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Nous publions ici le deuxième volet de l’article de Maître Laurent HOUDART, Avocat au Barreau de Paris, consacré à l’analyse de l’avenant n°8 de la convention médicale (Ndlr).


II – LE CONTRAT D'ACCES AUX SOINS



Le contrat d'accès aux soins est l'héritier de« l'option de coordination »telle qu'elle était prévue à l'article 36 de la convention nationale.

Il a pour objectif de favoriser l'accès des patients à des soins aux tarifs opposables et de réduire leur reste à charge.

Qui concerne-t-il ?

A la différence de l'option de coordination qui s'adressait aux seuls médecins généralistes et spécialistes autorisés à pratiquer des honoraires différents ou titulaires d'un droit à dépassement, le contrat d'accès aux soins étend son périmètre à certains professionnels médicaux relevant du secteur I, à savoir les anciens chefs de cliniques.

Plus précisément, l'avenant vise les praticiens énumérés à l'article 35.1 de la convention nationale. Il s'agit donc des :

– anciens chefs de clinique des universités – assistants des hôpitaux dont le statut relève du décret n° 84-135 du 24 février 1984 ;
– anciens assistants des hôpitaux dont le statut est régi par les articles R. 6152-501 et suivants du code de la santé publique ;
– médecins ou chirurgiens des hôpitaux des armées dont le titre relève du décret n°2004-538 du 14 juin 2004 ;
– praticiens hospitaliers nommés à titre permanent dont le statut relève des articles R. 6152-1 et suivants du code de la santé publique ;
– praticiens des hôpitaux à temps partiel comptant au minimum cinq années d'exercice dans ces fonctions et dont le statut relève des articles R. 6152-201 et suivants du code de la santé publique.

Ainsi, l’avenant concerne tout à la fois les médecins de secteur II et les anciens chefs de clinique. Extension a priori étrange pour un texte qui entend justement restreindre les dépassements d'honoraires. En réalité, comme nous allons le voir, il s'agit d'étendre son périmètre pour assurer une régulation globale du dépassement d'honoraires et sa convergence avec des tarifs opposables revalorisés.

Un contrat synallagmatique.

Le contrat d'accès aux soins marque un véritable engagement contractuel de la part du médecin. Le contrat est conclu à durée limitée pour trois ans. L'Assurance maladie comme le médecin s'engagent de façon synallagmatique.

Les obligations du médecin.

Le médecin s'engage à ne pas augmenter sa pratique tarifaire (base 2012) et à ne pas dépasser un taux de dépassement de 100%. (sous le régime de l'option de coordination, les obligations du médecin tenaient en la pratique aux tarifs opposables pour les actes tant cliniques pour un ratio honoraires s'élevant au minimum à 30% de l'ensemble de l'activité du praticien pour chaque type d'actes. Le même ratio honoraires s'imposait pour les actes techniques également tarifés aux tarifs opposables avec un dépassement possible plafonné à 20% de sa valeur. L'exclusion du dépassement d'honoraires était explicitement imposée pour les consultations d'urgence et les consultations sur enfant de moins de 16 ans).

Pour ce faire, les caisses mettent à disposition du praticien un état de sa pratique tarifaire en distinguant la part des actes réalisés aux tarifs opposables de celle des actes réalisés avec dépassement et en dégageant le taux. Il s'agit du taux de dépassement qui aurait été le sien si les actes que le médecin a réalisés sur l'année 2012 l'avaient été par un médecin exerçant en secteur à honoraires opposables. Le contrat va donc imposer un gel de sa pratique tarifaire et un engagement à ne pas dépasser un taux de dépassement de 100%.

Les tarifs opposables lui sont applicables alors, pour un certain pourcentage – contractuellement défini – d'activités, dans le cadre de la prise en charge en situation d'urgence, en consultations des bénéficiaires de la CMU et des bénéficiaires de l'attestation du droit à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS).

En d'autres termes, le praticien accepte le respect d'un plafond à sa pratique tarifaire dont  le taux de dépassement est de 100% (rappelons que le « repère » au-delà duquel la pratique tarifaire serait considérée comme excessive est de 150%).

Qu'est ce qui pourrait conduire un praticien à accepter une limitation aussi importante ?

Engagements de l'assurance Maladie.

Ceux-ci sont de plusieurs ordres :

–        L'Assurance Maladie s'engage en contrepartie à participer au financement des cotisations sociales du médecin sur la part d'activités réalisée aux tarifs opposables de la sécurité sociale.

–        Le contrat assure également un meilleur remboursement aux patients des médecins pratiquant des dépassements d'honoraires : les tarifs de remboursement de ces médecins seront alignés sur ceux exerçant dans le secteur à honoraires opposables.

–        Surtout, elle s’engage à leur faire bénéficier des revalorisations des tarifs de remboursement applicables aux médecins exerçant dans le secteur à honoraires opposables. Ce point est bien évidemment majeur. Ainsi l'article 28.1 nouveau de la convention prévoit-il : « pour les soins dispensés par les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables et pour les médecins adhérant au contrat d’accès aux soins…, Les tarifs seront modifiés de manière à revaloriser les actes « gagnants », dont le tarif cible est supérieur au tarif de référence, des spécialités suivantes […] L’écart entre le tarif actuel et le tarif cible sera atteint par tiers en trois étapes au 1er juillet 2013, au 1er mars 2014 et au 1er janvier 2015. »( Il s’agit de l’un des points de contestation et de mécontentement des chirurgiens et des anesthésistes qui, après calcul, constate que cette revalorisation serait limitée à 8 %. Il réclame pour le premier tiers 25 %). On notera que cette revalorisation sera financée par un plan d’économies… sur l’imagerie médicale (le malheur des uns fait le bonheur des autres).

Enfin, dernier argument et contrepartie à la limitation de la pratique tarifaire, l'engagement des complémentaires santé :

Engagement de l'UNOCAM.

L’UNOCAM s'engage conventionnellement au titre de l'avenant à inciter les organismes d'assurance maladie complémentaires à prendre en charge de manière privilégiée les dépassements d'honoraires des médecins adhérant au contrat lorsque le contrat complémentaire prévoit une prise en charge des dépassement.


Un contrat de « convergence », prémice d'un contrat d'activités ?

Au premier abord, ce contrat peut être analysé comme un dispositif de convergence : convergence entre le dépassement d'honoraires et les tarifs opposables ; le mécanisme consiste à fixer un plafond (tarifs opposables avec dépassement limité à  un taux de 100%) et à prévoir une augmentation progressive du  plancher (revalorisation des tarifs opposables visées à la CCAM technique).

Ne pourrait-on y voir également les prémices d'un dispositif contractuel qui permettrait de dépasser le seul paiement à l'acte pour envisager, dans le cadre d'obligations synallagmatiques (c'est-à-dire de réciprocité des obligations) des engagements qualitatifs et quantitatifs (activités liées au types de pathologies, interventions du professionnel, objectifs quantifiés) et des engagements financiers qui pourraient, sans abandon de la nature même de l'exercice libéral, évoluer vers une rémunération à la pathologie sans pour autant glisser dans le système du « tout forfait » qui ne correspond guère la culture médicale française ? Il se rapprocherait alors en cela du mécanisme de financement des établissements de santé et serait un facteur d'harmonisation des pratiques.

Une mise en application sous condition

Quoi qu'il en soit, l’application de la mesure est loin d'être assurée puisqu'elle est conditionnée à l'engagement préalable, et avant le 31 juin 2013, de plus d'un tiers des praticiens concernés. S’il est permis de penser que l'ouverture du périmètre aux anciens chefs de clinique devrait apporter un nombre non négligeable d'adhésions, le seuil d'un 1/3 est loin d'être acquis (1500 praticiens environ auraient adhérés à l'option  de coordination…sur 30 000 !). Par souci de prudence et fort de l'expérience malheureuse du secteur optionnel (était exigée l’adhésion de la moitié des praticiens concernés dans un délai préfixe court), est prévue la possibilité de report de la date limite.

A suivre….

Laurent HOUDART, Avocat au Barreau de Paris avec l’assistance de Jean-Edouard GRÄMIGER, stagiaire IEJ