Scroll Top
Partager l'article



*




La chambre sociale de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt fort intéressant pour tout manageur privé en matière de harcèlement moral (9 octobre 2013 n°12-22288).

En effet, par cet arrêt du 9 octobre 2013, la chambre sociale de la Cour de cassation précise l’obligation du salarié qui entend dénoncer un fait de harcèlement moral et ou sexuel : “Mais attendu qu’ayant relevé que la salariée ne faisait référence à aucun fait précis et que les attestations produites relataient soit des propos ou comportements du mis en cause qui ne concernaient pas directement la salariée, soit émanaient de personnes qui reprenaient des propos que la salariée leur avait tenus, la cour d’appel, sans méconnaître les règles de preuve applicables en la matière a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, constaté que la salariée n’établissait pas la matérialité de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral ou sexuel à son égard ; que le moyen n’est pas fondé ;”

Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, il incombe donc bien au salarié d’apporter la preuve de faits objectifs, c’est-à-dire de faits qui se sont matériellement déroulés et dont l’élément de preuve doit pouvoir faire l’objet d’un débat.

Voilà une décision bienvenue qui vient préciser la mise en œuvre de l’article L.1154-1 du code du travail et compenser a minima la très mauvaise rédaction par le législateur de l’article L.1152-1 du code du travail envertu duquel “aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.”

On retrouve la même définition dans l’article 6 quinquies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et dans l’article 222-33-2 du code pénal.

La difficulté avec cette définition du harcèlement moral réside en ce que l’incrimination ne laisse que peu de place à l’analyse objective.

Un agissement qui a “pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail“….Sorte de fourre-tout sans contour précis dans lequel on peut placer les intentions les plus seines comme les plus malveillantes de l’employeur qui ne tient compte ni du lien hiérarchique ni de la personnalité du salarié ni de son rapport au travail.

Pour être quelque peu provocateur, je pourrai affirmer au juge que je ne sais toujours pas aujourd’hui ce qu’est le harcèlement moral.

Le Conseil d’Etat nous semble plus pragmatique dans son approche de la problématique de la souffrance du travailleur sur son lieu de travail et ce alors même que son analyse repose sur une définition identique. Dans un arrêt du 30 décembre 2011 rendu sous le numéro 332366 que nous avions eu l’occasion de commenter, la haute juridiction administrative a en effet précisé ceci:

Que pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique ; que dès lors qu’elle n’excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l’intérêt du service, en raison d’une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n’est pas constitutive de harcèlement moral ;”

En dehors des hypothèses d’un harcèlement moral hors lien hiérarchique, cette interprétation par le juge administratif est à saluer.

Le juge administratif place ce débat dans ce qui doit être le postulat de départ, à savoir l’existence d’un lien de subordination hiérarchique :

– L’agent exécute une tâche en contrepartie d’un traitement.

– Le salarié est dans un lien de subordination avec son employeur et fournit une force de travail en contrepartie d’un salaire.

Faire abstraction de ce postulat de départ emporte nécessairement une erreur d’analyse et donc une erreur dans le jugement.

Ce que le juge judiciaire doit donc s’attacher à déterminer en premier lieu, c’est ce qu’implique l’existence de ce lien de subordination. Il doit faire cette analyse au regard des contraintes propres à chaque employeur en lien avec son secteur d’activité et la position hiérarchique du salarié, et donc en fonction des obligations et des responsabilités de ce dernier.

Allez, encore un petit effort monsieur le juge, nous y sommes presque.