques qui ont inondé de leurs produits toxiques les encours des organismes publics, pourraient donc bien se retourner contre eux. Puisque loin de « sécuriser » ces accords, le fait de ne pas exiger des banques des contreparties suffisantes risque de les fragiliser.  

Pour assurer l’équilibre tant économique que juridique  de ce dispositif,  le législateur aurait pu,  et dû, imposer aussi aux banques des concessions minimales, puisqu’elles bénéficient indirectement de l’aide versée à leurs clients. Ne serait-ce que l’obligation de refinancer « à prix coûtant » les opérations remboursées par anticipation et de supporter une fraction de l’IRA.

Si les contreparties à exiger des banques ont ainsi été soigneusement oubliées par ce dispositif, d’autres « cibles prioritaires » ont aussi été délibérément omises.

Car sont toujours exclus du bénéfice du fonds, les  hôpitaux et les établissements de santé, ainsi que les organismes de logement social, bien qu’ils représentent une part significative des emprunteurs ayant souscrit des emprunts structurés.

Les travaux parlementaires n’ont en effet  ajouté à la liste des bénéficiaires potentiels du fonds que les établissements publics locaux rattachés aux collectivités locales[5]. Le ministère des finances semblerait, en particulier, et selon certaines indiscrétions, hostile à laisser les hôpitaux bénéficier du fonds de soutien si laborieusement mis en place.   

Pourtant, selon les données fournies par CAFFIL sur son bilan, et arrêtées au 30 juin 2013, sur un total de 8,282 milliards d’Euros d’emprunts structurés, dont  4,180 milliards d’emprunts « très sensibles »,  les établissements publics de santé ont souscrit pour 1,254 milliards d’euros  d’emprunts structurés (soit  15,14 % du total) dont  611 millions sont « très sensibles »[6].

Et les données CAFFIL mettent aussi en évidence que la dette réelle des hôpitaux au titre de ces emprunts est beaucoup plus lourde que les encours comptabilisés, puisque  les indemnités de remboursement anticipé dues au titre de ces emprunts s’élèvent à 869 millions d’Euros pour l’encours total de leurs prêts structurés, dont 688 millions d’Euros pour les seuls emprunts « très sensibles ».

Or, comme l’a relevé un récent rapport de l’Inspection Générale des Finances, ces indemnités « représentent une dette  supplémentaire pour les établissements puisque, même si l’établissement ne fait pas le choix de rembourser ses emprunts structurés par anticipation, cette dette sera tout de même payée mais par fraction, à chaque échéance, sur la durée résiduelle du prêt ».

« L’indemnité de remboursement anticipé représente en effet la valeur actualisée des flux futurs d’intérêts du prêt à un instant donné – à situation de marché inchangée – et l’établissement paiera par conséquent l’équivalent de cette indemnité  sur la durée résiduelle de l’emprunt  à travers les intérêts».

Du point de vue des hôpitaux, on ne peut donc que regretter que ceux-ci ne puissent pas  bénéficier de ce fonds, et ce alors même qu’ils sont, comme les collectivités territoriales, des acteurs économiques majeurs sur le plan local.

Manque de volonté politique ?  Certainement. Il est bien évident que les collectivités territoriales sont bien mieux placées pour se faire entendre du Gouvernement  et pour obtenir le soutien du parlement.    

Manque d’argent ?  Evidemment, et avant tout.  L’inclusion des établissements de santé et des organismes de logement sociaux aurait rendu indispensable une augmentation substantielle de l’enveloppe du fonds, dont on a vu qu’elle était déjà très en deçà des besoins réels.

On conclura sur ce chapitre que si certains ont les moyens de leur politique, d’autres ont plutôt la politique de leurs moyens…

(II)           La validation rétroactive des conventions de prêt existantes : une équation constitutionnelle insoluble

L’article 60 du projet de loi de finances pour 2014 ne se limite pas à la création d’un fonds de soutien dont l’intervention contribuera à mettre les banques concernées à l’abri des poursuites de leurs clients.

Il s’efforce aussi de « sécuriser », les contrats de prêts souscrits avant l’entrée en vigueur de cette loi.

Pour ce faire, il entend valider rétroactivement ceux dont le taux effectif global n’aurait pas été communiqué à l’emprunteur,  et limiter les conséquences pour les banques de l’indication d’un taux effectif  global erroné  dans leurs contrats de prêt conclus avec les « personnes morales ».

La validation rétroactive des contrats ne portant pas indication du taux effectif global résulterait du paragraphe II de l’article 60 du PLF 2014 qui dispose que :

« Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les contrats de prêt et les avenants à ces contrats conclus antérieurement à la publication de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale, en tant que la validité de la stipulation d’intérêts serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global prescrite par l’article L. 313-2 du code de la consommation, dès lors que ces contrats et avenants indiquent de façon conjointe :

1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;

2° La périodicité de ces échéances ;

3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.

Quant à la limitation des conséquences pour les banques de l’indication d’un taux effectif  global erroné  dans leurs contrats de prêt conclus avec les personnes morales, elle serait le produit des dispositions du paragraphe 3 dudit article aux termes duquel :

« La sous-section 1 de la section 1 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de la consommation est complétée par un article L. 313-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-2-2. – Lorsqu’un contrat de prêt conclu entre un établissement de crédit et une personne morale, mentionne un taux effectif global inférieur au taux effectif global déterminé conformément à l’article L. 313-1, l’intérêt conventionnel reste dû par l’emprunteur mais celui-ci a droit au versement par le prêteur de la différence entre ces deux taux appliquée au capital restant dû à chaque échéance.

2. Le 1 s’applique aux contrats de prêt en cours à la date de publication de la présente loi ».

Du point de vue du droit constitutionnel, ces deux paragraphes posent, comme on va le voir  de redoutables problèmes.

Parce qu’ils sont des cavaliers budgétaire ; et parce qu’ils portent atteinte à des droits fondamentaux sans être justifiés par un motif impérieux d’intérêt général.

 

1-      Le cavalier budgétaire ne saute pas l’obstacle

Depuis très longtemps, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel invalide ce qu’on appelle les « cavaliers budgétaires », à savoir des dispositions législatives insérées dans une loi de finances mais qui « ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l’État ;  [et qui]  n’ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État ; [ni] pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d’approuver des conventions financières ;  [ou]  ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques »  et se trouvent donc ainsi « étrangères au domaine des lois de finances tel qu’il résulte de la loi organique du 1er août 2001(2011-644 DC, 28 décembre 2011).

Or, au regard des critères de rattachement ainsi dégagés par le Conseil Constitutionnel, on voit mal ce que des dispositions portant in fine sur l’application de la législation civile (et commerciale) en matière de prêt à intérêts viennent faire dans une loi de finances.

Pour contourner cet obstacle, le gouvernement par la voix de son  rapporteur relève qu’il s’agit  de  « contenir les conséquences financières de la jurisprudence  (sic) »  résultant des décisions rendues le 8 février 2013 par le tribunal de grande instance de Nanterre dans l’affaire opposant le conseil général de Seine-Saint-Denis à Dexia, et aux termes desquelles le tribunal a fait droit à la demande d’annulation de la clause d’intérêt de trois contrats pour défaut de mention du taux effectif global (TEG) dans le fax de confirmation des trois prêts en décidant de substituer le taux de l’intérêt légal au taux contractuel.

A cet égard, le rapporteur a exposé aux parlementaires qu’en «tant qu’actionnaire majoritaire – à hauteur de 75 % – de la SFIL, l’État s’expose à des coûts directs liés aux emprunts inscrits au bilan de la Caisse française de financement local (CAFFIL), véhicule de refinancement de la SFIL. En effet, toute perte subie par la SFIL ou par la CAFFIL au-delà de la capacité d’absorption de leurs fonds propres devra faire l’objet d’une recapitalisation par l’État pour assurer leur continuité d’exploitation » et que l’Etat est « également exposé à des coûts directs liés, cette fois, aux emprunts au bilan de Dexia Crédit local puisqu’il est actionnaire à 44 % du groupe Dexia via la holding Dexia SA. si Dexia Crédit local devait subir des pertes non anticipées dans le plan de résolution ordonnée du groupe, la capacité d’absorption très limitée des pertes imposerait une recapitalisation à laquelle l’État belge – actionnaire majoritaire – a déjà annoncé qu’il ne participerait pas. »

 

Le rapporteur poursuit en expliquant aussi que « dans ces deux cas, sans les dispositions du présent article 60, il ne peut être exclu que les commissaires aux comptes demandent dès 2013 que soit provisionnée la totalité du risque correspondant aux prêts faisant déjà l’objet d’une assignation »……

 

Et, pour continuer sur cette ligne, il rappelle aussi aux parlementaires qu’« en dernier lieu, la multiplication des contentieux est susceptible d’entraver le refinancement de la CAFFIL sur les marchés et de renchérir le coût de celui-ci à un niveau tel que ce véhicule ne pourra plus être utilisé pour refinancer la nouvelle offre de la Banque postale aux collectivités locales ; cela conduirait à une mise en gestion extinctive de la SFIL et de la CAFFIL dont le coût serait supporté par l’État. »

Ces arguments s’entendent dans un hémicycle. Mais en dehors, ils perdent beaucoup en pertinence…

Se fonder sur l’existence de quelques dizaines ou même centaines de contentieux dont l’issue reste incertaine pour affirmer que si les dispositions proposées n’étaient pas adoptées l’Etat serait certainement mis à contribution pour garantir ou recapitaliser la SFIL et DEXIA constitue en effet une extrapolation bien hâtive et bien hasardeuse de la situation réelle.  

Tout d’abord il n’existe aujourd’hui aucune garantie formelle de l’Etat en faveur de la SFIL. Et pour qu’une telle garantie puisse être fournie, il faudrait d’ailleurs qu’elle soit autorisée par une …. loi de finances.

Prétendre que l’Etat devra nécessairement recapitaliser ou garantir la SFIL pour maintenir sa continuité d’exploitation repose sur une série d’hypothèses:

 

                1° Tous les procès en cours et ceux éventuels encore à venir en dépit de la prescription qui atteint inexorablement des opérations généralement antérieures à 2009, donneront lieu à des décisions similaires à celle prise par le Tribunal de Nanterre,

                2° Les conséquences financières  de ces décisions éventuelles – aujourd’hui inconnues – seront telles que ni la CAFFIL, ni son actionnaire la SFIL, ni DEXIA ne pourront absorber de telles pertes,

                3° L’Etat devra impérativement recapitaliser ou garantir ces établissements parce que la poursuite de leur exploitation (dans le cas de la SFIL/CAFFIL) ou leur maintien en liquidation amiable ordonnée (dans le cas de DEXIA) seraient absolument indispensables.

Or, de simples hypothèses ne peuvent suffirent. Il convient d’apporter la démonstration notamment de difficultés financières avérées s’agissant de la SFIL/CAFFIL et  de l’existence d’un engagement de garantie formelle de l’Etat en faveur des créanciers de la SFIL.

En particulier, le refinancement de la nouvelle offre de la Banque Postale aux collectivités locales  aurait pu et pourrait encore utiliser d’autres moyens que ceux de la SFIL/CAFFIL. Notamment parce que la Banque Postale a justement la base de dépôts qui a toujours manqué à DEXIA, et parce que si on peut admettre qu’une société de crédit foncier comme la CAFFIL est un instrument utile pour ce genre de prêts, il eut été possible d’en constituer une autre qui n’aurait pas été grevée du passif du sinistre DEXIA.   

On peut d’ailleurs légitimement s’interroger sur le bien fondé de la reprise – il est vrai à l’euro symbolique mais nous y reviendrons-  par l’Etat de cette structure de financement, si celle-ci était à ce point  grevée de mauvaises créances, qu’il faille une loi de validation pour lui éviter d’être en péril.

Et l’aide que l’Etat apporte à cette structure, en changeant ainsi pour elle les règles du jeu, (ou, si l’on suit le raisonnement de l’Etat, qu’il faudra lui apporter si les règles du jeu ne sont pas modifiées) ne sera-telle pas en toute hypothèse une aide d’Etat en principe prohibée par la  législation communautaire ?

Quant à DEXIA, l’Etat s’en est de toute manière déjà porté garant et porte aujourd’hui une fraction des passifs de la banque (à hauteur de 38,7515 mds d’Euros), il est donc faux de prétendre que la « jurisprudence » du TGI de Nanterre doit être neutralisée pour éviter de mettre de nouvelles obligations à la charge de l’Etat : en réalité celles-ci existent déjà.

Et,  quoi que puisse prétendre le rapporteur, les sommes déjà payées et les garanties déjà fournies par l’Etat à DEXIA sont sans commune mesure avec les risques réels ou supposés qui résultent de contentieux non encore définitivement réglés.

Enfin, si ce qui est en cause, et ce qui justifie l’insertion de telles dispositions dans une loi de finances c’est la « garantie » qui a été ou qui serait apportée par l’Etat à ces deux organismes, pourquoi alors ne pas limiter cette validation législative aux seules opérations de prêt réalisées par ces établissements et étendre le bénéfice de cette absolution législative à toutes les banques qui ont mal appliqué la législation sur le taux effectif global ?

Parce que, si on ne le fait pas, un autre écueil constitutionnel, celui de l’exigence d’un intérêt général suffisant, menace d’engloutir l’article 60…canot de sauvetage de DEXIA SFIL et CAFFIL.

Mais avant d’examiner ce second problème, on observera que le paragraphe 3 de l’article 60 de manière encore plus évidente que le paragraphe 2 constitue un cavalier budgétaire.

Car en limitant les conséquences pour les banques de l’indication d’un taux effectif  global erroné  dans leurs contrats de prêt conclus avec les personnes morales, puisque ces banques ne seraient plus tenues que  de verser à l’emprunteur la différence entre le taux effectif global « réel »  perçu et celui – par hypothèse inférieur – indiqué au contrat[7],  cette disposition apparaît de toute évidence tout à fait étrangère au domaine des lois de finances. 

S’il s’agit  de créer un cas d’application particulier du principe de répétition de l’indu[8], ou de définir par la loi la sanction de la mauvaise application par les banques de la législation du TEG lorsque celle-ci prend la forme d’une erreur de calcul du TEG, de telles dispositions ont leur place dans une réforme du code de la consommation ou du code monétaire.

Certainement pas  dans une loi de finances.

Et le Conseil Constitutionnel a déjà invalidé l’introduction dans une loi de finances de dispositions  visant à modifier des dispositions du code monétaire et financier pour encadrer des commissions interbancaires (2010-622 DC, 28 décembre 2010, Journal officiel du 30 décembre 2010, p. 23190, texte n°3, cons. 49 à 55, Rec. p. 416)

S’agit-il donc encore et toujours de préserver les intérêts financiers de l’Etat en protégeant la CAFFIL et DEXIA des conséquences de leurs actes passés? 

Mais alors pourquoi donner à ces dispositions un caractère aussi général, s’appliquant à toutes les banques, et à tous les contrats de prêts conclus avec des personnes morales et ce, même si ces contrats de prêts n’étaient pas des contrats structurés qui seuls relèvent du dispositif de fonds de soutien créé par l’article de loi qui les contient ?

Pour comprendre les ressorts de cette contradiction apparente et non résolue, il faut examiner le second problème de constitutionnalité que posent ces dispositions.

 

2-      La barrière infranchissable de la démonstration de l’existence d’un intérêt général impérieux

Tant le paragraphe 2 que le paragraphe 3 de l’article 50 du PLF 2014 ont vocation à s’appliquer rétroactivement.

Le paragraphe 2 le dit expressément, dès lors qu’il est prévu qu’il valide tous les contrats de prêt conclus antérieurement à sa publication et que de l’aveu même de ses concepteurs, il s’agit d’empêcher les emprunteurs qui ont déjà engagé des poursuites judiciaires non encore jugées définitivement ou qui voudraient le faire, de chercher à obtenir l’annulation de l’intérêt conventionnel de leurs prêts au motif que ceux-ci auraient omis d’en mentionner le taux effectif global.

Le paragraphe 3 se borne à préciser qu’il s’applique aux « contrats de prêt en cours à la date de publication de la présente loi ».  

Son application rétroactive ne fait donc pas de doute.

En effet,  toutes les  personnes morales qui ont conclu des contrats de prêt avant la date de publication de la loi ne pourront plus remettre en cause la validité du taux d’intérêt de leur contrat à raison de l’erreur de calcul du TEG commise par leur banque.  

Rappelons ici, qu’en principe, et conformément à l’article 2 du Code civil, « la loi ne dispose que pour l’avenir », et qu’en conséquence « une nouvelle réglementation ne s’applique à défaut d’une disposition expresse de rétroactivité aux conditions des actes juridiques conclus antérieurement  Com. 11 oct. 1988 Bull. civ. IV n°274) ».

Or, tant le Conseil Constitutionnel que la Cour Européenne des Droits de l’Homme n’ont admis la constitutionnalité, pour le premier, ou la compatibilité avec la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour la seconde, de validations législatives similaires par leur objet à celles ainsi prévues par ces dispositions, que si celles-ci étaient justifiées par un « impérieux motif d’intérêt général ».

 

Ce à quoi peuvent correspondre, pour le Conseil Constitutionnel, « la nécessité d’éviter le développement d’un contentieux pouvant entraîner des conséquences financières préjudiciables à l’équilibre des régimes sociaux (CC n° 93-332 DC du 13 janvier 1994) » ou encore celle « de prévenir un contentieux pouvant entraîner des risques considérables pour l’équilibre du système bancaire et, par voie de conséquence, pour l’activité économique » (CC n° 96-375 DC du 9 avril 1996).

Pour ces juridictions, le droit au respect des biens (y compris aux « espérances légitimes » de créance des emprunteurs[9]) et des instances en cours, implique en effet que toute atteinte à ce droit doit être justifiée par des considérations d’intérêt général la rendant indispensable.

Or, l’intérêt général ne se confondant pas avec les seuls intérêts financiers de l’Etat, ni a fortiori avec les seuls intérêts financiers de l’Etat actionnaire, il est évident que si ces dispositions étaient circonscrites aux seuls prêts et instruments financiers de CAFFIL et de la DEXIA, il n’y aurait plus « d’intérêt général suffisant » permettant de rendre ces dispositions rétroactives constitutionnelles.

Sans compter que priver du bénéfice de ces dispositions les autres banques qui auraient commis les mêmes erreurs, auraient constitué une rupture d’égalité devant la loi entre les personnes morales qui serait tout aussi inconstitutionnelle.

Les rédacteurs du texte étaient donc condamnés, sous ce rapport, à donner à leur texte la portée la plus large possible, pour éviter toute rupture d’égalité, et pour justifier qu’il s’agit pour eux d’un motif d’intérêt général analogue à celui validé en 1996 par le Conseil constitutionnel à savoir la  nécessité « de prévenir [ou de tarir] un contentieux pouvant entraîner des risques considérables pour l’équilibre du système bancaire et, par voie de conséquence, pour l’activité économique ».

Cependant la défense de la constitutionnalité de ces dispositions au regard du critère d’intérêt général suffisant ne repose, au vu des travaux parlementaires, que sur les conséquences financières pour CAFFIL, DEXIA, et in fine pour l’Etat  de la jurisprudence en matière de TEG.

Il n’est ni prouvé, ni même allégué, que cette jurisprudence pourrait avoir de tels effets économiques sur les banques qu’elle mettrait en péril l’équilibre du système bancaire.

Cette jurisprudence est au demeurant très ancienne. Les premiers arrêts qui l’on fondé remontent au début des années 1980[10].  

Si elle était aussi nocive pour le système bancaire que ce que l’on prétend aujourd’hui, elle aurait donc eu largement le temps d’accomplir ses ravages,  et de recevoir des pouvoirs publics l’attention qu’ils lui portent aujourd’hui…

De plus, et comme dans l’affaire dite « du tableau d’amortissement » qui a donné lieu en 2006 à un arrêt de la CEDH (CEDH 14 févr. 2006 Lecarpentier c/France) ayant condamné la France pour avoir modifié une loi afin de contrer les dispositions d’une précédente loi en matière de crédit à la consommation et une jurisprudence favorable de la Cour de cassation, on ne dispose d’aucune donnée chiffrée fiable sur le coût réel pour les banques de la jurisprudence qu’on essaie ainsi de briser, ni a fortiori sur son coût potentiel. 

Les travaux parlementaires révèlent seulement  d’une part que les milliers d’emprunts distribués par DEXIA n’ont donné lieu qu’à environ 196 assignations engagées contre la Société de financement local (SFIL) et 54 contre Dexia Crédit Local (DCL), et d’autre part, qu’à l’exception de CAFFIL et de DEXIA, les  banques semblent parvenir à négocier à l’amiable avec leurs clients… ce qui tend à démontrer qu’aucune impérieux motif d’intérêt général ne justifie une mesure législative portant atteinte de manière aussi grave aux droits fondamentaux.

En définitive, et pour le malheur des auteurs de ce texte, la combinaison des exigences constitutionnelles du respect du champ d’intervention des lois de finances d’une part, et  de l’égalité devant la loi des personnes morales, et du droit de propriété et à un procès équitable – et donc sans changement des règles du jeu en cours de partie – d’autre part, les place devant une équation constitutionnelle insoluble, puisque.

  • Soit ils justifient l’insertion de leur texte dans une loi de finances, en circonscrivant ses effets aux seuls intérêts patrimoniaux de l’Etat et aux seuls contrats conclus par CAFFIL et par DEXIA, mais il y a alors rupture du principe d’égalité et absence d’un intérêt général suffisant…..
  • Soit  ils tentent  de justifier le moins mal possible d’un intérêt général suffisant, et cherchent à éviter une rupture d’égalité, en donnant à leurs dispositions la portée la plus large possible, mais alors ces dispositions n’ont plus leur place dans une loi de finances…

Au-delà de ces problèmes de constitutionnalité, qui feront à n’en pas douter, les riches heures du Conseil et des auteurs de QPC, il faut insister, pour conclure, sur un aspect peu visible mais particulièrement choquant de ce changement des règles du jeu en cours de partie.  

En début d’année 2013 la cession de CAFFIL  (ex DMA) à la SFIL, dont l’Etat est actionnaire à 75%,  s’est faite à l’euro symbolique.

Ce qui n’est pas cher pour une société financière avec, au 31.12.2013, et en normes IFRS un total de bilan de plus de 92 milliards d’Euros, des fonds propres d’1,2 milliards d’Euros et un bénéfice de 91 millions d’Euros.

A cet instant,  ce prix de cession a été justifié par l’existence d’un montant très important de crédits structurés dits « sensibles » logés dans le stock de prêts de DMA.

En effet cette situation avait conduit le premier acquéreur pressenti (la Caisse des dépôts et consignations) à exiger un dispositif de garantie solidaire du vendeur, Dexia/Dexia Crédit Local, (et une contre garantie de l’État) afin de prémunir DMA (et donc de se prémunir) contre le risque des pertes potentielles.

En acceptant de devenir l’actionnaire de contrôle de CAFFIL ex DMA, l’Etat a donc fait un « deal » : en échange de l’abandon de cette garantie solidaire du vendeur, le prix de cession a été fixé à un euro symbolique[11].

Cependant, en prenant les dispositions qu’il compte prendre pour « sécuriser » les opérations de prêt structurés, et pour venir en aide aux clients de CAFFIL, l’Etat va considérablement réduire les risques de pertes potentielles liées à ces actifs et aux contentieux qu’ils ont engendré…. et donc faire disparaître ce qui a justifié un tel prix de cession. Qui, pourtant, ne sera pas revu.

C’est une bien belle et astucieuse opération financière pour l’acheteur, nettement moins pour le vendeur qui aurait bien des raisons de se sentir frustré ; s’il était encore en état de sentir quelque chose…

Et, qu’en penseront les Etats belges et luxembourgeois co-actionnaires de DEXIA ? 

Et qu’en pensera la Commission Européenne ?

Que décidément,  dans ce dossier, il y a la peste …et le choléra.

 

 MANLIUS etMaître Stéphanie BARRE-HOUDART



[1] Ce qui fait d’ailleurs qu’en retenant  un coefficient d’actualisation de 3,5%, ces 1,5 milliards d’Euros ne représentent qu’environ 1,15 milliards d’Euros en valeur actuelle 2013.

[2] Et non plus heureusement son « bénéfice » : les dispositions initiales du projet faisaient obligation aux collectivités de transiger avec leurs banques avant de savoir si elles étaient ou non éligibles aux aides du fonds, ce qui était aberrant.

[3] Art. 2044 du C.civ.

[4] Art. 2052 C.civ.

[5] Ces structures peuvent être des CCAS disposant de compétences élargies, des régies publiques, des agences de développement etc..

[6] Ces chiffres montrent d’ailleurs que, comparativement aux collectivités territoriales,  les hôpitaux  ont davantage souscrit  les formules d’emprunt les plus risquées puisqu’au bilan de la CAFFIL 48,72 % de leurs emprunts structurés sont « très sensibles », contre 34,42% pour les collectivités territoriales.

[7] Alors que la sanction jurisprudentielle actuelle d’un TEG erroné est le remplacement du taux conventionnel par le taux légal puisque la jurisprudence  de la Cour de cassation assimile  l’erreur dans le calcul du TEG erroné à l’absence de communication du TEG.

[8] et si c’est cela pourquoi donc : le droit commun y aurait suffi !

[9] CEDH 14 févr. 2006 Lecarpentier c/France

[10] Civ. 1ère 24 juin 1981,  Civ. 1ère 26 mai 1982

[11] Sur ces points se reporter au rapport de  la Cour des comptes sur le « sinistre DEXIA » pages 125 et suivantes.