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5-  La fonction achat

La question de la qualification juridique de l’établissement support au titre de la fonction achats

A lecture du projet d’article R. 6132-15 du CSP, il apparaît que la mutualisation voulue des fonctions achats des établissements membres des GHT devra s’organiser sous la forme d’un groupement de commandes.

Sans autre précision, il semblerait alors que l’établissement support se positionne en qualité de « coordonnateur », notion explicite bien que non reprise par l’article 28 de l’Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

La question de la durée de ce groupement interroge. Alors que classiquement le groupement de commandes n’a vocation à ne durer que le temps d’un marché déterminé, le groupement ici entendu devrait perdurer sans durée déterminée.

Quid alors de la participation de tous les membres du groupement à chacune des consultations engagée dans le cadre de la fonction achats commune par l’établissement support ? Quid des établissements qui finalement refuseront de contracter avec les candidats retenus à l’issue de la procédure de passation ? La jurisprudence classiquement dégagée en matière de groupement de commandes devrait trouver à s’appliquer.

La question du besoin à satisfaire

Quid ensuite « du besoin à satisfaire » qui doit nécessairement être identifié avant toute passation d’un marché ?

S’agira-t-il de satisfaire les besoins des établissements membres du GHT répertoriés par l’établissement support ou bien s’agira-t-il pour l’établissement support de définir lui-même le besoin commun à l’ensemble des membres du GHT et de gommer progressivement les différences de pratiques pour uniformiser les achats?

La rédaction proposée actuellement selon laquelle la fonction achat comporte une mission « d’élaboration de la politique d’achat et des stratégies d’achat de l’ensemble des domaines d’achats en exploitation et en investissement » oriente manifestement vers cette seconde hypothèse.

Quid alors de l’étendue de la mission confiée à la cellule « fonction achats » ? Les établissements membres doivent-ils confier l’ensemble de leurs achats à l’établissement support ou bien peuvent-ils conserver certains achats dans leur giron?

La rédaction actuelle du projet d’article R6132-15 du CSP laisse entendre que tous les achats devront être organisés par la fonction achats mise en place par l’établissement support, le transfert étant alors exclusif et dépossédant les établissements membres.

Pour autant, certaines activités qui relèvent bien de la fonction achats sont déjà expressément écartées : c’est en effet le cas des prestations d’analyses de biologie médicales qui font l’objet de dispositions spécifiques.

 Par l’effet domino, la question de l’identité de la personne dont les besoins sont à satisfaire et de la dissociation dans la mise en œuvre de la procédure « achat public » soulève la question de l’application de la loi dite MOP et de la maîtrise d’ouvrage publique qui s’impose aux établissements membres du GHT en matière de travaux. En l’état de la rédaction du projet de décret, on pourrait penser que le besoin en matière de travaux d’un établissement membre du GHT devrait être analysé puis résolu par l’établissement support, alors en charge de la passation des marchés appelés à satisfaire le besoin exprimé.

Cependant, le législateur n’a pas entendu mutualiser/transférer la compétence du maître de l’ouvrage telle que définie par l’article 2 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée : « I. Le maître de l’ouvrage est la personne morale, mentionnée à l’article premier, pour laquelle l’ouvrage est construit. Responsable principal de l’ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d’intérêt général dont il ne peut se démettre ». Or, il incombe au seul maître de l’ouvrage, « après s’être assuré de la faisabilité et de l’opportunité de l’opération envisagée, d’en déterminer la localisation, d’en définir le programme, d’en arrêter l’enveloppe financière prévisionnelle, d’en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l’ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d’œuvre et entrepreneurs qu’il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l’exécution des travaux ».

Au demeurant, outre la régularité d’un tel schéma, l’intérêt de la mutualisation de la fonction achats pour les travaux d’envergure telle la construction de bâtiments entiers n’apparaîtrait pas évident.

On peut alors s’interroger sur la pertinence d’un transfert général et exclusif de la fonction achats vers l’établissement support dès la création du GHT. Ne vaudrait-il pas mieux organiser progressivement la migration de cette fonction en invitant par exemple les établissements à mutualiser d’abord les achats les plus communs à tous tels que les prestations de nettoyage, de gardiennage, les achats de fournitures de bureaux, puis les médicaments et les dispositifs médicaux… ?

On relèvera également que la rédaction actuelle, tenant notamment à l’absence de personnalité morale du GHT, expressément mentionnée empêche d’envisager toute possibilité de confier au GHT la capacité à se placer en qualité de centrale d’achats pour ses établissements membres, mécanisme pourtant particulièrement intéressant pour optimiser les achats publics.

La rédaction actuelle permet en tout cas de comprendre que la mission de l’établissement support devrait être limitée à la seule « passation  des marchés » l’exécution  étant visiblement exclue de la fonction achats.

Mais quid de la signature des marchés ? Sera-t-elle réalisée par l’établissement support ou bien par les établissements membres ?

La question est d’importance, notamment en terme de limite de responsabilité en cas d’irrégularités commises lors de la passation des marchés.

Il y a bien lieu de s’interroger sur l’indétermination persistante de l’étendue de la fonction achats vers l’établissement support et du pouvoir décisionnaire qui en découlerait 

La multitude des questions soulevées et l’absence d’encadrement par le projet de décret ont au moins le mérite de dégager une certitude: à défaut de précisions complémentaires, les rédacteurs de la convention constitutive de GHT devront être particulièrement vigilants dans la rédaction de cet acte, mais surtout prendre le temps d’une réelle concertation avec l’ensemble des membres pressentis quant à l’organisation de la fonction achats et à la période transitoire qui semble inévitable.

On ajoutera également, à l’attention des rédacteurs du projet de décret, que les exigences découlant du principe de sécurité juridique pèsent sur l’autorité administrative dans la définition des mesures d’application de la loi ( CE, Ass., 24 mars 2006, société KPMG et autres, n° 288460).

 

6-      Le Département d’Information Médicale

Le projet de décret évoque également le département d’information médicale de territoire (DIM) désormais objet d’une délégation obligatoire des établissements parties au bénéfice de l’établissement support.

Auparavant, les dispositions du code de la santé publique évoquaient un « médecin responsable de l’information médicale » chargé de « l’analyse de l’activité médicale ». La présente d’un médecin responsable de l’information médicale n’impliquait pas nécessairement la création d’un SIM ou d’un DIM (notamment dans les petites structures).

Bien que les textes restent silencieux sur son caractère obligatoire, l’insertion d’une sous-section spécifique intitulée « département d’information médicale de territoire » suggère que désormais la création d’un DIM serait obligatoire, ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés d’application concrète.

En effet, entérinant le principe d’un transfert de compétente de la fonction DIM des établissements membres du GHT au bénéfice de l’établissement support, il se contente de décliner les modalités de désignations et les missions du DIM.

A-   Ses modalités de désignation 

Le médecin responsable du DIM de territoire est désigné par le directeur de l’établissement support, sur proposition du responsable de la stratégie médicale du groupement, après avis de l’ensemble des commissions médicales des établissements parties au GHT, ou le cas échéant, de la commission médicale du groupement.

Il est placé sous l’autorité du directeur de l’établissement support du groupement hospitalier de territoire.

 

B-    Son rôle et ses missions

Si ses fonctions sont assez proches de celles du médecin responsable de l’information médicale actuel, elles se trouvent élargies, dans le cadre du GHT, puisque sa fonction est assurée en lieu et place du médecin responsable de l’information médicale des établissements parties au GHT.

Ainsi, le décret expose certaines modalités du transfert de compétence de la fonction DIM au profit de l’établissement support :

  • Il a autorité fonctionnelle sur l’ensemble des personnels médicaux, soignants, administratifs et d’encadrement du département d’information médicale.
  • Il organise le fonctionnement du DIM de territoire, et l’affectation des ressources médicales dans les conditions mentionnées à l’article R6132-12, des ressources soignantes et administratives sur l’ensemble des sites des établissements parties au GHT.
  • Il coordonne les relations entre le DIM de territoire et les instances de chacun des établissements parties au GHT.
  • Une représentation est assurée par un médecin référent au sein de chacune des commissions médicales des établissements parties au GHT.
  • Il rend compte au moins une fois par an, de l’activité de l’ensemble des établissements parties au groupement au comité stratégique du GHT.

Ses missions sont les suivantes :

1° Préparer les décisions mentionnées à l’article R. 6113-9, qui permettent notamment d’assurer l’exhaustivité et la qualité des données transmises, au travers d’un plan d’action présenté devant le comité stratégique du groupement hospitalier de territoire ;

2° Participer à l’analyse médico-économique de ces données, en vue de permettre leur utilisation dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre du projet d’établissement des établissements parties et du projet médical partagé, ainsi que des missions définies à l’article R.6113-8 ;

3° Participer à la mise en œuvre des dispositions relatives à la protection des données médicales nominatives des patients, dans les conditions définies à l’article R.6113-6. 

4° Contribuer aux travaux de recherche clinique, épidémiologique, informatique de santé et médico-économique des établissements parties au groupement hospitalier de territoire.

En revanche, il est loin de tirer toutes les conséquences de ce transfert de compétence puisqu’il reste silencieux sur l’organisation du circuit de l’information médicale (la coordination du recueil et de la transmission des données médicales ; un seul DIM centralisé au sein de l’établissement support ou organisation d’un DIM multi-sites avec des antennes SIM au sein de chaque établissement membre ? la coordination des relations entre le DIM et les instances de chaque établissement), ce qui n’est pas sans conséquence sur le déroulement et l’organisation des contrôles d’activité.

 

1     –  Mutualisation biologie et imagerie

 

 Rappelons le nouveau contexte législatif

Article L. 6132-3 du Code de la santé publique ;

« […] 
III.- Les établissements parties au groupement hospitalier de territoire organisent en commun les activités d’imagerie diagnostique et interventionnelle, le cas échéant au sein d’un pôle interétablissements. Ils organisent en commun, dans les mêmes conditions, les activités de biologie médicale. » 

Le texte législatif impose une organisation commune des activités d’imagerie médicale d’une part et des activités de biologie médicale d’autre part. Il est seulement précisé que ces activités sont organisées en commun au sein d’un pôle interétablissements ; pôle interétablissements qui ne dispose d’aucune définition juridique.

Le projet de décret reprendrait l’obligation d’une organisation commune des activités de biologie médicale et d’imagerie diagnostique et interventionnelle et ajouterait l’obligation d’établir un projet commun de biologie médicale et un projet commun d’imagerie diagnostique et interventionnelle (compris dans le projet médical partagé).

Il apporte cependant peu de précisions quant aux modalités de mise en œuvre de cette « organisation commune ». Les établissements sont donc relativement libres de définir cette organisation commune.

Le texte propose néanmoins des pistes :

 

–       Les établissements qui sont parties au GHT peuvent créer un pôle interétablissements

 

Le projet de décret donnerait la faculté (« peuvent ») aux établissements de constituer un pôle interétablissements tant pour la biologie médicale que pour l’imagerie.

on postule que le pôle interétablissements renvoie à la notion de pôle d’activité clinique ou médico-technique que les établissements publics de santé prévoient en principe dans le cadre de leur organisation interne[i] et qui se composent de services, de départements et d’unités fonctionnelles ou de toutes autres structures de prise en charge du malade ou médico-techniques.

Le pôle interétablissements tel que défini par le projet de décret porte sur des activités cliniques ou médico-techniques et peut concerner tout ou partie des établissements parties au GHT.

 

En matière de biologie médicale et d’imagerie, la constitution de pôles interétablissements ne peut donc concerner que les établissements qui disposent d’un laboratoire ou d’un service d’imagerie.

Les établissements devront le cas échéant revoir leur organisation interne pour raccrocher leur activité de biologie ou d’imagerie au sein du pôle commun aux autres établissements.

Pour autant, la constitution de ces pôles n’a pas pour effet d’imposer aux établissements de regrouper leur activité pour organiser une exploitation commune ou en confier l’exploitation à l’établissement support. Autrement dit, les établissements ne renoncent pas à leur laboratoire ou à leur service d’imagerie médicale.

Qu’implique alors la création d’un pôle interétablissements ?

Le projet de décret indique que le pôle interétablissements est « géré par l’établissement support pour le compte des établissements impliqués dans leur constitution ».

On retrouve ici la notion de gestion par l’établissement support « pour le compte de » sans autre précision juridique. Le projet prévoierait néanmoins que :

–       le praticien chef de pôle interétablissements organise le fonctionnement du pôle et l’affectation des ressources humaines en fonction des nécessités et des lieux de réalisation de l’activité et compte tenu des objectifs prévisionnels du pôle, dans le respect de la déontologie de chaque praticien et des missions et responsabilités services, des unités fonctionnelles, des départements ou des autres structures prévues par le projet de pôle.

Il organise la concertation interne et favorise le dialogue avec l’ensemble des personnels du pôle. 

–       Le projet de pôle définit, sur la base du contrat de pôle, les missions et responsabilités confiées aux structures internes, services ou unités fonctionnelles et l’organisation mise en œuvre pour atteindre les objectifs qui sont assignés au pôle. Il prévoit les évolutions de leur champ d’activité ainsi que les moyens et l’organisation qui en découlent. 

 

 On précisera que selon le projet de décret, le contrat de pôle est signé par le directeur de l’établissement support et le chef de pôle interétablissements après information du comité stratégique et est contresigné par le responsable de la stratégie médicale.

Ainsi, la constitution d’un pôle interétablissements – qui rappelons-le demeure une option et ne peut concerner que les établissements disposant d’un laboratoire de biologie médicale ou d’un service d’imagerie selon le cas – permet in fine à l’établissement support d’imposer une organisation des activités de biologie médicale et d’imagerie en termes de ressources humaines, de répartition des activités…etc.

–       Les établissements peuvent constituer un laboratoire de biologie médicale commun

Le projet de décret prévoit également la possibilité pour les établissements parties au GHT de constituer un laboratoire commun, au titre du deuxième alinéa de l’article L. 6222-4. Dans ce cas, une convention de laboratoire commun est conclue entre eux et annexée à la convention constitutive du groupement hospitalier de territoire. 

Jusqu’à présent les établissements publics de santé recouraient au groupement de coopération (GCS) de moyens pour exploiter en commun un laboratoire de biologie médicale en application des dispositions de l’article L. 6223-2 du code de la santé publique qui prévoit : « Un laboratoire de biologie médicale peut être exploité sous la forme d’un groupement de coopération sanitaire selon les règles définies au chapitre III du titre III du livre Ier de la sixième partie. »

Ce dispositif devrait demeurer une option puisque l’article précité est toujours en vigueur et qu’un GCS repose bien sur une « convention ». De surcroît, si tel ne devait pas être le cas, cela remettrait en cause plusieurs GCS exploitant d’un laboratoire de biologie médicale qui ont déjà été créés.

Pour autant, il est également possible de créer un laboratoire commun dans le cadre d’une convention simple dès lors que plusieurs conditions sont remplies.

On rappellera que les examens de biologie médicale constituent une prestation de service et relèvent du droit de la commande publique lorsqu’elles sont à destination d’un pouvoir adjudicateur.

Cependant, l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 qui est entrée en vigueur au 1er janvier 2016 et qui transpose en droit français la directive européenne 2014/24/UE qui elle-même reprend des dispositifs dégagés par la jurisprudence), pose une exception identifiée sous le vocable de « in house » horizontal ou de coopération public-public.

Article 18 :

« La présente ordonnance n’est pas applicable aux marchés publics par lesquels les pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu’ils agissent en qualité d’entité adjudicatrice, établissent ou mettent en œuvre une coopération dans le but de garantir que les services publics dont ils ont la responsabilité sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

1° La mise en œuvre de cette coopération n’obéit qu’à des considérations d’intérêt général ;

2° Les pouvoirs adjudicateurs concernés réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % des activités concernées par cette coopération. Ce pourcentage d’activités est déterminé dans les conditions fixées au IV de l’article 17. »

Cet article autorise les pouvoirs adjudicateurs à établir ou à mettre en œuvre une coopération dans le but de garantir que les services publics dont ils ont la responsabilité sont réalisés en vue d’atteindre les objectifs qu’ils ont en commun et sous réserve de la réunion des conditions énoncées :

–       Les considérations d’intérêt général : ce qui est le cas pour la biologie médicale « publique »,

–       Le seuil des 20 % (à vérifier au cas par cas).

Il convient cependant de relever que l’exception dégagée initialement par la jurisprudence et jouissant maintenant d’une assise textuelle, trouve son fondement dans la volonté très expressément exprimée d’une véritable coopération entre personnes publiques.

Dès lors il est d’importance que les modalités de mise en œuvre du montage soit la démonstration d’une réelle volonté de collaboration étroite entre les établissements.

 

2      – Les Autorisations

L’article L. 6132-2 du code de la santé publique, intègre dans le champ de la convention constitutive du groupement hospitalier de territoire la définition « des transferts éventuels d’activités de soins ou d’équipements de matériels lourds entre établissements parties au groupement ».

Le législateur prévoit dans ce même article  que l’approbation de la convention constitutive vaut confirmation et autorisation de changement de lieu d’implantation des autorisations mentionnées à l’article L. 6122-1.

Aussi le « transfert d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds » qui ne porte pas en soi une qualification juridique renvoie à une opération combinant le cas échéant deux actes juridiques:

–        Le changement d’implantation de l’activité ou de l’équipement lourd soumis à autorisation aux termes des articles L. 6122-1 et suivants du CSP;

ET

–        La cession d’autorisation qui est, conformément à l’article L. 6122-3 soumise, à confirmation de l’Agence régionale de santé.

Pour autant ne sont pas formellement exclues l’hypothèse d’un changement de titulaire de l’autorisation sans changement du lieu d’implantation, et inversement l’hypothèse d’un simple transfert géographique sans cession de l’autorisation.

Par ailleurs, si l’approbation de la convention constitutive peut emporter confirmation et autorisation de changement de lieu d’implantation, le Conseil Constitutionnel a su rappeler dans sa décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016 sur la loi de modernisation de notre système de santé « que ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles qui s’appliquent aux transferts d’autorisation d’équipement ; qu’elles se bornent à prévoir que l’approbation du changement de lieu d’implantation peut se faire dans le même acte que l’approbation de la convention constitutive du groupement hospitalier de territoire ; » (Considérant 63).

Alors que la rédaction de la disposition législative était particulièrement permissive, on retiendra que la saisine du Conseil constitutionnel a conduit les pouvoirs publics à une interprétation particulièrement restrictive. Il ne s’agit plus que d’un simple élément de simplification administrative car un seul acte pourra porter approbation de la convention constitutive de GHT, confirmation de la cession et autorisation du changement d’implantation.

Ainsi, les procédures applicables aux autorisations telles que résultant des articles L 6122-1 et suivants et R. 6122-1 et suivants resteraient pleinement opposables…

Par application de l’article L. 6132-7 du CSP qui impose qu’un décret en Conseil d’Etat détermine « Les conditions dans lesquelles les modifications aux autorisations mentionnées à l’article L. 6122-1 et transférées en application de la convention de groupement hospitalier de territoire sont approuvées », le projet de décret dans son article 3 modifie en ces termes l’actuel article R. 6132-28 (renuméroté R. 6132-25) consacré aux transferts d’autorisations dans les communautés hospitalières de territoire vouées à la disparition :

« I.- Lorsque la convention de groupement hospitalier de territoire prévoit la cession avec ou sans modification du lieu d’implantation d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds soumis à l’autorisation prévue à l’article L. 6122-1, ou lorsqu’elle prévoit une telle modification sans cession, elle est assortie d’une demande comprenant :

1° La convention de [Groupement hospitalier de territoire] dans le cadre de laquelle elle s’inscrit ;

2° Les pièces énumérées aux e et f du 1° et aux b et c du 3° de l’article R. 6122-32-1 ;

3° Celles mentionnées au 4° de cet article, sauf si le demandeur déclare reprendre à son compte les conditions d’évaluation auxquelles il s’était précédemment engagé ou celles auxquelles s’était engagé le titulaire de l’autorisation, s’il est différent ;

4° Les engagements du demandeur en ce qui concerne les effectifs et la qualification des personnels nécessaires aux activités ou équipements repris ou déplacés.

II.- Par dérogation aux dispositions de l’article L. 6122-9, l’avis de la commission spécialisée de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie compétente pour le secteur sanitaire n’est pas requis.

III.- Le directeur général de l’agence régionale de santé ne peut rejeter la demande que si le dossier présenté fait apparaître des modifications qui seraient de nature à justifier un refus d’autorisation en application de l’article R. 6122-34 ou qui seraient incompatibles avec le respect des conditions et engagements auxquels avait été subordonnée l’autorisation considérée. »

Manifestement cette disposition s’inscrit dans le régime de cession d’autorisation prévu à l’article R. 6122-35  bien qu’il n’y soit pas explicitement renvoyé.

Ce qui suppose qu’une demande de confirmation soit présentée au directeur général de l’agence régionale de santé accompagné d’un dossier justificatif et que l’agence statue suivant les  modalités prévues pour une demande d’autorisation.

Cependant, le projet d’article  R. 6132-25 allège notablement le dossier puisque n’ont pas à figurer les pièces énumérées aux a, b, d du 1°  de l’article R. 6122-32-1 , celles du 2°  et du 4°  si le demandeur déclare reprendre à son compte les conditions d’évaluation auxquelles il s’était précédemment engagé ou celles auxquelles s’était engagé le titulaire de l’autorisation, s’il est différent.

En outre, le dossier n’a pas à comporter l’acte ou l’attestation de cession signés du cédant, ou l’extrait des délibérations du conseil de surveillance ou de l’organe délibérant de cédant relatif à cette cession, ainsi qu’une copie du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu entre l’agence régionale de santé et le cédant.

Ce qui sous-tend probablement que la convention constitutive emporte en soi cession à titre gratuit entre le cédant et le cessionnaire…et que sa seule production suffit à l’attester.

Surtout, comme précédemment pour les communautés hospitalières de territoire, un texte réglementaire se permet de déroger à une disposition législative cardinale dans la procédure d’autorisation l’article L6122-9 requérant l’avis de la CRSA.

Or, cette commission permet notamment aux représentants des usagers de porter leur voix concernant l’évolution de l’offre de soins. Outre les questions juridiques évidentes que cette suppression pose, il est porté atteinte à la démocratie sanitaire.

Par ailleurs, comme pour toute opération de cession, l’agence régionale de santé ne peut refuser la confirmation de l’autorisation « que si le dossier présenté fait apparaître des modifications qui seraient de nature à justifier un refus d’autorisation en application des dispositions de l’article R. 6122-34  ou qui seraient incompatibles avec le respect des conditions et engagements auxquelles avaient été subordonnée l’autorisation considérée ».

Ce qui est fort peu probable sauf à ce que le Directeur général de l’ARS refuse d’approuver la convention, tout étant intimement lié…

Ce qui interroge enfin dans ce projet d’article R. 6132-25, c’est qu’il ne distingue pas, pour définir la procédure applicable, la cession avec ou sans changement d’implantation et le seul changement d’implantation sans cession, alors même qu’il envisage ces différentes hypothèses.

Or, la modification du lieu géographique d’exploitation relève de l’article D.6122-38 aux termes duquel :

« II.-Lorsque le titulaire de l’autorisation entend modifier les conditions d’exécution de l’autorisation d’activité de soins ou d’équipement matériel lourd, il en informe le directeur général de l’agence régionale de santé en lui transmettant les documents afférents au projet. Lorsque le directeur général de l’agence régionale de santé constate que la modification n’appelle pas une nouvelle décision d’autorisation nécessitant le dépôt d’une demande, il donne son accord au projet en indiquant qu’il sera procédé, après réalisation, à une vérification du maintien de la conformité des éléments de l’activité de soins ou de l’utilisation de l’équipement matériel lourd concernés par cette opération. Cette vérification est effectuée selon la procédure prévue au I, après que le titulaire de l’autorisation a déclaré au directeur général de l’agence régionale de santé l’achèvement de l’opération. »

Aussi de deux choses l’une, ou le directeur général de l’ARS considère que le projet impose le dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation et la procédure classique s’impose avec notamment le dépôt d’un dossier justificatif comportant tous les éléments de l’article R. 6122-32-1 dans le respect des périodes et calendriers prescrits soit il procède à une simple vérification.

Le projet d’article R. 6132-5,  en imposant pour une simple modification d’implantation sans cession une procédure de confirmation,  va bien au-delà d’une « simplification administrative » et modifie bien les règles contrairement à ce que le Gouvernement avait défendu devant le Conseil Constitutionnel.

En tout état de cause, il revient aux acteurs publics d’être particulièrement vigilants en matière de transferts d’autorisations, car des opérateurs concurrents pourraient trouver là l’opportunité de contrer la mise en place des GHT par des actions contentieuses ciblées.

CONCLUSIONS

Ce travail s’est voulu une contribution à la compréhension d’un dispositif dont on s’aperçoit de la complexité.

 

Article cosigné par Me Laurent HOUDART, Me Stéphanie HOUDART, Me Guillaume CHAMPENOIS, Me Pierre-Yves FOURE, Monsieur Dominique LAROSE, Me Caroline LESNE, Me Amandine COSTE, Madame Laurine JEUNE et Me Mélanie HUET

 



[i] Article L. 6146-1 du code de la santé publique

« Pour l’accomplissement de leurs missions, les établissements publics de santé définissent librement leur organisation interne, sous réserve des dispositions du présent chapitre.

 

Le directeur définit l’organisation de l’établissement en pôles d’activité conformément au projet médical d’établissement, après avis du président de la commission médicale d’établissement et, dans les centres hospitaliers universitaires, du directeur de l’unité de formation et de recherche médicale. Un décret fixe le nombre d’agents d’un établissement en dessous duquel la constitution de pôles est facultative et le nombre maximal d’agents que peut comporter un pôle.

 

Les pôles d’activité sont composés, d’une part, de services, de départements et d’unités fonctionnelles ou de toutes autres structures de prise en charge du malade par les équipes médicales, soignantes ou médico-techniques ainsi que, d’autre part, des services, unités, départements ou structures médico-techniques qui leur sont associés. Dans les centres hospitaliers universitaires, les pôles d’activité clinique et médico-technique sont dénommés “pôles hospitalo-universitaires”.

 

Le directeur nomme les chefs de pôle.

 

Pour les pôles d’activité clinique ou médico-technique, il nomme les chefs de pôle sur proposition du président de la commission médicale d’établissement, et, dans les centres hospitalo-universitaires, sur proposition conjointe du président de la commission médicale d’établissement et du directeur de l’unité de formation et de recherche médicale ou, en cas de pluralité d’unités, du président du comité de coordination de l’enseignement médical.

 

La durée du mandat des chefs de pôle est fixée par décret. Leur mandat peut être renouvelé dans les mêmes conditions.

 

Peuvent exercer les fonctions de chef de pôle d’activité clinique ou médico-technique les praticiens mentionnés à l’article L. 6151-1 et aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 6152-1.

 

Le directeur signe avec le chef de pôle un contrat de pôle précisant les objectifs et les moyens du pôle.

 

Pour les pôles d’activité clinique et médico-technique, le président de la commission médicale d’établissement contresigne le contrat. Il atteste, ainsi, par sa signature, la conformité du contrat avec le projet médical de l’établissement.

 

Dans les pôles hospitalo-universitaires, le directeur de l’unité de formation et de recherche médicale ou, en cas de pluralité d’unités, le président du comité de coordination du comité de l’enseignement médical, contresigne également le contrat.

 

Le praticien chef d’un pôle d’activité clinique ou médico-technique met en œuvre la politique de l’établissement afin d’atteindre les objectifs fixés au pôle. Il organise, avec les équipes médicales, soignantes, administratives et d’encadrement du pôle, sur lesquelles il a autorité fonctionnelle, le fonctionnement du pôle et l’affectation des ressources humaines en fonction des nécessités de l’activité et compte tenu des objectifs prévisionnels du pôle, dans le respect de la déontologie de chaque praticien et des missions et responsabilités des services, des unités fonctionnelles, des départements ou des autres structures, prévues par le projet de pôle. Dans l’exercice de ses fonctions, il peut être assisté par un ou plusieurs collaborateurs dont il propose la nomination au directeur d’établissement. Si le pôle comporte une unité obstétricale, l’un de ces collaborateurs est une sage-femme.

 

Le chef de pôle organise la concertation interne et favorise le dialogue avec l’ensemble des personnels du pôle.

 

Les principes essentiels de l’organisation en pôles de l’établissement et de leurs règles de fonctionnement figurent dans le règlement intérieur de l’établissement. »