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L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 16 juillet 2015, semble t-il resté inaperçu de certains établissements, devrait intéresser au plus haut point les contentieux actuellement pendants et à venir devant les juridictions administratives idoines.

La CAA de Marseille rappelle de manière très pédagogue une jurisprudence administrative constante depuis près de dix ans sur les modalités de facturation des transports SMUR.

De surcroît, et c’est véritablement l’élément novateur, l’arrêt modifie les règles relatives à la charge de la preuve dans les contentieux relatifs à la facturation des transports SMUR.

« 9. Considérant que si ces dernières dispositions [R6123-1 du CSP] inscrivent le transfert entre deux établissements de santé de patients nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet ” dans le cadre de l’aide médicale urgente “, il ne saurait en résulter que tout transfert de patient inter-établissements assuré par le SMUR sur le fondement de ces dispositions relève pour autant de l’aide médicale urgente ; que la polyclinique, qui a contesté les seuls titres correspondant à des transferts de patients qui n’ont pas regagné leur établissement d’origine dans les 48 heures, ne le soutient d’ailleurs même pas ; que la seule nécessité d’une prise en charge médicale durant le transfert, même validée par le médecin régulateur, ne permet pas par principe de considérer que le transfert d’un patient d’une structure hospitalière vers une autre relève de l’aide médicale urgente telle qu’elle est définie par l’article L. 6311-1 du code de la santé publique ; qu’il résulte au contraire de la définition de l’aide médicale urgente posée par l’article L. 6311-1 du code de la santé publique que le transfert entre deux établissements de santé d’un patient nécessitant une prise en charge médicale durant le trajet ne relève de l’aide médicale urgente que lorsqu’il a pour objet de faire assurer à ce patient des soins d’urgence appropriés à son état ;

 10. Considérant que si les dépenses correspondant aux missions d’aide médicale urgente réalisées par les SMUR peuvent être financées par la dotation nationale de financement MIGAC, il n’en va pas de même des dépenses correspondant à des prestations réalisées par les SMUR et ne relevant pas de l’aide médicale urgente ; qu’ainsi, le transfert entre deux établissements de santé, assuré par le SMUR, d’un patient nécessitant une prise en charge médicale durant le trajet mais n’ayant pas pour objet de faire assurer à ce patient, dans l’établissement de destination, des soins d’urgence appropriés à son état ne saurait être éligible à ce type de financement ; qu’un tel transfert a, dès lors, vocation à être facturé sur la base des tarifs de prestations arrêtés par le directeur général de l’agence régionale de santé dans les conditions posées par les articles

 R. 6145-21 et suivants du code de la santé publique et 4 et 5 du décret du 23 février 2009 ;

 11. Considérant, en deuxième lieu, qu’il appartient en principe à l’émetteur d’un ordre de recettes d’apporter les justifications de nature à établir le bien-fondé du titre émis ; qu’il appartient donc, en principe, au centre hospitalier universitaire de Nice de démontrer que les transferts en cause correspondaient à des prestations facturables ; que, toutefois, en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s’il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; […].

 12. Considérant que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal il était contesté devant lui que les prestations ayant donné lieu aux titres exécutoires litigieux relevaient d’un contexte d’urgence médicale ; que si la lecture des avis des sommes à payer en cause ne permet pas d’apprécier pleinement le contexte dans lesquels les transferts litigieux ont été demandés, il ressort de l’examen de certains d’entre eux qu’ils sont revêtus, au dessus de la date et de la mention ” intervention SMUR “, d’un code ” MTU urgence ” alors que d’autres ne le sont pas ; qu’il résulte de l’instruction que ce code, même s’il correspond à une simple mention comptable, est apposé en cas de passage aux urgences, de sorte que sa présence doit être regardée comme un indice témoignant de l’existence d’un contexte d’urgence ayant entraîné l’apposition de cette mention par le service émetteur au vu des informations qui lui ont été transmises ; qu’il en résulte que, s’agissant des avis de sommes à payer revêtus de cette mention, le centre hospitalier universitaire de Nice ne peut être regardé comme justifiant suffisamment du bien-fondé des titres émis en se bornant à indiquer, contre ce que laissent penser les mentions dont ils sont revêtus, que les transferts en cause ont été effectués en dehors de tout contexte d’urgence ; […].

Dans l’affaire dont a eu à connaître la CAA de Marseille, le Tribunal administratif de Nice a annulé les titres de recettes émis par le CHU de Nice à l’encontre de la SA Polyclinique Saint-Jean.

A l’appui de sa demande d’annulation du jugement, le CHU faisait notamment valoir la régularité des avis de somme à payer et que le jugement reposait sur une erreur de droit au motif que le Tribunal administratif de Nice a considéré que l’intervention du SMUR en vue de transporter un patient dont l’état de santé requiert des soins urgents, vers un établissement public apte à assurer la suite des soins, devait être prise en charge par l’établissement gestionnaire dès lors que ce transport est couvert par la dotation annuelle de financement mentionnée à l’article L174-1 du code de la sécurité sociale et que, par ailleurs, le contexte d’urgence est caractérisé.

Pour y parvenir, les juges de première instance confortent leur analyse en s’appuyant d’une part, sur les interprétations délivrées par la DGOS[1] et l’assurance maladie[2] excluant la possibilité pour l’établissement gestionnaire de SMUR de facturer les transports secondaires définitifs, et d’autre part, en instaurant une présomption d’urgence en raison de la régulation effectuée par le médecin du SAMU, de sorte qu’il revenait au CHU d’établir la preuve de l’absence d’urgence médicale qui justifierait une facturation de la prestation.

Leur raisonnement repose sur le constat que tout transport effectué par le SMUR relève nécessairement de l’aide médicale urgente et que dans la mesure où il s’agit d’une mission de service public, il y a lieu de considérer que les transports SMUR, à l’exception des transports secondaires provisoires (avec retour du patient dans l’établissement d’origine dans un délai de 48H), sont nécessairement financés au titre de la dotation MIG.

La Cour d’appel de Marseille revient sur cette interprétation, qui à notre sens est infondée et à tout le moins très discutable, rappelant ainsi que tout transfert de patient inter-établissement ne relève pas de manière systématique de l’aide médicale urgente définie à l’article L6311-1 du code de santé publique.

Les juges rappellent tout d’abord que la sortie du SMUR, en qualité d’aide médicale urgente, ne relève pas nécessairement de l’aide médicale urgente et que la régulation médicale effectuée par le médecin du SAMU ne permet pas de caractériser l’urgence (considérant 9).

Ainsi, revenant sur l’analyse des missions du SMUR (R.6123-15 CSP), ainsi que leur mode de financement, elle rappelle que le transport médicalisé d’un patient ne nécessitant pas des soins urgents n’est pas finançable au titre de la dotation MIG SMUR de l’établissement (considérant 10).

Selon ces dispositions, si le SMUR assure le transfert entre deux établissements de santé de patients nécessitant une prise en charge médicale pendant le trajet dans le cadre de l’aide médicale urgente, il n’en demeure pas moins que c’est l’état de santé du patient supposant une intervention urgente qui conduit à recourir au SMUR dans le cadre de l’aide médicale urgente.

Cet arrêt suppose donc une appréciation au cas par cas de la nature des prestations de transport SMUR.

A cet égard, l’arrêt de la CAA de Marseille, qui s’inscrit pleinement dans la continuité de la jurisprudence administrative antérieure (Voir notamment arrêts de la CAA de Bordeaux du 29 décembre 2005 n°02BX02223 et 1er juin 2006 n°03BX00649 ; arrêt de la CAA de Nantes du 7 mars 2008 n°07NT01079), vient infirmer la distinction habituellement opérée entre transports secondaires provisoires et définitifs.

Dans un second temps, elle rappelle que la mention comptable « MTU Urgence » ne constitue qu’un simple indice de l’urgence et qu’il appartient, en conséquence, à chacune des parties de disposer des éléments propres de nature à justifier du bien fondé de leurs prétentions.

Ce faisant, elle instaure un système de preuve partagé, mettant en évidence qu’il appartient aux cliniques requérantes de disposer d’éléments de nature à établir le « contexte d’urgence », seul de nature à justifier une prise en charge des transports SMUR par les établissements gestionnaires.

Cet arrêt vient donc censurer une interprétation « contra legem » et rappelle la nécessité de revenir à une plus grande orthodoxie juridique.

Il devrait donc mettre un terme à « l’imbroglio juridique » relatif à la facturation des transports SMUR.

Il appartiendra, en tout état de cause, à l’Etat de clarifier les règles de facturation par l’élaboration de dispositions législatives et réglementaires opposables.

(CAA de Marseille, 16 juillet 2015, n°15MA00226)



[1] Dépêches FHP MCO des 14 avril, du 30 juillet et 9 octobre 2014 ; article Hospimédia du 30 juillet 2014

[2] Communiqué de l’assurance maladie du 27 février 2014