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Le 6 aout 2015 a été mise en ligne l’INSTRUCTION INTERMINISTERIELLE N° DGOS/PF1/DGFiP/CL 1C/CL2A/2015/251 du 28 juillet 2015 qui actualise les modalités de mise en œuvre du dispositif d’accompagnement des établissements publics de santé dans la sécurisation de leurs prêts structurés initialement institué par l’instruction interministérielle n° DGOS/PF1/DGFiP/CL1C/CL2A/2014/363 du 22 décembre 2014. Cette nouvelle instruction élargit le cercle des bénéficiaires de ce dispositif et accroît le montant des aides.

Le texte de cette instruction est disponible en ligne sur le site Legifrance (http://circulaire.legifrance.gouv.fr/index.php?action=afficherCirculaire&hit=1&r=39893).

Comme le rappellent ses auteurs, « le surcoût financier induit par plusieurs types d’emprunts structurés » pouvant « s’avérer insoutenable pour certains EPS…. », un premier dispositif d’accompagnement des hôpitaux les plus exposés au risque des emprunts structurés avait été mis en place par l’instruction interministérielle du 22 décembre 2014.

C’est ce dispositif qui est finalement aujourd’hui revu, de façon très significative suite aux alertes et prises de position des représentants des hospitaliers.

Et ce sont ces modifications apportées au dispositif initial qui seront ici résumées.

1 – L’augmentation du montant de l’enveloppe des aides

Le dispositif initial avait été doté de 100 millions d’euros dont 25 millions provenaient des « banques » via le paiement de la taxe de risque systémique à laquelle ces dernières sont assujetties depuis 2011.

Pour absorber les conséquences financières de la forte hausse du franc suisse (consécutive à l’abandon du cours plancher de 1,20 défendu par la Banque Nationale Suisse jusqu’au 15 janvier dernier), le montant de cette enveloppe est multiplié par quatre. Il atteint en effet 400 millions d’Euros. Les 300 millions d’augmentation proviendront du produit de la majoration de la taxe de risque systémique dont la collecte se poursuivra bien au-delà de l’année 2019 contrairement à ce qui a avait été prévu au départ (cette taxe devrait être payable jusqu’en 2028 et sa collecte se poursuivra certainement encore sachant que selon l’adage un bon impôt est un vieil impôt).

Cette augmentation de l’enveloppe des aides se paie toutefois par un étalement dans le temps du calendrier de leur versement.

Alors que dans le dispositif initial, les aides étaient versées par fractions annuelles égales pendant 3 ans, le nouveau dispositif indique que « L’aide du dispositif sera versée à l’établissement par fractions annuelles sur une période maximale de 10 ans ».

On constate donc que se posera encore plus qu’auparavant la question du préfinancement de l’aide sur la durée de sa perception (car les indemnités de sortie des emprunts structurés sont payables en totalité et en une seule fois au moment de leur remboursement anticipé), et donc de son coût additionnel, et que les versements annuels ne seront pas nécessairement d’un montant égal (on peut imaginer des versements dégressifs ou au contraire progressifs suivant les circonstances et les besoins).

2 – L’utilisation de ces moyens nouveaux.

Les 300 millions supplémentaires permettent d’une part d’augmenter le taux de l’aide susceptible d’être versée, et d’autre part d’élargir le cercle de ses bénéficiaires.

La hausse du franc suisse a considérablement accru la « facture » des emprunts structurés dont le taux était indexé sur la parité EUR/CHF. En moyenne, les taux ont bondi de 15 à 25% et les indemnités de remboursement anticipé sont passées de 2 fois à 3 fois le montant du capital emprunté dans de très nombreux cas.

Ceci rendait indispensable une hausse du taux maximal d’aide qui passe de 45% à 75% du montant de l’indemnité de remboursement anticipé, à l’instar de ce qui est prévu pour les collectivités territoriales. Le plafond de cinq millions d’Euros est également supprimé.

Quant aux montants des indemnités de remboursement anticipé (IRA) servant de base au calcul de l’aide, ceux-ci intègrent désormais l’IRA en date du 28 février 2015 afin de tenir compte de la hausse du franc suisse après le 15 janvier.

Si les critères d’attribution de calcul de l’aide demeurent les mêmes que précédemment (taille budgétaire, poids de l’encours de dette hors charte, niveau d’endettement, situation financière et capacité à faire face au surcoût financier générés par les prêts hors charte, besoin d’emprunts sur les prochaines années), leur pondération et la méthode d’application de ces critères ne sont toujours pas expliqués, ce qui peut légitimer certains doutes sur le caractère sinon arbitraire du moins « politique » de la décision d’attribution et de calcul du montant de l’aide.

Seront-ce les établissements les plus fragilisés et exposés qui bénéficieront in fine des aides les plus conséquentes ?

On peut croire que la FHF, les syndicats de directeurs, et les autres représentants des corps constitués regarderont de très près dans quelles conditions cette manne financière va être répartie. Et que dire des Présidents de conseil de surveillance ?

L’augmentation de l’enveloppe permet aussi de rendre éligible au dispositif des établissements qui n’avaient pas pu en bénéficier.

Font désormais partie de cette « deuxième vague » (pour reprendre les termes de la circulaire) les établissements publics de santé (EPS) dont le total des produits (somme des soldes créditeurs — somme des soldes débiteurs des comptes de la classe 7 des comptes de résultat principal et annexes) est compris entre 100 et 200 millions d’euros selon le compte financier 2013.

On notera que ne sont éligibles, que ce soit pour la première ou pour la deuxième vague, que les établissements publics de santé à l’exclusion des établissements de santé privés. Se pose naturellement la question de l’éligibilité des syndicats interhospitaliers (en cours de transformation ou de suppression) qui sont des établissements publics remplissant parfois les missions d’un établissement de santé sans que leur soit reconnu le statut d’établissement public de santé.

Par ailleurs, pour les établissements de la « deuxième vague », les contrats ciblés par le dispositif sont définis plus strictement que pour ceux de la « première vague » puisque ne sont éligibles que « les contrats de prêt structuré classés « hors charte », c’est-à-dire les contrats qui ne figurent pas au tableau des risques de la Charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales (voir annexe 1) — dont le taux d’intérêt en phase structurée est indexé sur la seule parité euro/franc suisse ».

Comme pour la première circulaire on ne peut que féliciter les concepteurs du dispositif pour avoir eu le courage de ne pas saupoudrer l’aide en dispersant des moyens forcément limités sur un grand nombre d’objectifs. A l’heure présente, les contrats de prêt structuré les plus exposés à un risque de taux extrêmement élevés sont non seulement les contrats « hors charte » mais encore et surtout ceux dont le taux est indexé sur la parité EUR/CHF. Il est dommage que ceux et celles qui ont conçu le dispositif d’aide des collectivités territoriales n’aient pas fait preuve de la même sagacité.

Certains regretteront peut-être que les prêts indexés sur les parités USD/JPY ou USD/CHF ne soient pas éligibles mais, ce genre d’exercice consiste à faire des choix, et celui qui a été fait est un choix réaliste et adéquat.

Plus critiquable peut-être est l’exclusion des emprunts directement libellés en francs suisses (et de manière générale des autres emprunts en devises étrangères) puisque ceux libellés en franc suisse sont par définition tout autant exposés au risque de change EUR/CHF, que les emprunts structurés indexés sur cette parité et qu’ils auraient peut-être pu être ajoutés à la liste des emprunts éligibles.

Mais il est vrai qu’il ne s’agit pas d’emprunts structurés, et qu’emprunter dans une devise qui n’est pas sa devise de référence est pour certains une erreur qui doit être sanctionnée d’une façon ou d’une autre. Il est donc fort possible que leur exclusion ait été inspirée par des arrière-pensées « punitives ». On notera en tout état de cause que le renchérissement de leur coût est tout de même sans commune mesure avec celui des emprunts structurés.

Comme dans la précédente instruction les contrats de prêt doivent être en cours d’amortissement au 31.12.2014. Sont en outre éligibles au dispositif les contrats de prêt ayant fait l’objet d’une sécurisation avant le 31 décembre 2014 mais dont la date d’effet intervient après le 1er janvier 2015 ou qui ont fait l’objet d’une sécurisation sur l’exercice 2015 avant dépôt du dossier de demande d’aide à la DGOS.

L’instruction renvoie-t-elle aux seules sécurisations définitives ? Rien ne permet de l’affirmer.

3 – La procédure d’instruction prévue est quasi-inchangée.

Sont reproduits en deçà la chronologie des étapes de la procédure d’instruction et d’attribution des aides des établissements de la vague 1 et de la vague 2 (annexe 2 et 3 de l’instruction du 28 juillet 2015).

 

 

 

Plusieurs observations,

La  direction générale de l’offre de soins (DGOS) se devait, dans la semaine de la date d’envoi de l’instruction du 28 juillet 2015, d’adresser aux Agence Régionale de Santé (ARS) une liste provisoire des contrats de prêt considérés a priori comme éligibles.

Dans le délai d’une semaine, le directeur général de l’ARS validait et le cas échéant modifiait (en supprimant ou en ajoutant des contrats) cette liste et la renvoyait au bureau PF1 de la DGOS.

La DGOS disposait alors d’une semaine pour arrêter définitivement cette liste.

Il revient désormais aux ARS d’informer les établissements concernés qu’ils sont les heureux élus (…dans un délai non précisé).

Il est à noter que certains établissements malencontreusement oubliés ont dû se faire connaître…

Il appartient par la suite au directeur de l’établissement de faire part de son souhait de constituer ou non un dossier de demande d’aide dans la semaine qui suit son information.

On remarque que désormais c’est au niveau de la validation de la liste des établissements et non plus de l’instruction au niveau régional que la Direction Régionale des Finances Publiques (DRFIP) est informée. Associées très en amont, les DRFIP sont saisies dès acception par le directeur de l’hôpital d’entrer dans le processus, pour établir une analyse financière rétrospective de l’établissement qui doit être réalisée et transmise à l’ARS avant la phase d’instruction au niveau régional.

La Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) et les DRFIP sont quant à elles précisément tenue informées ; leur sont à cet effet notamment transmis les dossiers colligés par les hôpitaux.

Les éléments constitutifs de ce dossier sont inchangés par rapport à ceux exigés dans la précédente instruction sous réserve des remarques qui suivent.

Doivent figurer outre le montant de l’indemnité de remboursement anticipé au 31 décembre 2013, au 31 décembre 2014, celui au 28 février 2015 qui va servir de base pour calculer l’aide.

Si un « projet non signé de transaction au sens de l’article 2044 du code civil conclue avec l’établissement de crédit » doit toujours figurer au dossier, il n’a plus à être visé par les deux parties. Aussi on peut supposer que le seul projet standard fourni usuellement par les banques et qui n’aurait pas fait l’objet de quelconques discussions suffise.

Néanmoins « dans le cas particulier où le contrat de prêt éligible a été sécurisé (…), il est demandé de compléter le dossier de demande d’aide du nouveau contrat de prêt ainsi que la transaction signée en lieu et place du projet non signé ».

Une fois que l’ARS a pu vérifier la complétude des dossiers, la DGOS doit en être rendue destinataire au plus tard le 30 octobre 2015. Il est précisé qu’  « il n’est pas prévu d’ouvrir une nouvelle instruction en 2015 ».

Les services de la DGOS disposent d’un délai de 5 mois pour instruire les demandes (à compter de la transmission du dossier complet). Mais il est prévu que ce délai puisse être suspendu « pour une durée maximale de six mois lorsque le montant de l’aide ne peut être valablement calculé en raison des variations significatives affectant des éléments de référence affectant les indemnités de remboursement dues ». Ce qui renvoie probablement à des perturbations sur les marchés monétaires telles qu’on a pu en connaître en janvier 2015.

A l’instar des collectivités territoriales, les hôpitaux sont invités à réfléchir à un débouclage de leurs opérations préalablement à la notification de l’aide accordée si l’opportunité se présentait.

« L’établissement public de santé n’est pas tenu d’attendre la notification de l’aide par le DGOS pour procéder au remboursement anticipé du prêt. Celui-ci peut intervenir à tout moment, avant même le dépôt du dossier auprès du DGOS ou pendant l’instruction du dossier par le niveau national. Dans ce dernier cas, cette information doit être portée à la connaissance de la DGOS par tous les moyens dans un délai de 7 jours ouvrables suivant l’opération de remboursement. »

On relèvera cependant le risque porté par l’établissement alors qu’il est dans l’incapacité de préjuger du montant de l’aide qui lui sera alloué, et qu’à la différence des collectivités territoriales, aucune simulation n’est possible.

Par ailleurs, comme dans la précédente instruction, le versement de l’aide est subordonné au remboursement anticipé du ou des contrats éligibles et à la conclusion préalable avec l’établissement de crédit d’une transaction au sens de l’article 2044 du code civil.

 A compter de la date de notification de la proposition d’aide, le directeur de l’établissement dispose de six semaines pour faire connaître au directeur général de l’ARS son acceptation ou son refus de l’aide proposée sur chacun des contrats concernés par la demande d’aide.

 En cas d’acceptation de l’aide proposée, le directeur de l’établissement transmet à l’ARS le dossier complémentaire (en regard du calendrier reproduit ci-avant cette transmission devrait se faire dans le délai de six semaines) . Celui-ci est invariablement composé de :

– La copie de la transaction signée avec l’établissement de crédit ;

– Une convention signée avec le DG de l’ARS définissant les modalités de versement de l’aide ainsi que les modalités de suspension ou de restitution de l’aide en cas de non-respect des conditions d’octroi.

 En cas de refus de la proposition d’aide, la procédure prend fin, aucune nouvelle demande d’aide ne pourra être présentée ultérieurement dans le cadre du dispositif. L’établissement peut refuser une proposition d’aide sur un contrat mais accepter la proposition sur un autre contrat.

Les délais sont donc très restreints pour parvenir à un accord avec la banque concernée qui sera sans doute très réticente à consentir des concessions supplémentaires considérant que sa participation   au dispositif à travers son financement suffit à l’en dispenser.

Or certains établissements même s’ils parvenaient à obtenir une aide conséquente, ne pourraient sans effort complémentaire de leur banque se traduisant par un abandon de créance sur une partie de l’IRA sortir de produits aussi toxiques.

Ceci est bel et bien, les semaines qui vont suivre vont nous permettre d’apprécier en pratique ce que vaut ce dispositif à condition bien sûr qu’une loi sanctuarise son financement…