Entre fin 2003 et début 2004, une trentaine d’établissements publics de santé qui disposaient d’un logiciel vieillissant ont conclu un contrat avec le prestataire de service informatique auteur dudit qui devait leur permettre, juré craché, de disposer de la Rolls ou de la Ferrari en matière de gestion.
Curiosité du contrat (mes grandes oreilles m’ont appris depuis que c’était malheureusement chose courante, public et privé confondus, marchés publics ou pas), le nouveau produit serait payé par mensualités avant même… d’être conçu. Un peu comme de l’achat sur plan… Le prestataire se fait ainsi rémunérer sa recherche-développement, sans être sûr, d’ailleurs, qu’elle aboutira (Si y’a des nases pour accepter ça, c’est leur blème…)
Les ordonnateurs ordonnancent recta les paiements prévus aux contrats, les comptables publics paient … sans sourciller (hum !).
Passent les jours et les semaines… Et les années…
Malgré de nombreuses relances, le produit n’est jamais livré.
Mais, bon prince, le prestataire fait dans le « tuning » (à titre gracieux, n’hésitera-t-il pas à affirmer ultérieurement) : de la peinture rutilante par ci, un joint de culasse par là, un carbu surdimensionné de récup’, un peu de chrome sur le pare-choc, des autocollants sur la carrosserie, une peau de léopard sur les sièges avant, un chien qui remue la tête sur la plage arrière, un pot d’échappement de R8 Gordini, un becquet arrière…, ça devrait l’faire !
Le vieux moteur poussif de 2CV, dont les segments et les cylindres n’en peuvent mais, le châssis, atteint de corrosion, hors d’usage ne font malheureusement plus illusion : les hôpitaux constatent dépités qu’ils n’obtiendront jamais le bolide dont la description figurait sur la publicité…
Que faire ?
Et là ! Vision ! Et si, de manière concertée, tous les établissements victimes demandaient le reversement des sommes indument payées en l’absence de service fait !
« Vous croyez ?… Jamais, le prestataire n’acceptera de payer ! On est parti pour de longues années de contentieux difficile… D’ailleurs, je connais un établissement privé PSPH qui en a été pour ses frais… Et la Chambre régionale des comptes, ça risque de lui attirer l’œil ! Et le comptable, que va-t-il penser ? Etc., etc. » J’en entends encore certains…
Pourtant, c’est ce qui fût fait !
Et comme prévu, le prestataire pas content a saisi le juge ! Et, pas content du tout de la plupart des décisions de première instance, a pensé qu’il obtiendrait gain de cause en appel…
Et bien non ! C’est raté !
N’étaient-ce quelques titres exécutoires boiteux (CERFA, c’est bien, mais faut quand même appliquer les textes éclairés par la jurisprudence la plus récente : et dire que, dans une vie antérieure, j’avais participé à de nombreux groupes de travail avec la direction de la comptabilité publique sur l’amélioration des titres de recettes….), l’affaire serait aujourd’hui entendue pour la totalité des établissements concernés.
Par de très nombreuses décisions devenues définitives, les juridictions d’appel ont d’ores et déjà confirmé la condamnation du prestataire à rembourser les sommes versées en l’absence de service fait et ont condamné derechef ce dernier à indemniser les établissements publics de santé des frais de procédure. Eh ! oui, c’est pas bien de vendre du vent, surtout dans le cadre de marchés publics !
Au total, plusieurs centaines de milliers d’euros auront été récupérées et l’on peut espérer que la leçon sera retenue.
Même s’il ne s’agit pas là à proprement parler d’une “class action”, il s’agit d’une action concertée et coordonnée …qui marche !
Et si l’on faisait de même vis-à-vis de certaines banques qui n’ont pas hésité à placer, y compris auprès de petits établissements, des emprunts structurés reposant notamment sur la parité entre le dollar et le franc suisse, d’une stabilité à toute épreuve (oui, entre 1850 et 1914, et tout dépend de l’échelle du graphique…).
Il y a sans aucun doute des sous, du flèche, du flambe, du fric, du pèse, de la thune, des picaillons, de l’affur à s’faire !
On va quand même pas s’laisser enfumer l’artiche en lousdoque par des glandus et des malpropres !
Haut les cœurs !