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Deux médecins scintigraphistes, associés au sein d’une société civile de moyens, exerçaient au sein d’une clinique, locataire d’une SCI. Schéma on ne peut plus classique.

La clinique décide de transférer son activité dans des locaux à construire, situés à quelques kilomètres de son emplacement d’origine.

Des pourparlers s’engagent, durent, s’éternisent. Propositions, contre-propositions, réunions, tergiversations, manque de clarté et surtout de transparence, les choses ne se font pas.

Les deux médecins sont contactés entre temps par le centre hospitalier voisin qui peine à recruter des médecins de cette spécialité. Des propositions sont faites rapidement et acceptées. Nos deux médecins s’installent sur le site de l’hôpital avec lequel ils ont constitué un groupement de coopération sanitaire.

Colère de la clinique !

Elle assigne les deux médecins devant le Tribunal de Grande Instance : “Rupture abusive des pourparlers ! Article 1382 du code civil ! Dommages et intérêts ! 1 600 000 € ! Le préjudice financier ! Le préjudice commercial ! La SCI s’en mêle ! 400, 500, 600 000 € ! Et 300 000 € pour la perte de chance ! Et l’article 1134 du code civil ! Et l’article 1147 du même code ! Faites chauffer la machine à billets !”

Le TGI (Le Havre, 17 février 2011, n°06/01625) rappelle que l’existence d’une convention nécessite le concours des consentements ce qui suppose :

– une offre suffisamment précise et complète dans laquelle doivent être réunis tous les éléments essentiels du contrat ainsi que l’acceptation de cette offre ;
– un accord de l’offre qui doit être complet, ferme et précis, sans réserve ni équivoque de sorte que l’offre et l’acceptation s’accordent sur les éléments essentiels du contrat.

En l’espèce, l’examen des différentes pièces produites ne permettait nullement de retenir que cette rencontre des volontés aurait effectivement eu lieu. Bien au contraire : les médecins avaient eu bien du mal à obtenir des éléments écrits et concrets, notamment le bail de location des locaux, le projet de contrat s’était avéré être un contrat de sous-location et non de location, puis un projet de bail commercial, les médecins avaient manifesté clairement leurs réserves par écrit, les simulations financières indispensables n’avaient jamais été communiquées malgré des demandes réitérées, les médecins avaient de surcroît informé la clinique de l’avancée de leurs pourparlers avec l’hôpital public…

Le TGI déboute la clinique et la SCI, qui avait lancé les opérations de travaux “avec une légèreté blâmable”. Pas la moindre faute civile de la part des médecins. Pas de préjudice !

Le tribunal accorde de surcroît 4 000 € à chaque praticien en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Cerise sur le gâteau ! Le jugement précise qu’il était légitime aux deux médecins “de considérer, in fine, que seule la proposition de l’hôpital public était acceptable dans la mesure où ce dernier leur proposait un schéma juridique consistant dans la création d’un Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) qui leur permettait, tout en préservant leur statut de praticien libéral et leur rémunération à l’acte, de constituer avec le service public hospitalier un pôle référentiel en matière de médecine nucléaire et de nature à assurer à la population (…) des soins de qualité”.

Après cela, qui peut encore affirmer que l’hôpital public est un repoussoir ?
Qui ose dire que l’on ne peut coopérer avec des libéraux ?
Qui prétend encore que le statut du GCS est inadapté ?